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19/02/2018 | FRANCE | N°17MA04512-17MA04513

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 19 février 2018, 17MA04512-17MA04513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1705038 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Mont

pellier a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

I/ Par une premiè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2017 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1705038 du 27 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

I/ Par une première requête, enregistrée le 20 novembre 2017, sous le n° 17MA04512, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 octobre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2017 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales d'examiner son dossier au titre de la " vie privée et familiale " ou des " motifs exceptionnels " dans le délai d'un mois, à fin de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision l'obligeant à quitter le territoire à destination du Kosovo méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant fixation du pays de destination devra être annulée à la suite de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ;

- il se trouverait en danger en cas de retour dans son pays d'origine ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2017, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. C... a produit des pièces après la clôture de l'instruction. Elles n'ont pas été communiquées.

II/ Par une deuxième requête, enregistrée le 20 novembre 2017, sous le n° 17MA04513, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement attaqué ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et reprend les moyens développés dans sa requête au fond.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par jugement du 27 octobre 2017, le magistrat délégué du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. C..., de nationalité Kosovar, né le 25 octobre 1975, tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2017 portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du Kosovo comme pays de destination et interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans, pris par le préfet des Pyrénées-Orientales ; que M. C... relève appel de ce jugement ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes susvisées n° 17MA04512 et n° 17MA04513 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la demande d'aide juridictionnelle :

3. Considérant que le bureau d'aide juridictionnelle n'ayant pas encore statué sur la demande d'aide juridictionnelle de M. C..., celui-ci doit être regardé comme ayant sollicité l'aide juridictionnelle provisoire ; qu'il y a lieu de lui en accorder le bénéfice dans les instances n° 17MA04512 et n° 17MA04513 ;

Sur la requête n° 17MA04512 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. Considérant que le moyen de la requête de M. C... à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté pour les motifs retenus par le premier juge, lequel n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de sa situation personnelle, qu'il y a lieu d'adopter ;

S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

5. Considérant que pour les raisons déjà exposées au point 4 ci-dessus, la décision en litige n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

S'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

7. Considérant que pas plus en appel qu'en première instance M. C... n'établit encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine, ne mentionnant aucun élément nouveau sur la nature, la réalité, l'intensité et l'actualité des menaces dont il ferait l'objet dans ce pays de nature à remettre en cause l'appréciation de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile qui ont rejeté sa demande d'asile ; qu'il ne produit d'ailleurs en cause d'appel aucune nouvelle pièce de nature à étayer l'existence du risque allégué ; qu'ainsi, le moyen tenant à la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que pour les mêmes raisons, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

8. Considérant, en second lieu, et ainsi qu'il a été jugé précédemment, que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai opposée à M. C... n'est pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision soulevée par l'intéressé à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant fixation du pays de destination ne peut être qu'écartée ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que le moyen de la requête de M. C... à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, tiré du défaut de motivation, doit être écarté pour les motifs retenus par le premier juge qu'il y a lieu d'adopter ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... qui se maintient irrégulièrement dans l'espace Schengen, s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre 12 avril 2016 après avoir été débouté de manière définitive de sa demande d'asile ; qu'il a également été écroué le 28 novembre 2017 afin de purger une peine de six mois d'emprisonnement pour soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; que s'il fait valoir qu'il séjourne en France depuis dix ans et qu'il s'est intégré dans la société française, vivant avec une compagne non titulaire de titre de séjour, il ne démontre ni sa résidence habituelle sur le territoire national, ni être dépourvu de tout lien familial dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de son existence et où réside l'ensemble de sa famille ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Pyrénées-Orientales a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation en le frappant d'une interdiction de retour sur le territoire français ne peut qu'être écarté comme non fondé ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur la requête n° 17MA04513 :

13. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. C... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 17MA04513 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision litigieuse, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :

15. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

16. Considérant, en tout état de cause, que les dispositions précitées font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... tendant à leur application, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : L'aide juridictionnelle provisoire est accordée à M. C... dans les instances n° 17MA04512 et n° 17MA04513.

Article 2 : La requête n° 17MA04512 de M. C... est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17MA04513.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 5 février 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 février 2018.

2

N° 17MA04512 - 17MA04513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA04512-17MA04513
Date de la décision : 19/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : BERRY ; BERRY ; BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-19;17ma04512.17ma04513 ?
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