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19/10/2017 | FRANCE | N°16MA00918

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 16MA00918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 février 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502587 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2016, MmeE..., représentée par Me B..., dem

ande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 février 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1502587 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2016, MmeE..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 février 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans le délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B...en application de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement valant renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises par une autorité incompétente ;

- elles ont été prises à l'issue d'un examen irrégulier de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, le préfet de l'Hérault s'étant fondé sur la situation à la date de la demande de titre, le délai d'un an entre le dépôt de sa demande d'admission au séjour et l'arrêté en litige étant trop long et ce délai justifiant que le préfet l'informe qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit, le préfet de l'Hérault s'étant cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) pour rejeter son admission au séjour, y compris sur les fondements autres que celui de l'asile, et pour l'obliger à quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur de droit, le préfet de l'Hérault s'étant cru lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA rejetant sa demande d'asile pour estimer qu'elle n'était pas exposée à des traitements inhumains ou dégradants ;

- elle méconnaît tant l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens doivent être " rejetés ".

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme D...E..., ressortissante nigériane née en 1991, interjette appel du jugement du 6 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 février 2015 refusant de l'admettre au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que par arrêté n° 2014-I-1341 du 31 juillet 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, accessible tant aux juges qu'aux parties, le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault, a accordé une délégation de signature à M. C...A...à l'effet, notamment, de signer les décisions en litige dans la présente instance, notamment les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que cette délégation exclut " la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ", alors que ces dispositions ont été abrogées, ainsi que le relève MmeE... ; que, cependant, le préfet n'a pas accordé de délégation à M. A...pour les " réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre " ; que cette délégation n'est donc pas trop générale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français auraient été prises par une autorité incompétente doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu et d'une part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait examiné la situation de Mme E...à la date de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et non pas à la date des décisions contestées ; que le préfet de l'Hérault a attendu la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) rejetant le 26 janvier 2015 le recours de MmeE... ; que, par suite et en tout état de cause, la circonstance que l'arrêté en litige, en date du 25 février 2015, ait été pris après un délai supérieur à quinze mois après la date d'enregistrement, le 20 novembre 2013, de la demande d'admission au séjour n'est pas de nature à entacher d'irrégularité l'examen de la situation de MmeE... ;

4. Considérant, d'autre part, que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle intervienne ;

5. Considérant que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, elle découle nécessairement de ce refus de titre ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

6. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français fait suite au refus d'admission au séjour pris le même jour par le préfet de l'Hérault ; que le préfet de l'Hérault a examiné, avant de prendre sa décision d'éloignement et ainsi qu'il devait le faire, si Mme E... pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en application de l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a estimé qu'aucune disposition de ce code ne donnait droit au séjour à MmeE... ; que, toutefois, contrairement à ce que celle-ci soutient, le droit d'être entendu n'impliquait pas que le préfet de l'Hérault l'en informe préalablement ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de l'Hérault en s'estimant lié, pour rejeter la demande de titre de séjour et obliger Mme E...à quitter le territoire français, par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la CNDA par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de l'Hérault en s'estimant lié, pour fixer le pays de destination, par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

10. Considérant, en second lieu, que Mme E...n'établit pas la réalité des risques qu'elle allègue encourir en cas de retour dans son pays d'origine en versant au dossier principalement des documents généraux faisant état de l'existence de réseaux de prostitution au Nigéria ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qui soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser au conseil de Mme E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...E..., à Me F...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 octobre 2017.

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kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00918
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-19;16ma00918 ?
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