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21/12/2017 | FRANCE | N°15MA03034

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2017, 15MA03034


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C...et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Catllar à les indemniser de l'ensemble des préjudices qu'ils estiment subir du fait des nuisances causées par le fonctionnement de la salle des fêtes communale.

Par un jugement n° 1304949 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juillet 2015, et le 29 décem

bre 2016, les consortsC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C...et Mme E...C...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Catllar à les indemniser de l'ensemble des préjudices qu'ils estiment subir du fait des nuisances causées par le fonctionnement de la salle des fêtes communale.

Par un jugement n° 1304949 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juillet 2015, et le 29 décembre 2016, les consortsC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Catllar à verser à M. et Mme D...C...la somme totale de 112 914,88 euros et à l'ensemble des requérants la somme de 29 000 euros, assorties d'un intérêt au taux légal majoré d'un point ou s'agissant de la somme allouée au titre des travaux d'isolation d'une réévaluation selon l'indice INSEE du coût de la construction ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise pour déterminer la perte de valeur vénale de leur habitation ;

4°) de condamner la commune de Catllar à leur verser la somme de 4 197,47 euros au titre des frais d'expertise ;

5°) d'annuler la décision implicite de refus du maire de Catllar de faire procéder aux travaux d'isolation phonique de la salle des fêtes ;

6°) d'enjoindre à la commune de Catllar de faire procéder, après complément d'expertise à ses frais, à une étude d'impact déterminant la nature des travaux à entreprendre, dans un délai de six mois, et, dans l'attente, de prendre toute mesure appropriée pour proscrire l'utilisation de musique amplifiée et pour éviter le stationnement nocturne des véhicules aux abords de la salle des fêtes, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Catllar la somme de 6 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Ils soutiennent que :

- leur avocate n'a pas été convoquée à l'audience ;

- les conclusions indemnitaires de première instance sont recevables ;

- les conclusions aux fins d'injonction le sont également ;

- la responsabilité pour dommages de travaux publics de la commune est engagée en raison de l'aggravation des nuisances sonores postérieurement à la réalisation de travaux ;

- les préjudices subis présentent un caractère anormal et spécial ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour faute sur le fondement de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et de l'article R. 571-27 du code de l'environnement ;

- la décision implicite de refus de la commune de procéder à la réalisation de travaux d'isolation acoustique est illégale en raison des nuisances sonores et de la gêne occasionnée par le fonctionnement de la salle des fêtes ;

- la prescription quadriennale ne peut pas être opposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2015 la commune de Catllar, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des consorts C...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient que :

- l'avocate des requérants a été convoquée à l'audience ;

- les conclusions indemnitaires qui dépassent le montant de la réclamation préalable sont irrecevables ;

- il n'appartient pas au juge de mettre en demeure une collectivité territoriale de réaliser des travaux préconisés par une expertise qui n'a pas été ordonnée ;

- la requête qui présente le caractère d'une requête collective est irrecevable ;

- la prescription quadriennale est acquise pour les préjudices antérieurs au 1er janvier 2000 et pour les préjudices de Mme E...C...antérieurs au 1er janvier 2008 en l'absence de réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par les consorts C...ne sont pas fondés ;

- la mesure d'expertise ne présente pas un caractère utile.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Alain Barthez, président assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeB... représentant la commune de Catllar.

1. Considérant que, par un courrier en date du 12 décembre 2012, M. et Mme D...C...et leur fille Mme E...C...ont demandé à la commune de Catllar de faire procéder aux travaux d'isolation phonique de la salle des fêtes contiguë à la maison d'habitation située 30 route nationale dont ils sont respectivement usufruitiers et nu-propriétaire, de règlementer la circulation et le stationnement nocturnes des véhicules aux abords de cette salle communale et de les indemniser des préjudices qu'ils estiment subir du fait de son fonctionnement ; qu'ils relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 rejetant leur requête tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande et, d'autre part, à la condamnation de la commune à les indemniser ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire " ;

3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier transmis par le tribunal administratif de Montpellier que l'avocat des consorts C...ait reçu la convocation à l'audience du 29 avril 2015 dan les conditions prévues par les dispositions rappelées ci-dessus du code de justice administrative, ni que les requérants aient été présents ou représentés à cette audience ; qu'ils sont, par suite, fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par les consortsC... ;

Sur la responsabilité sans faute :

