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11/01/2018 | FRANCE | N°16MA04832

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 16MA04832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet de l'Aude lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1604571 du 23 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, M.A..., repré

senté par la SCP Reche, Guille-Meghabbar, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 août 2016 du préfet de l'Aude lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1604571 du 23 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, M.A..., représenté par la SCP Reche, Guille-Meghabbar, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 3 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

5°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en fait ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 313-11, 11° et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 4 de l'arrêté du

9 novembre 2011 ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cet arrêté méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2017, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., de nationalité russe, relève appel du jugement du

23 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2016 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de l'admettre au séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que l'arrêté contesté précise que M. A... a vu sa demande d'asile rejetée le 29 avril 2015 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le

8 mars 2016 par la Cour nationale du droit d'asile et qu'il a déposé une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé ; que l'arrêté mentionne également la date d'entrée et les conditions de séjour en France de M. A... et notamment qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers ce pays ; qu'il indique par ailleurs que l'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de

trente-sept ans ; que, par suite, alors même que l'arrêté ne mentionne pas la présence de ses enfants sur le territoire national ni le fait que sa compagne est en possession d'un titre de séjour en cours de validité, M. A...n'est fondé à soutenir ni que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé, ni que le préfet de l'Aude n'a pas procédé à un examen complet de sa situation avant d'opposer un refus à sa demande de titre de séjour ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ; qu'enfin, l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé, si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement médical approprié dans son pays ainsi que la durée prévisible du traitement ; que dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ;

5. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 de ce code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge médicale risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

6. Considérant qu'il ressort de l'avis émis le 25 juillet 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé pour sa prise en charge médicale et que l'état de santé du requérant lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il n'est pas établi ni même allégué que le traitement suivi par l'intéressé ne serait pas disponible en Russie ; que l'intéressé, s'il soutient ne pouvoir accéder effectivement à ce traitement en raison de son coût, ne produit en tout état de cause aucun document de nature à en justifier ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en rejetant, par l'arrêté contesté, sa demande de titre de séjour, le préfet de l'Aude aurait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 ni celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a eu deux enfants nés, sur le territoire national en 2014 et 2016, de son union avec Mme C..., compatriote admise au bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 juin 2014 ; que, toutefois, l'intéressé, qui a indiqué, dans sa requête et dans la déclaration de reconnaissance de paternité, vivre à Carcassonne (Aude), n'établit pas, par la seule production d'une attestation d'hébergement émanant de MmeC..., vivre avec celle-ci et leurs enfants à Schiltigheim (Bas-Rhin) ni pourvoir à l'éducation et à l'entretien de ces derniers ; que, par ailleurs, il ressort des indications portées sur la demande d'asile présentée par le requérant le 22 janvier 2013 que son épouse, dénommée Lisa, de nationalité russe, réside en Tchétchénie avec leurs cinq enfants ; que, dans ces conditions, le requérant, qui déclare être entré sur le territoire national à l'âge de trente-sept ans, n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a passé la majeure partie de son existence ; que, par suite, le préfet de l'Aude n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, il n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, M. A..., ne démontre pas entretenir des liens avec ses deux enfants résidant en France ni contribuer effectivement à leur entretien et à leur éducation ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3, 1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête, n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

2

N° 16MA04832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04832
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TARLIER - RECHE - GUILLE MEGHABBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-11;16ma04832 ?
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