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19/10/2017 | FRANCE | N°15MA04638

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 15MA04638


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser une somme globale de 40 632 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute dont elle a été victime le 12 septembre 2012, rue Paradis, à Marseille.

Par un jugement n° 1301127 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enr

egistrés le 4 décembre 2015, le 22 juin 2016 et le 8 novembre 2016, Mme B..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser une somme globale de 40 632 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute dont elle a été victime le 12 septembre 2012, rue Paradis, à Marseille.

Par un jugement n° 1301127 du 12 octobre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 décembre 2015, le 22 juin 2016 et le 8 novembre 2016, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 ;

2°) de condamner la Société des eaux de Marseille et la métropole Aix-Marseille Provence, venant aux droits de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, à lui verser la somme globale de 37 667 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de la Société des eaux de Marseille et de la métropole Aix-Marseille Provence, la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas tenu compte de la mise en cause de la Société des eaux de Marseille ;

- la responsabilité de la Société des eaux de Marseille et, à titre subsidiaire, celle de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, est engagée pour défaut d'entretien normal d'un ouvrage public ;

- aucune inattention ne peut lui être imputée ;

- le dommage corporel dont elle souffre est directement imputable au dommage de travaux publics.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2016, la Société des eaux de Marseille, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à sa condamnation sont irrecevables comme nouvelles en appel ;

- les circonstances de l'accident ne sont pas établies ;

- la victime, qui connaissait les lieux, a commis une imprudence ;

- aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché ;

- la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a une obligation d'entretien de la voie publique ;

- la responsabilité du titulaire du contrat d'abonnement au service de l'eau est susceptible d'être recherchée ;

- les sommes demandées au titre des préjudices subis sont excessives.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2016, la métropole Aix-Marseille Provence, venant aux droits de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, représentée par Me F..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la Société des eaux de Marseille à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la requérante la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

- seule la responsabilité de la Société des eaux de Marseille est susceptible d'être engagée ;

- aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage public ne peut lui être reproché ;

- la chute résulte exclusivement d'un défaut d'attention de la requérante ;

- les demandes indemnitaires sont excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2015-1085 du 28 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de Me C..., représentant Mme B..., et de Me G..., représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.

1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 12 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole, à laquelle s'est substituée la métropole Aix-Marseille-Provence, à lui payer la somme de 40 632 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la chute dont elle a été victime le 12 septembre 2012, rue Paradis à Marseille ;

Sur les conclusions de Mme B... contre la Société des eaux de Marseille :

2. Considérant que la demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille était exclusivement dirigée contre la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ; que ses conclusions à l'encontre de la Société des eaux de Marseille sont présentées pour la première fois en appel ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, comme il vient d'être dit, que seule la responsabilité de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole était recherchée en première instance ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif se serait mépris sur les conclusions de la demande et aurait omis de statuer sur les conclusions indemnitaires dirigées contre la Société des eaux de Marseille manque en fait et ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

4. Considérant qu'il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage ; que le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des deux attestations de témoins de l'accident que Mme B... a chuté le 12 septembre 2012, un peu avant 8 heures, au niveau des numéros 7 et 9 de la rue Paradis à Marseille, alors qu'elle marchait sur le trottoir, en raison du basculement du couvercle de fermeture d'un regard de canalisation du réseau d'eau potable ; qu'ainsi, la matérialité de l'accident et le lien de causalité entre l'ouvrage public et la chute sont établis ;

6. Considérant que la plaque recouvrant le regard en cause est incorporée au trottoir dont elle constitue une dépendance nécessaire ; que la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole, est chargée de l'entretien de la voie publique et tenue de la maintenir, avec tous ses accessoires, dans un état conforme à sa destination ; que le fait du tiers n'étant pas exonératoire, la métropole, ne peut se prévaloir utilement d'une faute qu'aurait commise la Société des eaux de Marseille ; que le maître de l'ouvrage ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de l'entretien normal de la voie publique ; que la métropole n'établit pas qu'elle n'aurait pas disposé du temps nécessaire pour signaler le danger ou remédier à ce défaut avant que ne se produise l'accident ; qu'il suit de là que la métropole Aix-Marseille-Provence est responsable des conséquences dommageables de celui-ci ;

7. Considérant que la chute dont la requérante a été victime a été causée par le basculement soudain et imprévisible du couvercle mal fixé du regard ; qu'aucune inattention ne peut dès lors être imputée à Mme B..., alors même que celle-ci avait connaissance des lieux eu égard à la proximité du lieu d'exercice de son activité professionnelle de celui de l'accident ;

En ce qui concerne les préjudices :

