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26/01/2018 | FRANCE | N°16MA01366

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2018, 16MA01366


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Roucan Ouest a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande du 24 juin 2014 tendant à ce que l'Etat procède à la réfection et à l'entretien de " la digue à la mer " située au droit de la parcelle cadastrée section AC n° 212, sur le territoire de la commune de Vias (Hérault), sur laquelle elle exploite un camping et, d'autre part, la décision du 22 octobre 2014 par laquell

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Roucan Ouest a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande du 24 juin 2014 tendant à ce que l'Etat procède à la réfection et à l'entretien de " la digue à la mer " située au droit de la parcelle cadastrée section AC n° 212, sur le territoire de la commune de Vias (Hérault), sur laquelle elle exploite un camping et, d'autre part, la décision du 22 octobre 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé la prise en charge par l'Etat de l'entretien des ouvrages de protection contre la mer édifiés par les propriétaires riverains du rivage de la mer sur le territoire de la même commune ;

Par un jugement n° 1405062, 1405063, 1405065, 1405067, 1405068, 1405070, 1501118, 1501120, 1501152 du 12 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2016 et le 30 novembre 2017, la SARL Roucan Ouest, représentée par la SCP Scheuer-Vernhet et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Hérault sur sa demande et la décision du 22 octobre 2014 du même préfet ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à l'entretien de la digue à la mer située au droit de sa parcelle sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'Etat est tenu d'assurer l'entretien de l'ouvrage qui protégeait la propriété qu'elle exploite contre la mer dans la mesure où il a été intégré au domaine public maritime ;

- cette obligation ressort également des dispositions des articles R. 214-123 et L. 214-6 II du code de l'environnement ;

- cette digue à la mer constitue un ouvrage public dont l'entretien doit également à ce titre être assuré par l'Etat, ainsi que le prévoient les recommandations de la circulaire ministérielle du 27 juillet 2011 et les prescriptions du plan de prévention des risques naturels d'inondation et littoraux de la commune de Vias.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SARL Roucan Ouest ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi du16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais, notamment son article 33 ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B... de la SCP Scheuer-Vernhet et associés, représentant la SARL Roucan Ouest.

1. Considérant que la SARL Roucan Ouest exploite un camping sur une parcelle cadastrée section AC n° 212 sur le territoire de la commune de Vias (Hérault) ; que par une lettre du 24 juin 2014 elle a demandé au préfet de l'Hérault de faire procéder à la reconstitution et à l'entretien " d'une digue à la mer " érigée en 1969 par l'ancien propriétaire de cette parcelle, érodée depuis par les eaux ; que le préfet a gardé le silence sur cette demande, laissant naître une décision implicite de rejet ; que la SARL Roucan Ouest a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette décision implicite, ainsi que l'annulation de la décision du 22 octobre 2014 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé que l'Etat prenne en charge l'entretien des ouvrages de protection contre la mer édifiés par les propriétaires riverains du rivage de la mer sur le territoire de cette même commune ; que la SARL Roucan Ouest relève appel du jugement du 12 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 214-123 du code de l'environnement à raison du défaut d'entretien par l'Etat du perré en enrochements construit au droit de la parcelle exploitée par la SARL Roucan Ouest, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés à l'appui de ce moyen, a suffisamment motivé son jugement en relevant que les obligations de surveillance et d'entretien des digues ou barrages mises à la charge des propriétaires ou de leurs exploitants par ces dispositions ne portaient que sur les seuls ouvrages hydrauliques mentionnés à l'article R. 214-18 et que la digue objet du litige, qui n'avait pas fait l'objet d'un classement par le préfet, n'entrait pas dans cette catégorie d'ouvrages ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais : " Lorsqu'il s'agira de construire des digues à la mer(...) la nécessité en sera constatée par le Gouvernement et la dépense supportée par les propriétés protégées, dans la proportion de leur intérêt aux travaux " ;

4. Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires l'y contraignant, l'Etat n'a pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés riveraines des rivages de la mer contre l'action naturelle des eaux ; qu'il ressort au contraire de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 que cette protection incombe aux propriétaires intéressés ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ancien propriétaire de la parcelle sur laquelle la SARL Roucan Ouest exploite un camping a fait réaliser en 1969 un perré en enrochement, en haut de plage, en vue d'assurer la protection de ce terrain contre l'action des flots ; qu'en raison de la progression naturelle du rivage de la mer provoquée par l'érosion marine particulièrement intense dans ce secteur du littoral, la société a perdu une partie du terrain qu'elle exploite et le terrain d'assiette supportant cet ouvrage s'est trouvé incorporé au domaine public maritime ; que, toutefois, cette seule circonstance n'a pu faire naître à la charge de l'Etat une obligation d'entretien de ce perré qui incombait jusqu'alors au propriétaire riverain ;

