Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Pomb Construction du Futur a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 5 août 2013 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a appliqué la contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers, d'un montant de 100 800 euros, ainsi que la décision du 30 septembre 2013 rejetant le recours gracieux formé le 4 septembre 2013.
Par un jugement n° 1305114 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Nice a déchargé la SARL Pomb Construction du Futur de l'obligation de payer la somme de 100 800 euros et mis à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 700 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 mai 2016, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er mars 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par la SARL Pomb Construction du Futur ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Pomb Construction du Futur la somme de 2 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 5 août 2013 est suffisamment motivée ;
- aucun texte ne prévoit la communication à l'employeur du procès-verbal d'infraction ;
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ;
- la sanction administrative est indépendante de la sanction pénale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2017, la SARL Pomb Construction du Futur, représentée par MeB..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas statué sur tous les moyens de la requête et en tant qu'il a limité à 700 euros la somme mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne sont pas fondés.
Par courrier du 2 mai 2017, les parties ont été informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et de la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close par l'émission d'une ordonnance de clôture ou d'un avis d'audience, sans information préalable.
Par ordonnance du 30 août 2017, la clôture de l'instruction avec effet immédiat a été prononcée.
Par lettre du 18 septembre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes de la SARL Pomb Construction du Futur tendant à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas statué sur tous les moyens de la demande de première instance, qui sont dirigées contre les motifs et non contre le dispositif du jugement.
Par un mémoire, enregistré le 26 septembre 2017, la SARL Pomb Construction du Futur a présenté des observations en réponse à la lettre de la Cour.
Elle soutient qu'elle reformule ses conclusions incidentes par lesquelles elle a entendu demander à la Cour d'écarter des débats l'ensemble des pièces tirées de la procédure pénale annulée.
Un mémoire présenté pour l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été enregistré le 11 octobre 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la SARL Pomb Construction du Futur.
1. Considérant que, par décision du 5 août 2013, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a appliqué à la SARL Pomb Construction du Futur la contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier de travailleurs étrangers, d'un montant de 100 800 euros ; que le recours gracieux formé par l'employeur a été rejeté par décision du 30 septembre 2013 ; que, par jugement du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Nice a déchargé la SARL Pomb Construction du Futur de l'obligation de payer la somme de 100 800 euros ; que l'Office français de l'immigration et de l'intégration relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l'appel incident, la société conclut à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas statué sur tous les moyens de la requête et en tant qu'il a limité à 700 euros la somme mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur l'appel principal de l'Office français de l'immigration et de l'intégration :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12 (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle effectué le 1er septembre 2011 par les services de police sur le chantier de rénovation d'un hôtel à Cannes, un procès-verbal dressé le 28 septembre 2011 à l'encontre de la SARL Pomb Construction du Futur a constaté la présence en situation de travail de six ressortissants tunisiens démunis d'un titre autorisant l'exercice d'une activité salariée ; que, par un jugement du 29 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Grasse, statuant en matière correctionnelle, a fait droit à l'exception de nullité soulevée par le gérant de la société Pomb Construction du Futur et a annulé en totalité la procédure d'enquête de police ; que cette circonstance fait obstacle à ce que la contribution spéciale soit mise à la charge de la SARL Pomb Construction du Futur sur le seul fondement du procès-verbal d'infraction, alors même que la sanction administrative est indépendante de la sanction pénale et que le juge administratif peut retenir des faits qui n'ont pas été déniés par le juge répressif ; que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'apporte, en dehors de la procédure pénale, aucun élément susceptible d'établir la matérialité des faits reprochés à la société ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a déchargé la SARL Pomb Construction du Futur de l'obligation de payer la somme 100 800 euros ;
Sur l'appel incident de la SARL Pomb Construction du Futur :
5. Considérant en premier lieu que les conclusions tendant à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas statué sur tous les moyens de la requête sont dirigées contre les motifs du jugement et non contre son dispositif, qui a fait droit à la demande de la société ; qu'elles sont dès lors irrecevables ;
6. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
7. Considérant que la SARL Pomb Construction du Futur n'apporte aucun élément de nature à justifier que les premiers juges auraient méconnu ces dispositions en limitant à 700 euros la somme mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
8. Considérant qu'il suit de là que les conclusions incidentes de la SARL Pomb Construction du Futur doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SARL Pomb Construction du Futur, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Office la somme de 2 000 euros au titre des frais engagés par la société sur le même fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejetée.
Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à la SARL Pomb Construction du Futur la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SARL Pomb Construction du Futur est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la SARL Pomb Construction du Futur.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.
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N° 16MA01747