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13/10/2017 | FRANCE | N°16MA03332

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2017, 16MA03332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Hydrotech Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône lui refusant l'autorisation de licencier M. F...C...pour motif disciplinaire ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1501544 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejet

sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Hydrotech Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône lui refusant l'autorisation de licencier M. F...C...pour motif disciplinaire ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1501544 du 14 juin 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 août 2016, 21 novembre 2016, 10 mars 2017, 24 mai 2017 et 11 septembre 2017, la SAS Hydrotech Provence, représentée par la SCP Marce Andrieu Maquenne Caramel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 juin 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail et la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif du refus d'autorisation de licenciement n'a pas été soumis au contradictoire lors de l'enquête menée par l'inspectrice du travail ;

- cette enquête est dépourvue d'objectivité ;

- la décision de l'inspectrice du travail souffre d'un défaut de motivation ;

- le délai qui s'est écoulé entre la mise à pied conservatoire et la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'administration n'était pas excessif ;

- la substitution de motif demandée par le ministre en première instance ne saurait être accueillie ;

- la matérialité des faits de violence est établie et ces faits sont suffisamment graves pour justifier le licenciement de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2016, M. F... C..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Hydrotech Provence la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la SAS Hydrotech Provence ne sont pas fondés ;

- les faits invoqués pour le licencier ont pour seule origine son état de santé et la dégradation de ses conditions de travail imputable à l'employeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2017, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable pour défaut de motivation ;

- les moyens soulevés par la SAS Hydrotech Provence ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B...représentant la SAS Hydrotech Provence, et de Me D..., substituant MeE..., représentant M. C....

1. Considérant que, par une décision du 5 août 2014, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône a refusé d'autoriser la SAS Hydrotech Provence à licencier, pour motif disciplinaire, M. C..., tourneur expérimenté au sein d'un atelier de fabrication et de réparation de vérins hydrauliques et ayant la qualité de délégué du personnel ; que la société a formé le 2 septembre 2014 un recours hiérarchique, rejeté implicitement par le ministre chargé du travail ; que la SAS Hydrotech Provence relève appel du jugement du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail :

2. Considérant que, par une requête de trente et une pages, qui comprend l'exposé de nombreux moyens et critique le jugement du 14 juin 2016 du tribunal administratif de Marseille, la SAS Hydrotech Provence demande l'annulation de ce jugement, de la décision du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ; que cette requête est suffisamment motivée ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail ne peut qu'être écartée ;

Sur la légalité des décisions contestées :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande présentée par la SAS Hydrotech Provence, l'inspectrice du travail s'est fondée sur la seule circonstance que le délai de dix-sept jours entre la mise à pied de M. C... et la saisine de l'administration était excessif et de nature à vicier substantiellement la procédure ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué du personnel (...) est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie. / (...) / Excepté dans le cas de mise à pied, la demande est transmise dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise. / (...) " et qu'en vertu de l'article R. 2421-14 de ce code : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail, " l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable " ; qu'en vertu de l'article R. 2421-8 du même code, cet entretien doit précéder la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 12 Avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, désormais codifié à l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi postal, le cachet de la poste faisant foi, ou d'un envoi par voie électronique (...) " ;

6. Considérant que les délais, fixés par l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement ; que toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter ; que pour le décompte de ce délai, il y a lieu de retenir la date d'envoi de la demande, telle qu'elle ressort du pli postal, le cachet de la poste faisant foi ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... a été mis à pied à titre conservatoire par une décision du 6 juin 2014 réceptionnée le lendemain par l'intéressé, et convoqué pour un entretien préalable fixé au mardi 17 juin 2014 ; que son employeur a sollicité l'autorisation de le licencier par un courrier adressé le 20 juin 2014, qui a été reçu par les services de l'administration du travail le 23 juin 2014 ; que la demande a ainsi été présentée quatorze jours et non pas dix-sept jours après la date à laquelle l'intéressé a été mis à pied ; que, la SAS Hydrotech Provence n'ayant pas de comité d'entreprise, la durée de ce délai a ainsi dépassé celui de huit jours prévu par les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail citées au point 4 ; que, toutefois, le délai légal, qui comprenait un week-end et un jour férié, expirait un samedi ; que compte tenu de la nécessité pour l'employeur de mener à bien les investigations sur les faits reprochés à M. C... portant sur une rixe survenue dans l'atelier n° 1 et de se déterminer sur la nécessité d'engager une procédure de licenciement à son encontre, alors que le dirigeant de l'entreprise était absent au moment des faits, que les éléments qui lui étaient communiqués étaient contradictoires et que les deux protagonistes de cette rixe n'étaient pas présents au sein de l'entreprise au cours de cette période d'investigation car placés en arrêt de travail, le délai de saisine de l'inspecteur du travail n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, revêtu une durée excessive entachant d'irrégularité la procédure suivie par l'employeur ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour de se prononcer sur la demande de substitution de motif invoquée en première instance par le ministre chargé du travail et dont elle se trouve saisie par l'effet dévolutif de l'appel ;

9. Considérant que, comme il a été dit au point 3, l'inspectrice du travail s'est fondée pour prendre la décision contestée sur le motif unique tiré de ce que le délai qui avait couru entre la mise à pied de M. C... et la saisine de l'administration était excessif ; que, toutefois, devant le juge de première instance, le ministre chargé du travail soutenait en outre que si le tribunal estimait ce motif erroné, cette décision était légalement fondée, à la date à laquelle elle avait été prise, pour un autre motif tenant au " défaut de matérialité des faits ; défaut de gravité suffisante des faits " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les griefs retenus à l'encontre de M. C..., auteur de graves violences physiques survenues le 5 juin 2014 à l'encontre de M. G..., le blessant à la tête alors que celui-ci cherchait à s'interposer au cours d'une rixe opposant l'intimé à un autre collègue de travail, M.A..., ne sont pas entachés d'inexactitude matérielle ; que ces violences, dont au demeurant M. C... reconnaît être l'auteur, alors même qu'il présentait un handicap à la suite d'un accident du travail survenu en 2011 le privant d'un usage normal de son genou droit et que cette rixe trouverait son origine dans des propos désobligeants tenus par M. A...à son égard, étaient constitutives d'une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement de l'intéressé ; que, par suite, la substitution de motif ainsi sollicitée ne peut être accueillie ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Hydrotech Provence est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision précitée du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler également la décision du ministre chargé du travail qui s'est borné à rejeter implicitement le recours hiérarchique de la société requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Hydrotech Provence qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Hydrotech Provence au titre de ces mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 juin 2016, la décision du 5 août 2014 de l'inspectrice du travail de l'unité territoriale des Bouches-du-Rhône et la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique de la SAS Hydrotech Provence contre cette décision sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS Hydrotech Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Hydrotech Provence, à M. F... C... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2017.

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N° 16MA03332

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03332
Date de la décision : 13/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Procédure préalable à l'autorisation administrative.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : MAIRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-13;16ma03332 ?
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