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11/01/2018 | FRANCE | N°15MA02920

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 15MA02920


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune d'Elne, la société Travaux Publics 66 et l'EURL d'architecture Roger Botella à lui payer la somme de 65 908,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de rénovation du centre communal de la culture et de la jeunesse.

Par un jugement n° 1402130 du 24 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné, d'une part, solidairement la commun

e d'Elne, la société Travaux Publics 66 et l'EURL d'architecture Roger Botella...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner solidairement la commune d'Elne, la société Travaux Publics 66 et l'EURL d'architecture Roger Botella à lui payer la somme de 65 908,77 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des travaux de rénovation du centre communal de la culture et de la jeunesse.

Par un jugement n° 1402130 du 24 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a condamné, d'une part, solidairement la commune d'Elne, la société Travaux Publics 66 et l'EURL d'architecture Roger Botella à verser à Mme E...la somme de 4 705,11 euros et, d'autre part, la commune d'Elne à garantir l'EURL d'architecture Roger Botella des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et une mémoire complémentaire, enregistrés le 15 juillet 2015 et le 4 mars 2016, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 24 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 4 705,11 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement la commune d'Elne, la société Travaux Publics 66 et l'EURL d'architecture Roger Botella en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de porter le montant de l'indemnité due en réparation de l'ensemble de ses préjudices à la somme de 65 908,77 euros avec indexation sur l'indice BT 01 pour la somme de 24 244,77 euros et à la somme mensuelle de 496 euros à compter du 1er octobre 2012 jusqu'au versement de la somme permettant de réaliser les travaux ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune d'Elne, de la société Travaux Publics 66 et de l'EURL d'architecture Roger Botella la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient que :

- elle a la qualité de tiers par rapport aux travaux de rénovation du centre communal de la jeunesse et de la culture ;

- la responsabilité sans faute de la commune d'Elne, de la société Travaux Publics 66 et de l'EURL d'architecture Roger Botella est engagée pour dommages de travaux publics ;

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages consécutifs aux infiltrations causées à l'immeuble dont elle est propriétaire est établi ;

- les préjudices subis sont établis et ont été insuffisamment évalués par le tribunal.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 octobre 2015, le 4 avril 2016, le 21 avril 2016 et le 24 juin 2016, l'EURL d'architecture Roger Botella, représentée par la SCP d'avocats Sagard, Coderech-Herre et associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et les conclusions de la commune d'Elne tendant à ce qu'elle soit condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 24 juin 2015 en tant qu'il la condamne solidairement avec la commune d'Elne et la société Travaux Publics 66 à verser à Mme E...la somme de 4 705,11 euros ;

3°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi ;

- la réception des travaux fait obstacle à sa condamnation à garantir la commune ;

- les préjudices ne sont pas établis.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mars 2016 et le 13 mai 2016, la société Travaux Publics 66, représentée par la SELARL d'avocats MBA, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, d'annuler le jugement du 24 juin 2015 en tant qu'il la condamne solidairement avec la commune d'Elne et l'EURL d'architecture Roger Botella à verser à Mme E...la somme de 4 705,11 euros ;

- à titre subsidiaire, de limiter à 40% la condamnation éventuellement mise à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de MmeE..., ou à titre subsidiaire de l'EURL d'architecture Roger Botella, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi ;

- les dommages sont imputables à une faute du maître d'oeuvre, l'EURL d'architecture Roger Botella ;

- la réception des travaux et l'absence de mise en jeu de la responsabilité décennale font obstacle à sa condamnation à garantir la commune ;

- les préjudices en tant qu'ils excèdent la somme fixée par le jugement du tribunal administratif ne sont pas établis.

