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13/10/2017 | FRANCE | N°16MA01963

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 octobre 2017, 16MA01963


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de l'Hérault a autorisé la société Or System à le licencier pour motif économique ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1400265 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a fait

droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 juin 2013 par laquelle l'inspectrice du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de l'Hérault a autorisé la société Or System à le licencier pour motif économique ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision.

Par un jugement n° 1400265 du 29 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 mai 2016, le 31 août 2016, le 25 août 2017 et le 19 septembre 2017, la société Or System, représentée par la SELAS Jacques Barthelemy et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a exercé un contrôle sur les choix de gestion de l'employeur ;

- elle justifie de l'existence de difficultés économiques importantes et durables mettant en péril sa survie même ;

- elle a procédé à une recherche loyale et sérieuse des possibilités de reclassement du salarié ;

- les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 juillet 2016, le 24 juillet 2017 et le 13 septembre 2017, M.B..., représenté par la SELARL Carpentier, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge de la société Or System la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Or System ne lui a pas communiqué les pièces jointes à sa requête d'appel en méconnaissance du contradictoire et du droit à un procès équitable ;

- la décision implicite de rejet du ministre chargé du travail souffre d'un défaut de motivation ;

- les difficultés économiques alléguées ne sont pas établies ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;

- les autres moyens soulevés par la société Or System ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Or System.

1. Considérant que M.B..., employé par la société Or System en qualité " d'ingénieur avant vente ", candidat aux fonctions de délégué du personnel, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique ; que, par une décision du 28 juin 2013, l'inspectrice du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de l'Hérault a accordé à la société Or System l'autorisation de licencier M. B...pour ce motif ; que l'intéressé a formé le 17 juillet 2013 un recours hiérarchique, rejeté implicitement par le ministre chargé du travail ; que la société Or System relève appel du jugement du 29 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, sur demande de M.B..., a annulé ces décisions de l'inspectrice du travail et du ministre ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, que selon l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques (...)" ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des dispositions des articles L. 2411-6 et L. 2411-7 du code du travail, les salariés qui ont demandé à leur employeur d'organiser des élections de délégués du personnel et ceux qui sont candidats à ces élections bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec l'organisation des élections professionnelles, la candidature aux fonctions représentatives ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'y assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

4. Considérant que pour demander le 6 juin 2013 l'autorisation de licencier pour motif économique M. B..., la société Or System, spécialisée dans l'édition et la commercialisation de progiciels financiers auprès des banques et institutions financières, s'est fondée sur une baisse de son résultat de gestion à la fin du second semestre 2012, négatif de 161 141 euros, en lien avec une baisse de son chiffre d'affaires, ainsi que sur des pertes estimées à 284 000 euros à la clôture de l'exercice 2013 ;

5. Considérant qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si la société requérante a enregistré, à la clôture de l'exercice 2013, le 30 juin de l'année, une baisse de son chiffre d'affaires par rapport à celui constaté à la clôture de l'exercice 2012, cette diminution de 4,1 % demeurait limitée ; que si elle a réalisé un résultat net déficitaire de 99 222 euros au titre de l'exercice clos en 2013, à rapprocher d'un résultat positif de 156 876 euros à la clôture de l'exercice 2012, et si ce déficit représentait environ 7 % de son chiffre d'affaires net annuel qui s'établissait à 1 389 393 euros, cette situation résultait essentiellement de la charge financière supportée par la société au titre des indemnités de licenciement et des dotations exceptionnelles aux amortissements et provisions relatives à sa filiale brésilienne inscrites sur ce seul exercice ; qu'en faisant abstraction de ces charges exceptionnelles, son résultat d'exploitation 2013 serait demeuré positif ; que si le plan de trésorerie joint à sa demande, faisant apparaître l'échéancier des encaissements et des décaissements, présentait un solde négatif de 29 418 euros à la date du 31 décembre 2013, cet élément conjoncturel et prévisionnel ne suffisait pas à lui seul à établir l'existence de difficultés économiques suffisamment sérieuses ; que si la société faisait également état dans sa demande d'éléments susceptibles de fragiliser son développement au cours des exercices suivants liés, d'une part, à la santé de son dirigeant et, d'autre part, aux changements politiques survenus au Maghreb, notamment en Tunisie, il ressort des pièces du dossier que l'accident dont a été victime son président-directeur général au cours du second semestre de l'année 2012 n'a pas fait obstacle à la reprise et à la poursuite de ses activités de direction à partir du début de l'année 2013 et que les risques allégués en Tunisie ne reposaient sur aucun élément circonstancié ; qu'au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la société a poursuivi son développement dans ce pays en 2013, comme l'illustre le développement de ses relations commerciales avec la banque Attijari Bank Tunisie au cours de cette même période ; qu'enfin, la circonstance alléguée que la société Or System a enregistré dans ses comptes une trésorerie négative de 78 000 euros au 31 décembre 2013 ne permet pas d'établir qu'à la date à laquelle il a été autorisé, le 28 juin 2013, le licenciement était justifié ; que, par suite, c'est à tort que pour accorder l'autorisation de licencier M. B..., l'inspectrice du travail a estimé que les résultats comptables de la société traduisaient des difficultés économiques telles que la situation de l'entreprise et le souci de ne pas compromettre sa pérennité justifiaient le licenciement du salarié ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Or System n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 28 juin 2013 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B... ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant le recours hiérarchique de l'intéressé contre cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société Or System au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme demandée par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E

Article 1er : La requête de la société Or System est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Or System et à M. A... B....

Copie en sera adressée à la ministre du travail

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2017.

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N° 16MA01963

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01963
Date de la décision : 13/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Bénéfice de la protection.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-13;16ma01963 ?
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