Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 août 2013 du maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il estime avoir été victime le 22 novembre 2012 et le plaçant en congé de maladie ordinaire, ainsi que l'arrêté du 28 août 2013 prolongeant son congé de maladie ordinaire, ensemble la décision du 23 décembre 2013 de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au maire de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 novembre 2012, de régulariser sa situation administrative et de lui verser l'intégralité de son traitement depuis le 21 février 2013 jusqu'à sa reprise du service, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner la commune à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait d'agissements de harcèlement moral et de discrimination et du fait du comportement fautif de la commune à son encontre, d'ordonner une expertise médicale et de condamner la commune à lui verser une provision de 5 000 euros pour la réparation de ses préjudices.
Par un jugement n° 1401366 du 27 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés des 12 et 28 août 2013 et la décision du 23 décembre 2013, enjoint au maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule de prendre une décision de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident du 22 novembre 2012 et de tirer les conséquences de cette décision en procédant au réexamen de la situation administrative de M. B..., notamment en ce qui concerne son traitement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 juillet 2016 et le 19 juin 2017, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour, dans ses dernières écritures :
1°) de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'arrêté du 12 août 2013 du maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule, ainsi que l'arrêté du 28 août 2013 et la décision du 23 décembre 2013 de rejet de son recours gracieux ;
2°) de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a enjoint au maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident survenu le 22 novembre 2012 et de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
3°) de réformer le jugement sur le surplus, et de condamner la commune de Roquefort-la-Bédoule à lui verser les sommes de 415 euros au titre de ses frais d'assistance à expertises médicales, 90 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de la discrimination subie dans son travail en raison de son handicap, et 5 000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice découlant de son accident de service ;
4°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise médicale aux fins d'évaluer son préjudice consécutif à l'accident de service dont il a été victime ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Roquefort-la-Bédoule la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions indemnitaires relatives à ses frais d'assistance à expertises médicales ;
- l'arrêté du 12 août 2013 est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'avis de la commission de réforme est intervenu au terme d'une procédure irrégulière, en ce qu'il n'a pas été mis en mesure de se faire assister par le médecin et le conseiller de son choix, et n'a pas eu communication de documents administratifs utilisés dans la procédure ;
- l'arrêté du 12 août 2013 est entaché d'une erreur de fait sur la date de son accident de service ;
- l'autorité territoriale a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident ;
- la réunion de la commission de réforme a eu lieu après un délai anormalement long ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la négligence de l'administration dans le traitement de son dossier, et le défaut de prise en compte de son handicap dans son travail jusqu'à 2015 ;
- il a été maintenu dans une situation précaire durant la majeure partie de sa carrière, de 1989 à 2004, et a effectué une période de stage avant sa titularisation, en méconnaissance des dispositions relatives aux travailleurs handicapés de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- il a également subi des actes de harcèlement émanant de son supérieur hiérarchique ;
- ces faits de discrimination et de harcèlement, subis depuis 25 ans, ont occasionné une dégradation de ses conditions de travail, une précarisation et une atteinte à sa dignité, entraînant un préjudice moral et un préjudice financier devant être réparés par l'allocation d'une somme totale de 90 000 euros ;
- il peut prétendre à la réparation intégrale des préjudices subis à raison de l'accident de service dont il a été victime le 22 novembre 2012, laquelle devra être déterminée au terme d'une expertise médicale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, la commune de Roquefort-la-Bédoule, représentée par MeE..., conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'irrecevabilité de la requête de première instance, à titre subsidiaire, au rejet des demandes présentées en première instance, et à titre infiniment subsidiaire, à ce que les demandes soient ramenées à de plus justes proportions, et en toute hypothèse à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... n'a pas contesté la décision de refus d'imputabilité du 30 novembre 2012 dans le délai de recours de deux mois ;
- les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices découlant de l'absence de prise en compte de son handicap dans ses conditions de travail, et de la discrimination dont le requérant serait victime en raison de son handicap sont irrecevables car elles ne présentent aucun lien avec le litige principal, et auraient dû faire l'objet d'une action en responsabilité distincte ;
- la réparation demandée sur le fondement du harcèlement moral a été présentée en cours de première instance, et ne se rattache pas au litige faisant l'objet de la requête initiale ;
- les moyens soutenus par M. B... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la commune de Roquefort-la-Bédoule en tant qu'elles portent sur l'article 1er du jugement attaqué annulant les arrêtés des 12 et 28 août 2013 et la décision du 23 décembre 2013, et l'article 2 prononçant des injonctions en conséquence, qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 4 de ce jugement rejetant les conclusions indemnitaires de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 ;
- la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Schaegis,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant M. B..., et de Me A..., substituant Me E..., représentant la commune de Roquefort-la-Bédoule.