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2016, la commune d'Elne, représentée par la SCP d'avocats Margall - D'Albenas, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 24 juin 2015 en tant qu'il la condamne solidairement avec l'EURL d'architecture Roger Botella et la société Travaux Publics 66 à verser à Mme E...la somme de 4 705,11 euros ;

3°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du 24 juin 2015 en tant qu'il rejette ses conclusions d'appel en garantie contre l'EURL d'architecture Roger Botella et la société Travaux Publics 66 et la condamne à garantir intégralement l'EURL d'architecture Roger Botella et de faire droit à ses conclusions d'appel en garantie ;

4°) de mettre à la charge de Mme E...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre les travaux et les dommages n'est pas établi ;

- le caractère d'anormalité des dommages n'est pas rapporté ;

- les préjudices ne sont pas établis ;

- les constructeurs doivent être condamnés, sur le fondement de la responsabilité décennale, à la garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Alain Barthez, président assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeB..., représentant la commune d'Elne.

1. Considérant que Mme E...relève appel du jugement du 24 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 4 705,11 euros l'indemnisation mise à la charge solidaire de la commune d'Elne, de la société Travaux Publics 66 et de l'EURL d'architecture Roger Botella au titre des préjudices qu'elle a subis du fait des travaux de rénovation du centre de la jeunesse et de la culture de cette commune ;

Sur le bien fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Considérant que, même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage et les constructeurs chargés des travaux sont responsables solidairement à l'égard des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public ; que ces personnes ne peuvent dégager leur responsabilité que si elles établissent que ces dommages sont imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; qu'il appartient au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre, d'une part, les travaux publics et, d'autre part, le dommage dont il se plaint ;

3. Considérant qu'en 2003, la commune d'Elne a confié à l'EURL d'architecture Roger Botella la maîtrise d'oeuvre des travaux de rénovation du centre de la jeunesse et de la culture et le lot " Terrassement et dalle de béton " à la société Travaux Publics 66 ; qu'à partir du mois de juin 2010, des infiltrations sont apparues dans l'immeuble dont Mme E...est propriétaire situé aux numéros 7 et 9 du boulevard Voltaire, contigu au bâtiment municipal ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise amiable contradictoire, réunissant l'ensemble des parties à l'initiative de la requérante, dont les conclusions ne sont pas sérieusement contredites ainsi que du courrier de l'expert adressé au maire en date du 28 mai 2010, que les infiltrations d'eau par temps de pluie au rez-de-chaussée de l'immeuble de Mme E... ont pour origine un défaut de conception du parvis devant le centre de la jeunesse et de la culture réalisé en hauteur par rapport à l'immeuble sur lequel il renvoie les eaux ; que, contrairement à ce qui est soutenu par la commune, le dommage, qui consiste en une dégradation de l'immeuble et qui est causé à la seule requérante, est anormal et spécial ;

4. Considérant qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, la responsabilité de la commune d'Elne, de l'EURL d'architecture Roger Botella et de la société Travaux Publics 66 est solidairement engagée à l'égard de Mme E... ; que, la condamnation à fin d'indemnisation de la victime ayant un caractère solidaire en application du point 2, les conclusions à titre subsidiaire de cette société tendant à ce que la part de chacun des co-auteurs dans la réalisation du dommage soit individualisée doivent également être rejetées;

En ce qui concerne les préjudices :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les travaux destinés à remédier à l'origine des infiltrations de l'immeuble appartenant à Mme E...consistent en la réfection de l'étanchéité en pied de pignon du mur de cet immeuble, après ouverture d'une tranchée dans le parvis du centre de la culture et de la jeunesse et dépose des panneaux d'affichage des événements culturels ; que de tels travaux doivent être effectués sur le domaine public communal et non directement sur l'immeuble de la requérante ; qu'il suit de là que Mme E...ne peut pas prétendre à une indemnisation à ce titre ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme E...ne justifie pas plus qu'en première instance la réalité du préjudice locatif constitué par l'impossibilité de donner en location les deux locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble dont elle est propriétaire; que, dès lors, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ce chef de préjudice ;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme E...est fondée à demander l'indemnisation des travaux de reprise intérieurs constitués par des travaux de peinture et de pose de faïence et un doublage sur les murs endommagés ; que ce chef de préjudice a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 4 705,11 euros correspondant d'ailleurs au montant déterminé par l'expert au regard du devis établi par l'entreprise Sudtec ;

