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23/10/2017 | FRANCE | N°16MA03600

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2017, 16MA03600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Comasud a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM) du 27 novembre 2012 portant refus de paiement de factures, d'autre part, de condamner la CUMPM au versement d'une somme de 359 912,26 euros toutes taxes comprises à parfaire, avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de sa requête et d'une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1300542 du

7 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Comasud a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (CUMPM) du 27 novembre 2012 portant refus de paiement de factures, d'autre part, de condamner la CUMPM au versement d'une somme de 359 912,26 euros toutes taxes comprises à parfaire, avec intérêts de droit à compter de l'enregistrement de sa requête et d'une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par un jugement n° 1300542 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 septembre 2016, la société S.A. Comasud, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 27 novembre 2012 ;

3°) de condamner la CUMPM à lui verser, d'une part, une somme de 359 912,26 euros toutes taxes comprises, à parfaire, avec intérêt de droit à compter de l'enregistrement de la requête, d'autre part, une somme de 20 000 euros à titre de préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de la CUMPM une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 27 novembre 2012 est un acte détachable du contrat et répond à une procédure de règlement amiable du litige ;

- la décision du 27 novembre 2012 n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit ;

- l'exception de prescription quadriennale ne peut être opposée à l'encontre de la facture n° 301C0002741709 ;

- le délai de paiement fixé par l'article 94 du code des marchés publics ne lui est pas opposable ;

- la CUMPM n'a pas tenu sa promesse de signer une convention transactionnelle et de réviser le prix du marché ;

- elle a subi un préjudice financier correspondant à la perte subie ainsi qu'un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2016, la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la CUMPM, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Comasud au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 novembre 2012 sont irrecevables en ce qu'elles concernent une mesure d'exécution du contrat ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en raison de la forclusion de l'action dès lors que la société n'a pas présenté de mémoire en réclamation dans les conditions prévues à l'article 34.1 du CCAG-FCS ;

- les parties n'ont pas entendu s'affranchir des dispositions de l'article 34.1 du CCAG-FCS ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- la prescription s'étend aux révisions et la facture en litige correspond à une livraison effectuée le 27 octobre 2005 ;

- la métropole n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- les préjudices invoqués n'ont pas de lien de causalité avec les prétendus engagements pris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant la société Comasud, et Me C... pour la métropole Aix-Marseille-Provence.

1. Considérant que le 8 avril 2003, la communauté urbaine Marseille Provence métropole (CUMPM) a conclu avec la société Comasud un marché à bon de commandes de fournitures de produits en fonte ou en acier pour mobilier urbain, pour une durée d'un an renouvelable deux fois ; que ce marché a pris fin le 7 avril 2007 ; qu'en août 2010, lors de la mise à jour de son fichier comptable, la communauté urbaine a constaté que quatre factures émises par la société Comasud étaient susceptibles d'être admises en " non valeur " et l'a invitée à confirmer l'état de ces factures ; que la société Comasud a alors adressé à la communauté urbaine des factures de révision de prix pour la période d'avril 2004 à mars 2005 pour un montant de 83 864,66 euros toutes taxes comprises, d'avril 2005 à avril 2006 pour un montant de 248 521,30 euros toutes taxes comprises, ainsi qu'une facture complémentaire d'un montant de 7 014,90 euros toutes taxes comprises portant sur une facture du 28 juin 2011 correspondant à une livraison d'octobre 2005 ; que tous les mandats de paiement correspondant à ces factures ont été rejetés au motif de la prescription des créances correspondantes ; que si des projets de protocoles transactionnels ont été échangés, ils n'ont pas abouti ; que par courrier du 27 novembre 2012, la CUMPM a notifié à la société Comasud son refus de paiement des factures en cause ; que la société Comasud relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la CUMPM du 27 novembre 2012 portant refus de paiement des factures et, d'autre part, à la condamnation de la communauté urbaine au versement d'une somme de 359 912 euros toutes taxes comprises, avec intérêts de droit et d'une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 novembre 2012 :

2. Considérant que le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, comme contraires aux clauses du contrat ; qu'il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ;

3. Considérant que par une décision du 27 novembre 2012, la CUMPM a refusé de payer trois factures émises en juin 2011, mars 2012 et janvier 2012 par la société Comasud, au titre, d'une part, d'une prestation effectuée le 27 octobre 2005 pour un montant de 20 511,40 euros toutes taxes comprises, d'autre part, de la révision du prix applicable à la précédente facture pour un montant de 7 014,90 euros toutes taxes comprises, et enfin de deux factures d'un montant de 248 521,30 euros toutes taxes comprises et 83 864,66 euros toutes taxes comprises relatives aux révisions de prix à appliquer sur l'ensemble du marché conclu, terminé depuis le 7 avril 2007 ; qu'ainsi, la décision du 27 novembre 2012 est une mesure d'exécution financière du contrat ; que, par suite, la société Comasud n'est pas recevable à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant que la société Comasud était liée à la CUMPM par un contrat qui s'est achevé en 2007 ; qu'eu égard au fondement contractuel des créances dont elle se prévaut, dès lors que le contrat n'a pas été déclaré nul ou invalide, cette société ne peut exercer d'autre action à l'encontre de la communauté urbaine que celle procédant de ce contrat ; que, dès lors, les conclusions de la société requérante fondées sur la responsabilité quasi-contractuelle de cette collectivité du fait d'une promesse non tenue de signer une convention transactionnelle ne peuvent qu'être rejetées ;

