Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
I/ M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a annulé un précédent arrêté du 18 août 2014 l'agréant pour exercer ou avoir connaissance des mouvements des produits explosifs, en qualité de chauffeur intérimaire.
Par une ordonnance n° 1505108 du 23 octobre 2015, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
II/ M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 7 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a annulé l'arrêté du 18 août 2014 l'agréant pour exercer ou avoir connaissance des mouvements de produits explosifs en qualité de chauffeur intérimaire pour le compte de la société " EPC France ".
Par un jugement n° 1505230 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. B....
Procédure devant la Cour :
I/ Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2015 sous le n° 15MA04356, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 23 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral, du 7 mai 2015 portant annulation de l'arrêté du 18 août 2014, habilitant Monsieur C...B...à exercer ou avoir connaissance des mouvements des produits explosifs, comme chauffeur intérimaire, pour le compte de la société " EPC France " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision est irrégulière dès lors qu'elle décide " d'annuler " un précédent arrêté et non de le retirer ou de l'abroger ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire et a donc violé l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors même que le préfet ne justifie pas de l'urgence ;
- la décision est entachée d'erreur de faits dont le préfet n'établit pas la réalité ;
- l'ordonnance du tribunal méconnait le principe du contradictoire ;
- elle a mis à tort la preuve à la charge du requérant ;
- l'arrêté préfectoral en litige méconnaît les règles relatives au retrait d'un acte administratif ;
- l'arrêté en litige est intervenu sans que le principe du contradictoire prévu par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ait été respecté ;
- il n'appartient, ni n'entretient aucun lien, avec une quelconque mouvance radicale qui pourrait influer sur son comportement ; aucun rapport de police, témoignage, audition n'a été soumis au requérant ; l'administration a commis une erreur de fait manifeste ;
- le préfet de police ne se base que sur des allégations et sur aucun élément matériel de preuve ;
- il a fait l'objet d'une enquête administrative favorable entre septembre et novembre 2013 ; son casier judiciaire est vierge et aucune mention sur les fichiers STIC, SDUC et JUDEX ;
- l'ordonnance attaquée est fondée sur des soupçons et non sur des preuves.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au non lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. B....
Il soutient qu'une nouvelle requête présentée par le requérant le 9 juillet 2015 a donné lieu à un jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 19 avril 2017 sous le n° 1505230.
Par un mémoire en réplique du 21 juin 2017, M. C... B..., représenté par Me A..., soutient :
- que la première requête déposée le 6 juillet 2015 avait été déposée par le requérant sans le soutien d'un conseil, alors que la seconde requête du 9 juillet 2015 a été déposée par l'intermédiaire d'un avocat ;
- que le tribunal administratif de Marseille a tranché à deux reprises sur les mêmes prétentions en adoptant des motivations distinctes.
II/ Par une deuxième requête, enregistrée à la Cour le 19 juin 2017 sous le n° 17MA02522, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505230 du 19 avril 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mai 2015, portant annulation de l'arrêté du 18 août 2014 l'agréant pour exercer ou avoir connaissance des mouvements de produits explosifs en qualité de chauffeur intérimaire pour le compte de la société " EPC France " ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement intervient après une ordonnance déjà rendue ;
- l'arrêté préfectoral en litige méconnaît les règles relatives au retrait d'un acte administratif ;
- aucun texte ne permet un retrait d'agrément ;
- l'administration a insuffisamment motivé l'arrêté du 7 mai 2015 ;
- le préfet ne se prévaut pas d'une situation d'urgence ;
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- l'arrêté en litige a été pris sur le fondement d'une erreur sur l'exactitude matérielle des faits.
Un mémoire du ministre de l'intérieur a été enregistré le 16 février 2018, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant M. B....