8. Considérant que le coût des travaux de réfection doit être évalué à la date où leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; que, compte tenu de la nécessité pour la commune d'Elne d'entreprendre les travaux extérieurs de reprise de l'étanchéité destinés à supprimer la cause des infiltrations avant que Mme E...ne fasse réaliser les travaux à l'intérieur de son immeuble, celle-ci est fondée à demander que la somme susmentionnée soit indexée pour tenir compte de l'évolution de l'indice BT 01 à compter de la date du devis établi par l'entreprise Sudtec, le 16 mai 2011 ;

9. Considérant qu'il résulte des points 7 et 8 que Mme E...est fondée à demander que la somme de 4 705,11 euros mise à la charge solidaire de la commune d'Elne, de la société Travaux Publics 66 et de l'EURL d'architecture Roger Botella soit indexée sur l'indice BT 01 à compter du 16 mai 2011 ;

Sur les appels en garantie :

10. Considérant que le présent arrêt a pour effet d'aggraver la situation de la commune d'Elne ; que, par suite, elle a intérêt, par la voie de l'appel provoqué, à demander, d'une part, l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il l'a condamnée à garantir intégralement l'EURL d'architecture Roger Botella de la condamnation prononcée à son encontre et, d'autre part, la condamnation des constructeurs à la garantir de cette condamnation ;

11. Considérant que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception ; que la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut toutefois être recherchée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché ;

12. Considérant, en premier lieu, que la commune d'Elne appelle en garantie la société Travaux Publics 66 qui a effectué les travaux à l'origine des infiltrations d'eaux et l'EURL d'architecture Roger Botella, maître d'oeuvre ; qu'il est constant que la réception des travaux en litige a été prononcée le 13 septembre 2005 et les réserves levées le 15 novembre suivant ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la cause du sinistre réside dans un défaut de conception de l'étanchéité et du positionnement du parvis situé devant le centre de la jeunesse et de la culture ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce défaut de conception compromet la solidité du centre de la jeunesse et de la culture et du parvis ou les rend impropres à leur destination ; qu'il suit de là que la commune d'Elne ne peut pas se prévaloir de la responsabilité décennale des constructeurs pour demander à être garantie par eux de toute condamnation prononcée à son encontre ;

13. Considérant, en second lieu, qu'il résulte des principes énoncés au point 11 que du fait de la réception sans réserve intervenue au 15 novembre 2005, la commune d'Elne est tenue de supporter les condamnations mises à la charge de son maître d'oeuvre ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la commune d'Elne à garantir l'EURL d'architecture Roger Botella des condamnations prononcées à son encontre ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...est seulement fondée à demander que la somme de 4 705,11 euros mise à la charge solidaire de la commune d'Elne, de la société Travaux Publics 66 et de l'EURL d'architecture Roger Botella soit indexée sur l'indice BT 01 à compter du 16 mai 2011 ; que le surplus des conclusions des parties doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 4 705,11 euros mise à la charge solidaire de la commune d'Elne, l'EURL d'architecture Roger Botella et la société Travaux Publics 66 est indexée sur l'indice BT 01 à compter du 16 mai 2011.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 juin 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme E...est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Elne, l'EURL d'architecture Roger Botella et la société Travaux Publics 66 par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune d'Elne par la voie de l'appel provoqué sont rejetées.

Article 6 : Les conclusions de la commune d'Elne, de l'EURL d'architecture Roger Botella et de la société Travaux Publics 66 tendant au versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...épouseE..., à la commune d'Elne, à la société Travaux Publics 66 et à l'EURL d'architecture Roger Botella.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017 où siégeaient :

- M. Barthez, président assesseur, président la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

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N° 15MA02920


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02920
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : MBA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-11;15ma02920 ?
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