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25/01/2018 | FRANCE | N°17MA00321

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 25 janvier 2018, 17MA00321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et celui du même jour par lequel il a décidé de son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1603288 du 25 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nî

mes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite et celui du même jour par lequel il a décidé de son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1603288 du 25 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 janvier 2017 et le 30 août 2017, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes du 25 octobre 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 20 octobre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à MeA..., ce règlement valant renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai sont entachées d'un vice de procédure tenant au caractère déloyal de celle-ci ;

- ces décisions sont également entachées d'un vice de procédure tenant à l'absence de notification en anglais de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 30 janvier 2013 rejetant sa demande d'asile, en méconnaissance des articles L. 742-3 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision refusant d'accorder un délai d'exécution volontaire méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle ne s'est jamais soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant placement en rétention administrative est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale, en l'absence de risque de fuite de sa part.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 août 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés du préfet de l'Hérault :

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant, en premier lieu, que les mesures de contrôle et de retenue prévues aux articles L. 611-1 et L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire ou décide son placement en rétention ; que, dès lors, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité des conditions du contrôle qui a, le cas échéant, précédé l'intervention de la mesure d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière et les conditions dans lesquelles Mme C...a été contrôlée en application des dispositions de l'article L. 611-1 sont sans influence sur la légalité de la décision contestée ; que, par suite, elle ne peut utilement soutenir que la procédure serait déloyale au motif que cette décision aurait été prise à la suite d'une convocation dont elle ne connaissait pas l'objet ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 733-20 du même code : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3 (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 du même code : " L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que Mme C...a reçu notification de la décision du 30 janvier 2013 de la CNDA rejetant sa demande d'asile ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que, le 29 mai 2013, elle a demandé à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de réexaminer sa demande d'asile ; que Mme C...soutient, sans être utilement contredite, qu'elle ne comprend pas le français et qu'elle avait indiqué, lors de l'examen de sa demande d'asile, ne comprendre que l'anglais ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme C...aurait reçu notification en cette langue du caractère positif ou négatif de la décision du 30 janvier 2013 de la CNDA ; que, cependant, à la suite de cette décision, le préfet de l'Hérault a pris un arrêté le 12 juillet 2013 portant refus de séjour, notamment au titre de l'asile et faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français ; que la requête d'appel de Mme C...devant la cour tendant à l'annulation de cet arrêté a été rejetée par arrêt du 5 novembre 2015 ; que, si elle pouvait utilement se prévaloir, afin de contester l'arrêté du 12 juillet 2013, de ce vice de procédure et de son droit au séjour en l'absence de notification régulière de la décision de la CNDA, de tels moyens sont inopérants à l'encontre de la décision du préfet du 20 octobre 2016 contestée dans la présente instance qui n'a pas été prise à la suite de la décision de la CNDA ; que la circonstance que le préfet de l'Hérault, dans la motivation de sa décision, ait rappelé l'existence de ces décisions de l'OFPRA et de la CNDA et de ses précédentes mesures d'éloignement est sans incidence sur ce point ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que MmeC..., ressortissante nigériane née en 1993, qui soutient être entrée en France le 3 septembre 2011, est célibataire et sans enfant ; qu'elle n'établit ni l'ancienneté de sa relation avec un ressortissant libérien ni la réalité des projets de vie commune et de mariage allégués ; qu'aucune intégration sociale ou professionnelle ne ressort des pièces du dossier ; que, par suite, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précédemment citées doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'intéressée n'établit pas la réalité des risques qu'elle a encourus lorsqu'elle résidait au Nigéria ; que, par suite et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point précédent, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la légalité de la décision n'accordant pas de délai pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés du caractère déloyal de la procédure et du défaut de notification en langue anglaise, que Mme C...comprend, de la décision de la CNDA du 30 janvier 2013 doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 3 et 5 ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment par ce qu'il ne peut justifier de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-1, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

9. Considérant que Mme C...n'a pas exécuté deux décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à son encontre le 11 mai 2013 et le 12 juillet 2013 ; qu'ainsi, c'est à tort qu'elle soutient qu'elle ne se serait pas soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale ; que le moyen tiré de cette illégalité invoquée par la voie de l'exception à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination doit donc être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que Mme C...se borne à produire un récit, au demeurant peu circonstancié, selon lequel elle risquerait d'être mariée contre sa volonté et serait menacée de mort en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, elle n'établit pas la réalité des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour au Nigéria ;

En ce qui concerne la légalité de la décision portant placement en rétention administrative :

13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale ; que, par suite, le moyen tiré de cette illégalité invoquée par la voie de l'exception à fin d'annulation de la décision portant placement en rétention administrative doit être écarté ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

15. Considérant que Mme C...n'a pas de documents d'identité en cours de validité à la date de la décision contestée ; que, par suite, et bien qu'elle se soit volontairement rendue le 20 octobre 2016 à la convocation qui lui avait été faite, c'est sans erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de l'Hérault a estimé que Mme C...ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;

Sur les frais liés au litige :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me D...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique le 25 janvier 2018.

N° 17MA00321 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00321
Date de la décision : 25/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-25;17ma00321 ?
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