6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 214-123 du code l'environnement inséré à la section IX du titre I du livre deuxième de ce code intitulé " dispositions relatives à la sécurité et à la sûreté des ouvrages hydrauliques autorisés, déclarés et concédés " : " Le propriétaire ou l'exploitant de tout barrage ou digue surveille et entretient l'ouvrage et ses dépendances. Il procède notamment à des vérifications du bon fonctionnement des organes de sécurité et à des visites techniques approfondies de l'ouvrage. " ; qu'il résulte toutefois de l'article R. 214-118 du même code que ces dispositions ne s'appliquent qu'aux seuls ouvrages hydrauliques soumis aux articles L. 214-1 et L. 214-2 du code l'environnement ou autorisés en application de la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, lorsqu'ils appartiennent à l'une des classes mentionnées aux articles R. 214-112 et R. 214-113 ;

7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 214-1 du code l'environnement dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants " ; qu'aux termes de l'article L. 214-2 du même code : " Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l'article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d'Etat après avis du Comité national de l'eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu'ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l'existence des zones et périmètres institués pour la protection de l'eau et des milieux aquatiques (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 214-3 dudit code sont soumis à autorisation de l'autorité administrative : " les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. ", l'arrêté d'autorisation fixant alors les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident ; que, selon le même article L. 214-3, sont soumis à déclaration " les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. " ;

8. Considérant, enfin, qu'en vertu du II de l'article L. 214-6 du même code, dans sa rédaction résultant notamment de l'ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l'eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l'immersion des déchets : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. " ; qu'en vertu du VI du même article, " Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'obligation d'assurer la surveillance et l'entretien des barrages ou digues mentionnés à l'article R. 214-123 du code l'environnement ne s'applique qu'aux seuls ouvrages déclarés ou autorisés au titre de l'article L. 214-3 du même code ;

10. Considérant, qu'à supposer qu'il puisse être qualifié de digue au sens des dispositions de l'article R. 214-123 du code l'environnement, il ne résulte pas de l'instruction que le perré en litige aurait été autorisé au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 214-3 du code de l'environnement ou que son constructeur l'aurait déclaré au titre de ces mêmes dispositions ; qu'il n'est pas davantage établi qu'il aurait été autorisé au titre de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 et serait dès lors au nombre des ouvrages mentionnés au II de l'article L. 214-6 précité ; qu'il n'est pas soutenu ni même allégué qu'il aurait été autorisé en application de la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ; qu'ainsi, les enrochements en cause ne sont pas au nombre des ouvrages hydrauliques soumis aux articles L. 214-1 et L. 214-2 du code l'environnement et, dès lors, ne relèvent pas des catégories d'ouvrage mentionnées à l'article R. 214-118 du même code ; que, par suite, en admettant même que l'Etat soit devenu propriétaire de ce perré en enrochement à la suite de son incorporation au domaine public maritime, la SARL Roucan Ouest ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article R. 214-123 du code l'environnement pour soutenir qu'il appartiendrait à l'Etat, en sa qualité de propriétaire de l'ouvrage, d'en assurer la surveillance et l'entretien ;

11. Considérant qu'un bien immeuble résultant d'un aménagement et qui est directement affecté à un service public a la qualité d'ouvrage public ; que, dans le cas où un ouvrage réalisé par une personne privée, qui n'est pas affecté à une activité de service public, se trouve incorporé au domaine public maritime du fait de la progression naturelle du rivage de la mer, le bien en cause ne peut être qualifié d'ouvrage public tant qu'il n'est pas affecté à une activité de service public, alors même qu'il relèverait désormais du domaine public ;

12. Considérant que le perré en enrochement susmentionné, construit par une personne privée, était destiné à la protection du terrain exploité aujourd'hui par la SARL Roucan Ouest ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que cet ouvrage aurait été destiné à la protection des populations locales contre les risques de submersion marine ou à d'autres finalités d'intérêt général ; que, par ailleurs, à la suite de son incorporation au domaine public maritime, l'Etat n'a jamais entendu l'affecter à une activité de service public ; que, dès lors, malgré son implantation sur le domaine public, ce perré en enrochement ne peut être regardé comme un ouvrage public ; que, par suite, l'Etat n'était tenu à ce titre à aucune obligation d'entretien ;

13. Considérant que les recommandations de la circulaire du 27 juillet 2011 relative à la prise en compte des risques de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux, qui sont dépourvues de caractère réglementaire, ne sauraient, dès lors, être utilement invoquées pour soutenir que l'Etat serait tenu d'assurer l'entretien de l'ouvrage en litige ;

14. Considérant, enfin, que si le rapport de présentation du plan de prévention des risques naturels d'inondation et littoraux de la commune de Vias, approuvé par arrêté préfectoral du 3 avril 2014, énonce que dans la zone dénommée Vias Ouest " les enrochements sont dégradés régulièrement et nécessitent un entretien régulier ", ces mentions sont dépourvues de toute portée normative ; que la SARL Roucan Ouest ne peut, dès lors, utilement s'en prévaloir ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Roucan Ouest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de la SARL Roucan Ouest, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être également rejetées ;

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Roucan Ouest demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Roucan Ouest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Roucan Ouest et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2018.

2

N° 16MA01366


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01366
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Conséquences du régime de la domanialité publique sur d'autres législations.

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public - Ouvrage ne présentant pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-26;16ma01366 ?
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