8. Considérant, en premier lieu, que la réparation intégrale du préjudice professionnel consécutif à la chute dont Mme B..., qui exerce la profession d'avocat, a été victime, suppose que l'intéressée soit replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité, à la suite de son arrêt de travail jusqu'au 30 novembre 2012, ne s'était pas produite ; qu'en vue d'assurer cette réparation, il y a lieu de lui accorder une indemnité correspondant aux pertes de recettes qu'elle a subies, diminuées des charges qu'elle n'a pas eu à exposer et augmentées, le cas échéant, des charges supplémentaires provoquées par la baisse ou l'interruption de son activité ; que l'octroi d'une indemnité ainsi déterminée assure la réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de couvrir les charges fixes par des recettes d'exploitation et, le cas échéant, du préjudice résultant d'une perte de bénéfice ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des résultats nets d'activité des années 2010, 2011 et 2012, qu'il y a lieu, compte tenu d'un bénéfice net mensuel moyen évalué à 1 300 euros, de fixer à 3 250 euros le manque à gagner au cours de la période d'arrêt de travail d'une durée de deux mois et demi ; que les organismes d'assurance maladie obligatoire et complémentaire auxquels Mme B... est affiliée lui ayant servi des prestations d'un montant total de 4 366 euros, la requérante n'a subi aucun préjudice et n'est dès lors pas fondée à réclamer une indemnité ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que les charges fixes constituées par les loyers et les charges professionnelles auraient en tout état de cause été exposées indépendamment de l'accident survenu le 12 septembre 2012 ;

11. Considérant, en troisième lieu, que Mme B... n'apporte aucun commencement de justification de ce que l'arrêt de travail consécutif à l'accident a entraîné une diminution du chiffre d'affaires de l'activité professionnelle postérieurement à la reprise de celle-ci ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge de référés du tribunal administratif de Marseille le 30 avril 2013, que Mme B... a présenté un déficit fonctionnel partiel, au taux de 25 % du 12 septembre 2012 au 30 novembre 2012 et de 10 % du 1er décembre 2012 au 12 mai 2013 ; que les troubles dans les conditions d'existence subis à ce titre par la victime, qui comprennent le préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de pratiquer la randonnée et le yoga pendant la durée de son incapacité, doivent être évalués à la somme de 600 euros ;

13. Considérant, en cinquième lieu, que Mme B... a enduré des souffrances, fixées à 2,5 sur une échelle de 1 à 7, qu'il y a lieu d'estimer à la somme de 2 500 euros ;

14. Considérant, en sixième lieu, que Mme B... a subi un préjudice esthétique évalué, par l'expert, à 1 sur une échelle de 1 à 7, l'intéressée présentant des cicatrices sur le tibia ; que l'indemnité due à ce titre doit être fixée à la somme de 800 euros ;

15. Considérant, en septième lieu, que Mme B... conserve un déficit fonctionnel permanent, au taux de 3 %, qui sera réparé par la somme de 3 000 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à demander la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à lui verser la somme de 6 900 euros en réparation des préjudices subis ; que la requérante est par suite fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de la métropole Aix-Marseille-Provence :

17. Considérant que le présent arrêt a pour effet d'aggraver la situation de la métropole Aix-Marseille-Provence ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions d'appel provoqué de la métropole Aix-Marseille-Provence tendant à être garantie par la Société des eaux de Marseille des condamnations qui ont été prononcées à son encontre ;

18. Considérant qu'en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l'ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; que ce n'est qu'en cas de concession d'un ouvrage public, c'est à dire d'une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date de la chute dont Mme B... a été victime, la commune de Marseille, à laquelle s'est substituée la communauté urbaine de Marseille Provence Métropole puis la métropole Aix-Marseille-Provence, avait confié, par contrat d'affermage, la gestion du réseau de distribution publique d'eau potable à la société des Eaux de Marseille ; que, conformément à l'article 5-10 du règlement du service de l'eau, cette société prend à sa charge les réparations et les dommages pouvant résulter de l'existence de la partie du branchement, qui est la propriété de la collectivité et fait partie intégrante du réseau, située dans le domaine public ; qu'il résulte de l'instruction que l'accident, qui n'est pas imputable à l'existence, à la nature ou au dimensionnement du réseau public ou du couvercle du regard relevant de ce réseau, trouve son origine dans un défaut d'entretien de l'ouvrage du réseau public de distribution d'eau potable ; que, par suite, la métropole Aix-Marseille-Provence est fondée à demander que la Société des Eaux de Marseille, qui ne peut utilement se prévaloir de ce que la responsabilité du titulaire du contrat d'abonnement au service de l'eau serait susceptible d'être recherchée, soit condamnée à la garantir de la totalité des condamnations mises à sa charge en réparation des préjudices subis par Mme B... ;

Sur les dépens :

20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, qui ont été taxés et liquidés à la somme de 500 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Marseille du 26 novembre 2013, à la charge définitive de la métropole Aix-Marseille-Provence ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence, qui est, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la métropole Aix-Marseille Provence demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 octobre 2015 est annulé.

Article 2 : La métropole Aix-Marseille Provence est condamnée à verser à Mme B... la somme de 6 900 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La Société des eaux de Marseille est condamnée à garantir la métropole Aix-Marseille Provence de la condamnation prononcée à son encontre.

Article 5 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de la métropole Aix-Marseille Provence.

Article 6 : La métropole Aix-Marseille-Provence versera une somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la métropole Aix-Marseille-Provence, à la Société des eaux de Marseille et au régime social des indépendants Provence-Alpes.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

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N° 15MA04638


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04638
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité d'usager.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : TIXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-19;15ma04638 ?
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