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25/10/2017 | FRANCE | N°15MA02459

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 25 octobre 2017, 15MA02459


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et financier que lui aurait causé l'illégalité fautive de la décision de mutation du 27 mai 2009 annulée par jugement n° 0904425 du 9 février 2011, le remboursement par le département des frais d'avocats dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée en mai 2009, l'exécution du jugement pr

écité du 9 février 2011 ainsi que le prononcé d'une mesure d'injonction au départ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille la condamnation du département des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral et financier que lui aurait causé l'illégalité fautive de la décision de mutation du 27 mai 2009 annulée par jugement n° 0904425 du 9 février 2011, le remboursement par le département des frais d'avocats dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée en mai 2009, l'exécution du jugement précité du 9 février 2011 ainsi que le prononcé d'une mesure d'injonction au département des Bouches-du-Rhône aux fins de reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1206609 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 juin 2015 et 4 janvier 2017, Mme A..., représentée par Me C..., doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206609 du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser une indemnité de 15 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable ;

- le changement d'affectation du 27 mai 2009 constitue une sanction illégale au fond ;

- l'annulation de cette décision équivaut à l'admission de l'ensemble des préjudices subis ;

- cette décision est à l'origine de plusieurs préjudices ;

- elle fait l'objet d'une discrimination et d'un harcèlement moral ;

- elle justifie des frais de l'action pénale qu'elle a engagée dans le cadre de la protection fonctionnelle accordée.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2016, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la demande ne sont pas fondés.

Vu :

- le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0904425 du 9 février 2011 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jorda,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant Mme A....

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus d'indemnisation au titre de la mutation :

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A..., exerçait des fonctions administratives en qualité d'agent administratif de 2ème classe au sein de la direction de l'environnement du département des Bouches-du-Rhône et était notamment en charge du secrétariat du sous-directeur et du directeur adjoint des espaces naturels départementaux, de la responsabilité du pôle secrétariat, et de la gestion des unités forestières et personnels techniques et administratifs de la sous-direction pour les questions relatives à l'aménagement et la réduction du temps de travail ; qu'à la suite de la violente prise à partie dont elle a fait l'objet lors d'une réunion d'information intersyndicale le 31 mars 2009 et de critiques renouvelées à son encontre à l'occasion d'une réunion en date du 14 avril 2009, Mme A... a adressé un courrier au président du conseil départemental le 27 avril 2009, par lequel elle faisait part de son souhait de porter plainte avec constitution de partie civile devant le juge pénal et de bénéficier à ce titre de la protection fonctionnelle ; qu'alors que l'administration était tenue de faire droit à cette demande dès lors qu'elle n'invoque aucun motif d'intérêt général s'y opposant, elle a prononcé, sous prétexte de répondre à cette demande, la mutation de l'intéressée au 27 mai 2009 sur un poste de secrétaire auprès de la commission locale d'information de Cadarache, tout en lui indiquant que si, après cette nouvelle affectation, une autre opportunité lui convenant davantage se présentait avant les trois ans exigés dans le règlement de mobilité, son dossier serait néanmoins étudié sans que cette contrainte ne lui soit opposable ; que si la mutation de Mme A..., qui correspondait à son grade, ne peut être regardée comme une sanction disciplinaire dès lors qu'elle pouvait se justifier par l'exacerbation de son différend avec d'autres agents et les inconvénients qui pouvaient en résulter pour le service où elle était affectée, bien qu'il ne soit pas contesté que les autres protagonistes aient quitté le service, cette mesure était toutefois d'autant plus inappropriée à l'objectif affiché que ses conditions matérielles de mise en oeuvre, dénoncées par Mme A... dès sa prise de fonctions, étaient insuffisantes ainsi que le reconnaît le département en l'absence d'un local et de fournitures adéquats comme de tâches spécifiées ; que, dans cette mesure, la décision de l'administration est fautive ;

En ce qui concerne le refus d'indemnisation d'un harcèlement moral :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ;

3. Considérant à cet égard qu'il ressort des pièces du dossier que si Mme A... a vu ses attributions se réduire et ses conditions de travail se dégrader par la suite, sa réaffectation, prononcée à titre temporaire, dans un contexte de conflit ouvert avec d'autres agents nécessitant une réorganisation rapide du service n'a pas excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service ; qu'en tout état de cause, Mme A... n'établit pas la dégradation de sa notation ou de sa carrière qui en aurait résulté ; qu'il s'ensuit que l'intéressée n'apporte pas, à l'appui de ses dires, ainsi que les premiers juges l'ont estimé à bon droit, un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de présumer qu'elle aurait été victime, à cette occasion, d'un harcèlement moral de la part de ses collègues ou supérieurs hiérarchiques ;

En ce qui concerne le refus de prise en charge de frais de procédure :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la même loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) " ; que ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général ; que cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis ; que la mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre ; qu'il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée par Mme A... le 27 avril 2009 tendait au bénéfice de la protection fonctionnelle au soutien de sa plainte avec constitution de partie civile devant le juge pénal à raison de propos calomnieux non contestés ; qu'il résulte de surcroît de l'instruction que pour ces mêmes faits Mme A... a engagé une procédure pénale ; que, dans ces circonstances, malgré la motivation de la décision du 27 mai 2009, dont le caractère inapproprié a été souligné au point 1 et qui doit en fait s'analyser comme un refus de protection fonctionnelle, ce refus constitue une application inexacte des dispositions susvisées ; que le département a commis à ce titre une faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il convient d'écarter l'existence d'un préjudice matériel financier ou de carrière de Mme A..., incluant la perte alléguée d'une chance de changement de grade, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges pour rejeter ces conclusions ; qu'en revanche, Mme A..., produisant pour la première fois en appel une note d'honoraires d'avocat relative à l'action pénale engagée au titre de la protection fonctionnelle initialement sollicitée, est fondée à obtenir réparation à concurrence du montant de ces honoraires s'élevant à la somme de 598 euros ;

7. Considérant, par ailleurs, que Mme A... établit par la production de certificats médicaux l'existence d'un lien de causalité entre la situation professionnelle invoquée et la dégradation de son état de santé ; qu'eu égard aux circonstances et aux motifs de la mesure litigieuse ainsi qu'aux répercussions sur son état de santé, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi de ce fait par Mme A... en condamnant le département à lui verser à ce titre une indemnité de 4 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire à concurrence de 4 598 euros ; que le surplus des conclusions de sa requête doit donc être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de l'appelante, qui n'est pas la partie perdante, la somme dont le département demande le versement ;

D É C I D E :

Article 1er : Le département des Bouches-du-Rhône est condamné à verser la somme de

4 598 euros à Mme A....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 4 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à Mme A... la somme de

2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 octobre 2017.

N° 15MA02459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02459
Date de la décision : 25/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Mutation.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS KAROUBY - MINGUET - ESTEVE - MELLOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-25;15ma02459 ?
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