Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une demande et un mémoire, enregistrés le 14 janvier 2014 et le 17 février 2016, M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d' annuler la décision du 9 septembre 2013 par laquelle le préfet du Var 1'a informé du retrait des ventes domaniales de la parcelle cadastrée section Al n° 2l située au lieu-dit " La Bigue" sur le territoire de la commune de La-Valette-du-Var, d'enjoindre sous astreinte à l'administration de lui vendre cette parcelle, de lui donner acte de ce qu'il propose d'abandonner à 1' Etat 20 m² de la superficie de la parcelle afin de maintenir la présence d'un monument commémoratif, subsidiairement, de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il estimait avoir subis et à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1400120 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a, rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2016, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 mars 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 9 septembre 2013 du préfet du Var et la décision née le 17 novembre 2013 du rejet implicite par cette même autorité de son recours gracieux du 17 septembre 2013 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 600 euros au titre des frais de dossier bancaire, la somme de 2.000 euros au titre de ses diligences auprès de sa banque et de son notaire et la somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-l du code de Justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration ne s'étant jamais prévalue de ce que la décision du 4 juin 2013 décidant la vente de la parcelle appartenant au domaine privé de l'Etat, acte individuel créateur de droits, était illégale, le retrait de cette décision est illégal ;
- la décision notifiée par courrier du 19 juillet 2013 n'est pas motivée ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée pour promesse non tenue ;
- il justifie de frais de dossier bancaire de 600 euros, les diligences auprès de son notaire et de sa banque doivent être évaluées à 2 000 euros, et son préjudice moral à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2016 le ministre des finances et des comptes publics, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que
- la requête de plein contentieux est irrecevable en l'absence de réclamation préalable ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2016 le ministre de l'environnement et de la mer indique qu'il n'a pas d'observations à faire valoir, et conclut aux mêmes fins que le ministre des finances et des comptes publics.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Maury, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que, par lettre du 15 mai 2013, France Domaine a proposé à M. A..., gérant de la SCI Daven propriétaire d'une parcelle cadastrée section AI 22 située sur le territoire de la commune de La-Valette-du- Var, d'acquérir partie ou totalité de la parcelle limitrophe cadastrée section AI n° 21 de l 876 m² déclassée du domaine public routier à la suite de l'abandon du projet de réalisation de la section d'autoroute A54/C52 ; que, par courrier du 27 mai 2013, M. A... a proposé la somme de 60 000 euros pour la totalité de la parcelle ; que, par correspondance du 4 juin 2013, France Domaine a accepté cette offre ; que, par un courrier du 19 juillet 2013, France Domaine lui a indiqué que l'Etat conservait finalement dans son patrimoine la parcelle Al 21 et que la vente ne pouvait être finalisée ; que, par lettre du 9 septembre 2013, le préfet du Var a confirmé la décision de retirer la parcelle des ventes domaniales, se prévalant du droit de l'Etat à réparer une erreur dans le seul intérêt général compte tenu de la nature et du caractère exceptionnel de l'usage du bien du fait de la présence sur la parcelle d'un monument commémoratif en l'honneur de combattants ayant participé à la libération de la Provence en 1944 ; que le recours gracieux formé le 17 septembre 2013 par M. A... a été implicitement rejeté par le préfet ; que, par jugement du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de M. A... tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 9 septembre 2013 du préfet du Var et à titre subsidiaire à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis ; que M. A... relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
3. Considérant que la décision du 9 septembre 2013 du préfet du Var, qui n'indique pas les voies et délais de recours, n'a pas fait courir le délai de recours contentieux ; que par suite, la fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la demande de M. A... doit être écartée ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de celle-ci " ;
5. Considérant qu'en l'absence de réclamation préalable adressée à l'administration, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. A... doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-1 du code de la voirie routière : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens du domaine public de l'Etat, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre. à l'exception des voies ferrées. (... ) " et qu'aux termes de l'article L. 112-8 du même code : " Les propriétaires riverains des voies du domaine public routier ont une priorité pour l'acquisition des parcelles situées au droit de leur propriété et déclassées par suite d'un changement de tracé de ces voies ou de l'ouverture d'une voie nouvelle. Le prix de cession est estimé, à défaut d'accord amiable, comme en matière d'expropriation. / Si, mis en demeure d'acquérir ces parcelles, ils ne se portent pas acquéreurs dans un délai d'un mois, il est procédé à l'aliénation de ces parcelles suivant les règles applicables au domaine concerné. / Lorsque les parcelles déclassées sont acquises par les propriétaires des terrains d'emprise de la voie nouvelle.. elles peuvent être cédées par voie d'échange ou de compensation de prix. / Les mêmes dispositions s'appliquent aux délaissés résultant d'une modification de l'alignement " ;
7. Considérant que, par son courrier du 4 juin 2013, France Domaine a accepté l'offre de M. A... d'acquisition de la parcelle, rappelé les caractéristiques de la vente, parfaite, et a demandé si l'intéressé souhaitait que la vente soit authentifiée par un acte administratif ou par un notaire ; qu'il s'agit ainsi d'une décision de vendre et pas d'une promesse de vente ; que si le monument commémoratif est affecté à l'usage direct du public, il a été installé par la commune sur une parcelle qui ne lui appartenait pas ; que le transformateur électrique, ouvrage public, également installé sur le terrain en litige, peut être construit sur une propriété privée ; que la présence d'un arrêt d'autobus sur une parcelle ayant appartenu au domaine public routier avant d'être déclassée par l'Etat ne saurait être de nature à démontrer l'appartenance de cette parcelle au domaine public ; que le terrain en cause relève ainsi du domaine privé de l'Etat ; que la décision de France Domaine du 4 juin 2013 autorisant la cession d'un immeuble du domaine privé de l'Etat, qui constitue un acte administratif créateur de droits, ne pouvait être retirée que pour un motif d'illégalité et dans le délai de quatre mois ; que, si la condition de délai a été remplie, le retrait du 9 septembre 2013 n'est pas fondé sur une illégalité de la décision de vente mais sur l'intérêt général ; que, dès lors, la décision du préfet du Var du 9 septembre 2013 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... doivent être annulées ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en tant quelle tend à l'annulation de la décision du 9 septembre 2013 du préfet du Var et de la décision implicite de rejet du recours gracieux de M. A... ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La décision du préfet du Var du 9 septembre 2013 et sa décision implicite de rejet du recours gracieux formé par M. A... le 17 septembre 2013 sont annulés.
Article 2 : Le jugement du 17 mars 2016 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté
Article 5 : le présent sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'action et des comptes publics et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Délibéré après l'audience du 23 février 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mars 2018.
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N° 16MA01911
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