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08/02/2018 | FRANCE | N°15MA03241

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 08 février 2018, 15MA03241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier de Narbonne à lui verser une provision d'un montant de 157 861,29 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet le 13 octobre 2011.

Par un jugement n° 1402124 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête, enregistrée le 3 août 2015, MmeF..., représentée par MeC..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner avant dire droit une expertise médicale et de condamner le centre hospitalier de Narbonne à lui verser une provision d'un montant de 157 861,29 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet le 13 octobre 2011.

Par un jugement n° 1402124 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 août 2015, MmeF..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2015 ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise médicale ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Narbonne à lui verser une provision d'un montant de 157 861,29 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Narbonne la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'expert n'a pas respecté le principe du contradictoire ;

- une expertise médicale présente une utilité pour discuter contradictoirement de la section du ligament au cours de l'opération ;

- l'expert a été partial ;

- le centre hospitalier de Narbonne a méconnu son obligation d'information ;

- le centre hospitalier de Narbonne a commis une faute dans la lésion, par maladresse, du ligament latéral interne et dans la pose d'une prothèse surdimensionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2016, le centre hospitalier de Narbonne, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'expert n'a pas manqué d'impartialité lors de l'expertise ni méconnu le principe du contradictoire ;

- une nouvelle expertise ne présente aucune utilité ;

- une information orale en présence d'une infirmière a été délivrée à la patiente ;

- le ligament latéral interne n'a pas été sectionné ;

- la prothèse posée est adaptée à la morphologie de la patiente ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis sont excessives.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me A...substituant MeC..., représentant MmeF..., et de MeD..., substituant MeE..., représentant le centre hospitalier de Narbonne.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'à l'appui de sa demande, Mme F...soutenait notamment que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier avait méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en refusant d'examiner le point de savoir s'il y avait eu lésion d'un ligament du genou au cours de l'intervention dont la requérante avait fait l'objet au centre hospitalier de Narbonne et d'organiser une réunion entre les parties pour en discuter au vu de radiographies ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;

2. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la régularité de l'expertise :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a procédé à un examen clinique de la patiente et a donné son avis après avoir analysé tous les documents médicaux qui lui avaient été communiqués ; qu'il a notamment examiné la possibilité que le praticien hospitalier ait sectionné par maladresse le ligament latéral interne du genou au cours de l'opération ; qu'il a répondu aux observations qui lui ont été adressées ; qu'il a ainsi rempli la mission qui lui était confiée ; qu'alors même que sa mission est relative à la pose d'une prothèse du genou et à l'existence d'un éventuel surdimensionnement de celle-ci, la circonstance que la responsabilité de l'expert ait été recherchée devant l'autorité judiciaire, par le conseil de la requérante, en réparation des préjudices subis par un autre patient du fait de la pose fautive d'une prothèse surdimensionnée dans l'exercice de son activité médicale n'est pas, par elle-même, de nature à susciter un doute légitime sur l'impartialité de l'expert ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dires des 4 et 21 juin 2013 et 9 juillet 2013, relatifs notamment à la section du ligament latéral interne, adressés par la requérante à l'expert, ont été annexés par celui-ci à son rapport et ont fait l'objet de réponses argumentées ; que la circonstance que l'expert ait refusé de réunir à nouveau les parties pour une lecture contradictoire des radiographies et débattre de l'existence éventuelle d'une lésion ligamentaire est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de l'expertise dès lors que les parties ont eu la possibilité de faire des observations et de produire tous documents avant le dépôt du rapport d'expertise ; qu'en tout état de cause, l'irrégularité invoquée ne ferait pas obstacle à ce que le rapport, et notamment celles des constatations de fait opérées par l'expert et dont l'exactitude n'est pas contestée par l'intéressée, puisse être retenu à titre d'information par le juge administratif, dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Narbonne :

En ce qui concerne la faute médicale :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / (...) " ;

6. Considérant que Mme F...qui endurait des souffrances du fait d'une gonarthrose a subi, le 13 octobre 2011, au centre hospitalier de Narbonne, une arthroplastie totale du genou gauche ; qu'elle conserve des douleurs au genou avec allongement du membre inférieur gauche qu'elle impute, d'une part, à la lésion, au cours de l'opération, du ligament latéral interne et, d'autre part, à la pose d'une prothèse surdimensionnée afin de remédier à la laxité consécutive du genou ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif, qui est documenté sur la différence de longueur des membres inférieurs, que la laxité du compartiment interne du genou a été mentionnée par le praticien hospitalier dans le compte rendu opératoire et qu'elle est la conséquence de la pathologie dégénérative du genou ; que les douleurs dont souffre la requérante sont imputables à l'algodystrophie à l'origine de la pose de la prothèse totale du genou ; que la différence de longueur entre les membres inférieurs de la patiente préexistait à l'intervention ; que l'avis du docteur Metton du 7 mars 2014 produit par la requérante qui n'est ni documenté sur l'inégalité de longueur des membres inférieurs ni précis et circonstancié n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert ; qu'ainsi, la pose de l'implant a été réalisée conformément aux règles de l'art et la prise en charge médicale de la patiente a été conforme aux données acquises de la science ;

En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été indiqué au point 6, les douleurs dont continue de souffrir Mme F...trouvent leur origine dans la pathologie dégénérative du genou et dans une algodystrophie et sont sans lien avec l'arthroplastie totale du genou réalisée au centre hospitalier de Narbonne ; qu'il en résulte que le défaut d'information sur les risques inhérents à cette intervention chirurgicale n'a pas privé l'intéressée d'une chance de se soustraire à un risque qui ne s'est pas réalisé ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de prescrire une nouvelle expertise, que Mme F...n'est pas fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Narbonne à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'intervention chirurgicale dont elle a fait l'objet le 13 octobre 2011 ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Narbonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme F...demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., au centre hospitalier de Narbonne et à la caisse primaire d'assurance de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

2

N° 15MA3241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03241
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SZWARC

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-08;15ma03241 ?
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