S'agissant de la fin de non-recevoir :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) dans sa rédaction en vigueur à la conclusion du contrat : " Différend avec la personne responsable du marché / 34.1. Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. / 34. 2. La personne publique dispose d'un délai de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. " ;

6. Considérant que par courriers du 30 janvier 2012, la société requérante a demandé à la CUMPM le règlement de factures émises en exécution du marché à bon de commandes en cause ; que par un courrier du 27 novembre 2012, reçu le 29 novembre 2012, la communauté urbaine a indiqué à la société qu'elle ne règlerait pas les sommes en litige ; que par ce courrier, un différend au sens des stipulations précitées de l'article 34.1 est né entre la société Comasud et la communauté urbaine ; que si cette collectivité soulève la fin de non recevoir tirée, sur le fondement de ces stipulations, de l'absence de présentation d'un mémoire de réclamation dans le délai de trente jours suivant celui où ce différend est né, la CUMPM doit être regardée comme ayant renoncé à opposer cette forclusion dès lors qu'elle a indiqué dans son courrier du 27 novembre 2012 à la société Comasud la possibilité de saisir, ainsi que cette société l'a fait, le tribunal administratif de Marseille dans un délai de deux mois pour contester cette décision ; que, dès lors, la société Comasud ne peut se voir opposer la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 34.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services ;

S'agissant de la facture n° 301C9992741709 du 28 juin 2006 :

7. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ (...) " ; que le contrat en cause, ne prévoyant pas l'établissement d'un décompte, les droits afférents à la créance ont été acquis à la date de livraison du bien, intervenue le 27 octobre 2005 ; que le délai de prescription à l'encontre de la facture n° 301C9992741709 du 28 juin 2006 d'un montant de 20 511,40 euros toutes taxes comprises, émise au titre d'une première fourniture effectuée le 27 octobre 2005 a donc commencé à courir le 1er janvier 2006 ;

8. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement : / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. " ;

9. Considérant que le délai de prescription a été interrompu par l'émission le 31 mars 2006 d'une facture n° 00160184, puis par l'annulation de cette facture et la réémission d'une nouvelle facture le 28 juin 2006, qui valait demande de paiement de la créance ; que ce délai, qui a recommencé à courir le 1er janvier 2007, a été de nouveau interrompu le 25 août 2010 par le courrier alors adressé par la métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la CUMPM, à la société Comasud l'informant que plusieurs factures émises par elle, au nombre desquelles figurait la facture en litige, étaient susceptibles d'être inscrites au budget de la métropole en non valeur ; que ce courrier valait communication écrite d'une administration intéressée ayant trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, au sens des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968 ; que le délai de prescription, qui avait ainsi recommencé à courir le 1er janvier 2011, a été interrompu de nouveau le 25 janvier 2013, par la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Comasud, et n'a pas recommencé à courir en l'état de la procédure contentieuse ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exception de prescription quadriennale doit être écartée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, compte tenu de la livraison non contestée des fournitures objet de la facture, la société Comasud a droit, en exécution du marché, au versement de la somme de 20 511,40 euros toutes taxes comprises au titre du paiement de la facture n° 301C9992741709 du 28 juin 2006 ; qu'il y a lieu de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence au paiement de cette somme ;

11. Considérant que la société Comasud a droit aux intérêts au taux contractuel de la somme de 20 511,40 euros à compter du 25 janvier 2013, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

S'agissant des factures de révision des prix :

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le marché conclu le 8 avril 2003 était un marché à prix unitaire révisable selon une formule visée dans l'acte d'engagement ; que la publication des indices de référence sur la base desquels a été calculée la révision des factures en cause, fait générateur de la créance, a été accomplie au plus tôt en 2004, et au plus tard en 2007 ; qu'en conséquence, le délai de prescription des créances objets des factures a commencé à courir, au plus tard, le 1er janvier 2008 pour expirer, au plus tard, le 1er janvier 2012 ; que, par suite, les créances objets des factures litigieuses émises le 30 janvier 2012 relativement à la révision des prix avant la saisine, le 25 janvier 2013, du tribunal administratif de Marseille par la société Comasud, sont prescrites ;

S'agissant du préjudice moral :

13. Considérant que la société Comasud, qui demande la somme de 3 000 euros à ce titre n'établit pas, en tout état de cause, la réalité de son préjudice moral ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Comasud n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qu'en tant que cette décision a rejeté sa demande de condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence, venue aux droits de la CUMPM, à lui payer une somme de 20 511,40 euros toutes taxes comprises au titre de la facture 301C0002741709 du 28 juin 2011, augmentée des intérêts ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties, les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La métropole Aix-Marseille-Provence est condamnée à verser à la société Comasud la somme de 20 511,40 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 25 janvier 2013.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3: Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Comasud et à la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2017, où siégeaient :

- Mme Isabelle Carthé Mazères, président,

- Mme E... Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 octobre 2017.

2

N° 16MA03600


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03600
Date de la décision : 23/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTHE-MAZERES
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL ABEILLE et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-23;16ma03600 ?
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