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27/10/2017 | FRANCE | N°16MA04238

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 27 octobre 2017, 16MA04238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour pendant une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1606878 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec interdiction de retour pendant une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1606878 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 novembre 2016 et le 27 septembre 2017, M. E..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 juillet 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté ne justifie pas d'une délégation régulière de signature ;

- la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- le refus de séjour méconnaît tant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est motivée ni en droit ni en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne précitée et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2017, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1980, est entré en France le 21 juillet 2005 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 21 juillet 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays de destination ; que M. E... relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des justificatifs produits en première instance par l'administration, que M. D... B..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la direction des étrangers et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône, signataire de l'arrêté du 21 juillet 2016, bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement consentie par le préfet des Bouches-du-Rhône par arrêté du 2 mai 2016 publié au recueil des actes administratifs du 4 mai 2016, à l'effet notamment de signer les décisions de refus de séjour et d'éloignement ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté aurait été pris par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)/ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit :/ (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

4. Considérant que si M. E... vit au domicile de sa soeur, de nationalité française et mère de deux enfants, et s'il établit que son frère et une autre soeur possèdent cette même nationalité et résident en France, que ses parents sont décédés et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant et ne justifie pas résider habituellement en France depuis 2005 ; qu'en effet, les justificatifs qu'il produits au titre des années 2010 à 2013 ne sont pas suffisants pour établir une telle résidence au cours de cette période ; que, par ailleurs, il s'est soustrait à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre en 2008 et 2012 et a conservé des attaches dans son pays d'origine, où il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de 24 ans ; qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances, que l'arrêté litigieux, pris dans ses différentes composantes, refus de séjour et décision faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il n'a, par suite, pas méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le refus de séjour n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions figurent notamment les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants tunisiens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 ou par les stipulations équivalentes de l'accord franco-tunisien et non de tous ceux qui se prévalent de ces dispositions ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E... ne pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des stipulations du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour ; que si aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du même code : "L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'a pas fait état dans sa demande de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, ait présenté une demande d'admission au séjour sur ce fondement ; qu'il ne saurait, dès lors, se prévaloir utilement de ces dispositions ; qu'en tout état de cause, comme il a été dit au point 4, M. E... ne justifie pas d'une durée de résidence habituelle en France supérieure à dix ans ; que l'intéressé ne saurait, à cet égard, se prévaloir utilement des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, dépourvue de valeur réglementaire et dont les orientations générales ne constituent pas des lignes directrices ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle de la décision de refus de séjour ; qu'en l'espèce, la décision de refus de séjour opposée à M. E... décrit de manière précise et circonstanciée sa situation ainsi que les motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé pour rejeter sa demande ; que l'arrêté en litige mentionne le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il suit de là que le requérant, qui ne peut utilement se prévaloir directement, à l'appui de sa requête, des objectifs fixés par l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'à la date de la décision contestée, ce texte avait été transposé en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français ne serait pas motivée ;

8. Considérant en cinquième lieu, que si le préfet a commis une erreur quant à l'âge de M. E... à la date de son entrée alléguée en France, cette erreur est sans incidence sur la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français qui n'est pas fondée sur ce motif ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) /Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification. (...)/ L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " ;

10. Considérant qu'il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour de tenir compte des quatre critères énumérés par les dispositions mentionnées ci-dessus sans nécessairement préciser expressément les circonstances qu'elle ne retient pas après prise en compte de chacun de ces critères ; qu'en l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a relevé que M. E... avait déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement le 12 août 2008 et le 18 février 2012 qu'il n'avait pas exécutées spontanément et qu'il ne justifiait pas d'une insertion socioprofessionnelle notable depuis la date alléguée de son arrivée en France ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit précédemment, l'arrêté contesté n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'au vu de ces éléments, le préfet a pu, sans erreur d'appréciation, prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.

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N° 16MA04238

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04238
Date de la décision : 27/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : OUSSMOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-27;16ma04238 ?
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