1. Considérant que les deux requêtes n° 15MA04356 et 17MA02522 sont relatives à un même arrêté du 7 mai 2015 portant retrait de l'agrément délivré à M. B..., et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
2. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a " annulé ", par un arrêté du 7 mai 2015, l'arrêté du 18 août 2014 portant agrément de M. B... pour exercer ou avoir connaissance des mouvements de produits explosifs en qualité de chauffeur intérimaire pour le compte de la société " EPC France " ; que M. B... relève appel de l'ordonnance n° 1505108 du 23 octobre 2015 et du jugement n° 1505230 du 19 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 mai 2015 portant sur son agrément ;
Sur la requête n° 17MA02522 :
3. Considérant que si l'arrêté a mentionné " l'annulation " de l'agrément accordé à M. B..., il ressort des pièces du dossier que le préfet a entendu procéder, en réalité, non à l'annulation mais à l'abrogation de son arrêté du 7 mai 2015 ; que cette erreur de plume n'entache pas l'arrêté d'irrégularité ;
4. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, qui ne sont pas sérieusement contestés, d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2352-118 du code de la défense : " Les préposés et salariés du titulaire d'une autorisation individuelle d'exploitation, affectés à une activité dans un établissement faisant l'objet de la présente sous-section ou qui ont, de par leurs fonctions, connaissance des mouvements des produits explosifs, ainsi que toute personne qui intervient dans un tel établissement en vue de l'entretien des équipements de sûreté doivent être agréés par le préfet de leur domicile ou, à Paris, par le préfet de police. / L'agrément est valable cinq ans. " ; qu'aux termes de l'article R. 2352-119 de ce code : " Nul ne peut se voir délivrer l'agrément mentionné à l'article R. 2352-118 dans les cas prévus aux 1° et 2° de l'article R. 2352-112. " ; qu'aux termes de l'article R. 2352-112 du même code : " Nul ne peut se voir délivrer l'autorisation d'exploiter un dépôt, un débit ou une installation mobile de produits explosifs : (...) / 2° Si son comportement, apprécié, le cas échéant, au vu des mentions figurant dans les traitements automatisés de données personnelles gérés par les services de police et de gendarmerie, a été contraire à l'honneur, à la probité ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'Etat. " ;
6. Considérant que l'exigence d'un agrément comporte nécessairement, pour l'autorité qui le donne, le pouvoir de l'abroger lorsque le titulaire cesse de remplir les conditions mises à son octroi ; qu'ainsi, l'existence de droits acquis résultant d'une décision administrative individuelle ne s'oppose pas à ce qu'il soit mis fin à une autorisation ou un agrément lorsque les conditions dont la réunion avait justifié cette autorisation ou cet agrément cessent d'être remplies ; que M. B... ne peut utilement se prévaloir de la règle selon laquelle, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer, avec effet rétroactif, une décision individuelle explicite créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision dès lors que la décision attaquée n'a pas la nature d'un retrait ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié aux articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ; que l'arrêté attaqué, pris pour des motifs tenant à la sécurité publique, est une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dont la légalité est soumise au respect de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que le préfet peut, toutefois, légalement se dispenser de cette formalité, en raison d'une situation d'urgence ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du 3 mai 2015 adressé par le préfet de police des Bouches-du-Rhône au préfet des Bouches-du-Rhône, que l'arrêté attaqué procédant au retrait de l'agrément pour exercer ou avoir connaissance des mouvements de produits explosifs en qualité de chauffeur intérimaire délivré à M. B... est intervenu, notamment, à raison de son comportement de soutien implicite aux attentats terroristes perpétrés à New-York le 11 septembre 2001, illustré par le port sur son lieu de travail d'une chemise au motif des " twin towers " en feu, lequel n'est pas sérieusement contesté, faisant apparaître, dans un contexte de menace terroriste, un risque pour la sécurité et l'ordre publics constitutif d'une situation d'urgence au sens des dispositions issues du 1° de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que, dès lors, le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché sa décision d'irrégularité en procédant au retrait de l'agrément délivré à M. B... sans l'avoir préalablement mis à même de présenter des observations dans les conditions prévues par ces dispositions ;
9. Considérant qu'eu égard à la nature des faits reprochés à M. B..., et à l'objet de l'agrément qui lui a été délivré concernant l'exercice et la connaissance des mouvements de produits explosifs, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article R. 2352-112 du code de la défense ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes d'annulation ;
Sur la requête n° 15MA04356 :
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la requête n° 15MA04356 est désormais dépourvue d'objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance, la demande de M. B... fondée sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit également être rejetée ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15MA04356.
Article 2 : La requête n° 17MA02522 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 19 février 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2018.
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N° 15MA04356 - 17MA02522