5. Considérant qu'il est constant que les consorts C...ont acquis en 1983 par donation-partage une maison d'habitation sur le territoire de la commune de Catllar postérieurement à l'aménagement en 1978 du local contigu à leur logement en salle des fêtes ; que s'ils ne pouvaient ignorer les nuisances sonores consécutives au fonctionnement de cette salle, les requérants, en leur qualité de tiers par rapport à l'ouvrage public en cause, ont cependant la possibilité de rechercher la responsabilité de la commune en raison de l'aggravation depuis leur installation des sujétions résultant du voisinage d'un tel ouvrage ; qu'en l'espèce, les consortsC..., qui se plaignent des nuisances à compter de l'année 1992, ne prétendent pas que l'utilisation de la salle des fêtes à l'origine du litige ait entraîné des inconvénients de voisinages supérieurs à ce qu'ils étaient avant leur installation; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du relevé des mesures d'isolement et d'impact musical réalisées par un expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que les consorts C...aient subi un dépassement des niveaux sonores autorisés par la réglementation ou une augmentation de la fréquence et du niveau sonore des évènements avec musique amplifiée ; qu'ainsi, la gêne occasionnée aux requérants par les manifestations festives ne présente pas un caractère anormal et spécial de nature à leur ouvrir droit à indemnité ;

Sur la responsabilité pour faute :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale, ... " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / (...) / 2º Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2215-1 de ce code : " La police municipale est assurée par le maire (...) " ; qu'il incombe au maire d'éviter que le bruit engendré par les manifestations autorisées dans la salle ne porte une atteinte excessive à la tranquillité publique et méconnaisse les normes maximales d'émission fixées par le code de l'environnement et le code de la santé publique ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire, par un arrêté du 11 décembre 2003, a limité l'utilisation de la salle aux seuls habitants de la commune et imposé aux organisateurs de manifestations publiques ou privées de respecter les normes acoustiques et de prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas porter atteinte à la tranquillité du voisinage ; que, par délibération du 19 décembre 2012, le conseil municipal de la commune a décidé de modifier la destination de la salle des fêtes en salle polyvalente, en interdisant toute diffusion de musique amplifiée après 22 heures ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire ait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Catllar en ne faisant pas respecter la délibération relative au changement de destination de la salle des fêtes ; qu'enfin, au regard du nombre limité de manifestations se déroulant dans la salle des fêtes, le maire de Catllar a pris les mesures nécessaires afin que le fonctionnement de cet ouvrage public ne porte pas une atteinte excessive à la tranquillité publique ;

8. Considérant qu'eu égard à la fréquence relativement faible des manifestations avec diffusion de musique amplifiée au cours de la période en cause, la commune de Catllar n'a pas méconnu l'obligation, mentionnée à l'article R. 571-27 du code de l'environnement, de réaliser une étude d'impact des nuisances sonores induites par le fonctionnement de la salle des fêtes communale ;

9. Considérant qu'il suit de là que les consorts C...ne sont pas fondés à soutenir que la responsabilité de la commune de Catllar devrait être engagée à leur égard sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

Sur la décision de refus de la commune de Catllar de faire réaliser des travaux d'isolation phonique :

10. Considérant qu'une autorité saisie d'une demande tendant à ce que l'administration procède à des travaux ayant vocation à prévenir ou faire cesser des dommages de travaux publics doit prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la situation existante entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les conséquences de la réalisation des travaux pour l'intérêt général dont elle a la charge, compte tenu, notamment, de leur coût et apprécier, en rapprochant ces éléments, si la réalisation des travaux n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général ; qu'il appartient au juge saisi de la contestation du refus opposé à une telle demande d'apprécier si ce refus n'est pas, à l'aune de ces critères, entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant que compte tenu, ainsi qu'indiqué au point 7, des modalités et de la fréquence d'occupation de la salle polyvalente, de l'intérêt général qui s'attache à l'utilisation de ce local et du coût élevé de travaux d'isolation phonique pour une commune de 700 habitants, la commune de Catllar a pu légalement refuser implicitement d'effectuer les travaux sollicités par les requérants ;

12. Considérant qu'il suit de là que les consorts C...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le maire a refusé de faire procéder aux travaux d'isolation phonique de la salle des fêtes ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions indemnitaires et à fin d'annulation présentées par les consortsC..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

Sur les dépens :

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser les frais d'expertise, d'un montant de 4 197,47 euros, à la charge définitive des consorts C...;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Catllar, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les consorts C...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des consorts C...une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Catllar et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 est annulé.

Article 2 : La requête des consorts C...est rejetée.

Article 3 : Les consorts C...verseront une somme de 2 000 euros à la commune de Catllar au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C..., à Mme E...C..., à la commune de Catllar.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2017 où siégeaient :

- M. Barthez, président-assesseur, président la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 décembre 2017.

2

N° 15MA03034


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03034
Date de la décision : 21/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-12-21;15ma03034 ?
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