La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2018 | FRANCE | N°17MA02630

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 22 février 2018, 17MA02630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701158 du 19 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, Mme A..., représentée par Me B..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeC..., épouseA..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1701158 du 19 mai 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2017 du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris en méconnaissance de son droit à être entendue, reconnu par l'article 6 de la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le préfet ne l'a pas invitée à produire les éléments relatifs à sa situation personnelle et a, en conséquence, méconnu les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- en fixant le pays de destination, le préfet s'est estimé à tort lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- en cas de retour en Albanie, elle serait exposée à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.

1. Considérant que Mme A..., ressortissante albanaise née en 1984, a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 17 février 2014, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 février 2016 ; que le préfet des Pyrénées-Orientales a pris à son encontre le 21 février 2017 un arrêté portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à compter de sa notification et fixant le pays de destination ; que Mme A... relève appel du jugement du 19 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, que la directive 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 a été transposée en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de son article 6 est inopérant ; que, toutefois, Mme A... doit être regardée comme ayant entendu soulever en l'espèce plus largement le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;

3. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;

4. Considérant que lorsque un étranger sollicite la délivrance d'un titre de séjour au titre de l'asile, il ne saurait ignorer, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un tel titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne leurs décisions, n'impose pas à l'autorité préfectorale de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui fait suite au refus de titre de séjour au titre de l'asile ; qu'en l'espèce, Mme A...n'établit pas qu'à la suite des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'elle n'aurait pas été en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations (...) " ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A..., le préfet se soit fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction du dossier de l'intéressée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été menée en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 411-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

8. Considérant que, comme l'ont relevé les premiers juges au point 10 de leur jugement, Mme A..., par la simple production d'une attestation faisant état d'une " violation de patrimoine " avec arme à feu au domicile de ses beaux-parents, n'établit pas qu'elle serait personnellement et effectivement exposée à des traitements inhumains et dégradants ou que les autorités albanaises ne seraient pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ; que, par suite, rien n'empêche la reconstruction de la cellule familiale composée de Mme A..., de son époux, ressortissant albanais également en situation irrégulière, et de ses enfants dans leur pays d'origine alors même que les enfants du couple sont scolarisés en France ; que la décision en litige n'est, dès lors, pas de nature à nuire à l'intérêt supérieur des enfants de la requérante ; qu'ainsi l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé à tort lié par la décision du 17 février 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et celle du 23 février 2016 de la Cour nationale du droit d'asile et qu'il n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de l'absence d'un tel examen et de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence doivent être écartés ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et que ce dernier article stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que, si Mme A... affirme craindre, en cas de retour en Albanie, d'être exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lui ont refusé le statut de réfugiée ; qu'en outre, comme il a été dit au point 8, Mme A... n'établit pas, par les documents qu'elle produit, qu'elle aurait été, à la date de la décision du préfet, exposée à un risque sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., épouseA..., à Me B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 8 février 2018, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 février 2018.

2

N° 17MA02630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02630
Date de la décision : 22/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-22;17ma02630 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award