Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 31 janvier 2013 par laquelle le maire de la commune d'Auriol a rejeté sa demande tendant au rétablissement de la circulation publique sur une portion de chemin qu'il estime faire partie du chemin rural de Vède aux Estiennes et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de rétablir l'assiette intégrale du chemin rural de manière à permettre la circulation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1302419 du 15 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M.D....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 décembre 2015 et le 11 janvier 2017, M. D..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2015 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Auriol la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur le litige ;
- l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 septembre 2006 est dépourvue d'autorité de chose jugée dans la présente instance ;
- le tronçon de chemin en cause est un chemin rural ;
- le maire était tenu de prendre les mesures de police nécessaires au rétablissement de la circulation du public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2016, la commune d'Auriol, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur la qualification de chemin rural ;
- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., substituant MeC..., pour la commune d'Auriol.
1. Considérant que, par courrier du 28 janvier 2013, M. D...a demandé au maire d'Auriol de rétablir la circulation publique, qui serait bloquée par un portail installé par un propriétaire riverain au mois de juillet 2010 sur une portion de chemin qu'il estime faire partie du chemin rural de Vède aux Estiennes ; que, par décision du 31 janvier 2013, le maire lui a opposé un refus en se fondant sur un unique motif tiré de ce que, par un arrêt du 27 septembre 2006 devenu définitif, la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait qualifié le chemin en cause de chemin d'exploitation ; que M. D...relève appel du jugement du 15 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision du 31 janvier 2013 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la commune de rétablir l'assiette intégrale du chemin rural de manière à permettre la circulation ;
Sur la légalité de la décision du 31 janvier 2013 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune " ; qu'aux termes de l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ; qu'enfin l'article L. 162-1 dispose que : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains (...). / L'usage de ces chemins peut être interdit au public " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune d'Auriol n'était pas partie au litige, relatif à un conflit entre propriétaires riverains sur l'entretien du chemin, qui a donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 septembre 2006, pas plus qu'au jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 10 juin 2002 qu'elle confirme sur la qualification de chemin d'exploitation ; que, d'ailleurs, la cour d'appel, après avoir estimé que le chemin ne pouvait " être considéré comme personnel à l'un quelconque des riverains ", a écarté la qualification de chemin rural, revendiquée par un intervenant volontaire, au seul motif que la commune n'était pas partie à l'instance alors qu'une telle qualification n'aurait pu être retenue qu'à son contradictoire ; que la Cour de cassation, par un arrêt du 6 février 2008, a rejeté le pourvoi formé par cet intervenant pour le même motif ; que l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 27 septembre 2006 était ainsi dépourvu d'autorité de chose jugée à l'égard de la commune d'Auriol ; que, dès lors, en s'estimant lié par cet arrêt du juge civil, le maire d'Auriol a entaché sa décision d'erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement du 15 octobre 2015 et la décision du maire d'Auriol en date du 31 janvier 2013 doivent être annulés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'article L. 911-2 de ce code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; qu'enfin selon l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
6. Considérant qu'au regard du motif d'annulation de la décision du 31 janvier 2013 l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que la commune d'Auriol rétablisse l'assiette intégrale du chemin en cause de manière à permettre la circulation publique ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au maire d'Auriol de procéder au réexamen de la demande de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M.D..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la commune d'Auriol et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais engagés par M.D... ;
D É C I D E :
Article 1er : le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 octobre 2015 et la décision du maire d'Auriol en date du 31 janvier 2013 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire d'Auriol de procéder au réexamen de la demande de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune d'Auriol versera à M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.B... D... et à la commune d'Auriol.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 octobre 2017.
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N° 15MA04912