Sur la recevabilité de l'appel incident de la commune de Roquefort-la-Bédoule :
1. Considérant que la commune de Roquefort-la-Bédoule conclut au rejet de la requête, et par la voie de l'appel incident, à l'irrecevabilité de la requête de première instance, à titre subsidiaire au rejet des demandes présentées en première instance, et à titre infiniment subsidiaire, à ce que les demandes soient ramenées à de plus justes proportions ; que ces conclusions incidentes portent sur l'article 1er du jugement attaqué, annulant les arrêtés des 12 et 28 août 2013 et la décision du 23 décembre 2013, et l'article 2 prononçant des injonctions en conséquence ; qu'elles soulèvent, dans cette mesure, un litige distinct de l'appel principal dirigé contre l'article 4 de ce jugement rejetant les conclusions indemnitaires de M. B... ; que, par suite, ces conclusions présentées par la voie de l'appel incident sont irrecevables ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de la lecture du jugement du 27 avril 2016, que le tribunal administratif, s'il a explicitement écarté les demandes de M. B... relatives à différentes catégories de préjudices, a omis de se prononcer sur ses conclusions indemnitaires relatives à ses frais d'assistance à expertises médicales ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;
3. Considérant qu'il y a lieu de statuer sur ces conclusions par la voie de l'évocation, et sur le surplus des conclusions de la requête de M. B..., par l'effet dévolutif de l'appel ;
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de la requête :
4. Considérant, en premier lieu, que M. B... soutient que le défaut de prise en compte de son handicap dans le travail a entraîné une difficulté à communiquer, qui a permis l'accident du 22 novembre 2013 et lui a causé divers préjudices, dont il demande la réparation ; que, par suite, la commune de Roquefort-la-Bédoule n'est pas fondée à faire valoir que les demandes de M. B... ne présenteraient pas de lien entre elles et relèveraient de litiges distincts ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B... a lié le contentieux par une demande préalable d'indemnisation adressée à l'administration ;
6. Considérant que, par suite, il y a lieu d'écarter les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Roquefort-la-Bédoule concernant les conclusions indemnitaires ;
En ce qui concerne le préjudice découlant de l'accident au service :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ;
8. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet événement du service, le caractère d'un accident de service ;
9. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le témoignage de M. B... concorde avec celui de son collègue en ce qui concerne la journée du 22 novembre 2012 ; qu'il en résulte que M. B..., adjoint technique territorial de la commune de Roquefort-la-Bédoule, qui procédait au désherbage des espaces verts d'un complexe sportif de la commune, portait un pulvérisateur, d'une capacité de 20 litres, en harnais ; qu'après avoir travaillé de la sorte durant la matinée, il s'est plaint dans l'après-midi de la difficulté à continuer à travailler avec le pulvérisateur en harnais, et que son collègue a en conséquence installé le réservoir sur une chaise, demandant à M. B... de poursuivre son travail en tirant la chaise ; que, le lendemain, M. B... s'est rendu chez son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail initial de cinq jours, ultérieurement prolongé par plusieurs autres arrêts, pour une cervicalgie, des douleurs thoraciques postérieures, ainsi que des douleurs scapulaires à droite, des contractures musculaires para-cervicales très importantes, ainsi que des limitations des mouvements du cou et du bras droit ; que cette chronologie révèle que l'agent s'est blessé dans l'après-midi du 22 novembre 2012, durant l'exécution de son service ; qu'il ressort, d'autre part, du rapport du médecin expert, qui a examiné M. B... le 29 mai 2013 à la demande de la collectivité, que l'intéressé a été victime le 22 novembre 2012 d'une contracture musculaire sévère avec contre-résistance du rachis cervical et des deux épaules, et que les mouvements forcés répétitifs tels que décrits par le requérant ont parfaitement pu entraîner une dolorisation temporaire d'une capsullite antérieure sur calcification ancienne et qu'une hypertension prolongée du rachis cervical a pu créer un syndrome d'articulaires postérieures éveillant une protusion C5 C6 et C6 C7 ; que selon les conclusions du rapport de ce médecin expert, " la description des éléments permet de retenir le caractère professionnel d'un accident déclaré par l'agent le 23 novembre 2012 avec effet au 22 novembre 2012 " ; que, par suite, alors même qu'aucune preuve directe de l'accident n'est rapportée, le tribunal a jugé à juste titre qu'il résulte du rapprochement de l'ensemble de ces éléments que M. B... doit être regardé comme ayant subi un accident de service, le 22 novembre 2013 ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réparer les préjudices découlant de cet accident ;
10. Considérant que M. B... établit avoir engagé des frais à hauteur d'un total de 415 euros, pour se faire assister par un médecin lors des deux réunions de la commission de réforme ; qu'il y a lieu de lui accorder une indemnité de ce montant ;
En ce qui concerne le préjudice lié aux négligences de l'administration dans le traitement de la demande de M. B... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 22 novembre 2012 :
11. Considérant que si l'administration n'a procédé à la désignation d'un expert pour examiner M. B... que le 14 mai 2013, il résulte de l'instruction que l'intéressé n'avait pas déclaré son accident dès le 23 novembre 2013, comme il le soutient, la simple transmission d'un arrêt de travail ne valant pas déclaration d'accident ; qu'il n'a déclaré cet accident de service par un courrier, écrit en son nom par sa soeur, que le 22 avril 2013 ; que la commission de réforme a rendu son avis le 18 juillet 2013 et que, par un arrêté du 12 août 2013, soit moins de quatre mois après la déclaration de l'agent, le maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule a refusé de reconnaître l'imputabilité de l'accident au service ; qu'en conséquence, l'administration n'a pas fait preuve de négligences ou d'un retard fautif dans le traitement du dossier relatif à l'accident de service de M. B... ; que, par suite, en l'absence de faute de la collectivité, le requérant n'est pas fondé à demander la réparation du préjudice tiré des négligences de l'administration dans le traitement de son dossier tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 22 novembre 2012 ;
En ce qui concerne le préjudice lié à l'illégalité des conditions de travail de M. B... en raison de l'absence de prise en compte de son handicap :
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'appelant est muet et souffre d'une surdité profonde correspondant à un taux d'invalidité de 80%, et qu'il ne peut pas communiquer par écrit ; que, si M. B... a suivi des formations et a été assisté à l'occasion de certaines échéances professionnelles d'un interprète en langue des signes, ces mesures n'ont été prises qu'à partir de l'année 2014 ; que la personne référente qui a été désignée en décembre 2013 pour l'accompagner dans le contexte professionnel ne présentait aucune qualification particulière en matière d'accompagnement des travailleurs handicapés, ne pratiquait pas la langue des signes, seul mode de communication de l'agent, et ne l'a d'ailleurs jamais rencontré ; que la commune ne démontre avoir mobilisé un interprète en langue des signes que durant une journée, en 2011 ; que les seuls aménagements réalisés sur son poste de travail sont intervenus en 2008, à la suite d'un précédent accident du travail, et étaient sans lien avec son handicap ; que, par suite, il en résulte que M. B... a accompli son service depuis son intégration dans les effectifs de la commune en 1999, sans pouvoir bénéficier de l'assistance d'un interprète, notamment durant les entretiens d'évaluation annuels et les stages techniques qu'il a suivis en 2006, 2011, 2012 et 2013, à l'exception d'une seule journée en 2011 ; que, par suite, M. B... est fondé à soutenir que la commune s'est abstenue de prendre en compte son handicap dans le cadre de son service, mettant en péril l'effectivité de ses droits ; que cette abstention constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'employeur ; que, compte tenu de l'isolement professionnel vécu par l'intéressé durant les années 1999 à 2013 incluses, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. B... en lui allouant la somme de 10 000 euros ;
En ce qui concerne le préjudice lié à des agissements de harcèlement moral :
13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; que, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et d'organisation du service ; que dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple modification des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison notamment d'une manière de servir inadéquate, n'est pas constitutive de harcèlement moral ;
14. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
15. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
16. Considérant que, pour justifier de l'existence d'un harcèlement moral de la part du maire de la commune de Roquefort-la-Bédoule, M. B... expose qu'il fait l'objet de brimades incessantes entraînant une dégradation de ses conditions de travail et portant atteinte à ses droits, à sa dignité ainsi qu'à sa santé physique ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ces faits n'ont été dénoncés qu'à une seule occasion, lorsque la mère de M. B... s'est entretenue avec le maire de la commune, le 20 septembre 2012 ; que cette seule intervention auprès du maire, portant sur des faits non établis, ne permet pas de faire présumer que M. B... aurait subi des agissements de harcèlement moral ; que, par suite, ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice tiré de l'existence d'agissements de harcèlement moral doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'octroi d'une provision :
17. Considérant que le présent arrêt statue sur la totalité des conclusions indemnitaires présentées par le requérant ; que par suite, les conclusions de M. B... tendant à l'octroi d'une provision ont perdu leur objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions à fin d'expertise :
18. Considérant que la demande de M. B... tendant à ce qu'une expertise soit ordonnée afin de déterminer la nature et l'étendue des préjudices subis lors de l'accident survenu le 22 novembre 2012 ne présente pas un caractère utile dans le cadre de la présente instance ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de l'accueillir ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Roquefort-la-Bédoule le versement à M. B... de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 27 avril 2016 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions indemnitaires de M. B... relatives à ses frais d'assistance à expertises médicales.
Article 2 : La commune de Roquefort-la-Bédoule est condamnée à verser à M. B... la somme de 10 415 euros en réparation des préjudices découlant de son accident de service et de la discrimination vécue dans sa carrière de 1999 à 2013.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au versement d'une provision.
Article 4 : Le surplus des demandes présentées par M. B... est rejeté.
Article 5 : Le jugement du 27 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 6 : L'appel incident présenté par la commune de Roquefort-la-Bédoule est rejeté.
Article 7 : La commune de Roquefort-la-Bédoule versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Roquefort-la-Bédoule.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Schaegis, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 février 2018.
N° 16MA02634 2