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12/10/2017 | FRANCE | N°16MA00898

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 12 octobre 2017, 16MA00898


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé sa remise aux autorités tchèques et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1504968 du 18 septembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2016, M. D..., représent

é par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé sa remise aux autorités tchèques et a ordonné son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1504968 du 18 septembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mars 2016, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 18 septembre 2015 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé sa remise aux autorités tchèques et a ordonné son placement en rétention administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, celui-ci renonçant au versement de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier est irrégulier car il omet de répondre, en premier lieu, à la branche du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 et relative au fait que les brochures A et B doivent être remises avant l'entretien individuel et dans une langue que comprend l'intéressé, en deuxième lieu, au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 31 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en l'absence d'information des autorités tchèques sur les traitements médicaux dont il a besoin et, en troisième lieu, au moyen tiré de l'erreur de fait dont est entaché le motif de la décision de placement en rétention selon lequel il n'aurait aucun document d'identité ;

- il ne statue pas de manière suffisante sur ces trois moyens ;

- la décision de remise aux autorités tchèques a été signée par une personne incompétente ;

- elle méconnaît tant l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 que le dernier alinéa de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît tant l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 que le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- elle méconnaît l'article 31 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant placement en rétention est insuffisamment motivée, tant en droit qu'en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de fait, un des motifs du préfet de l'Hérault étant inexact matériellement dès lors qu'il produit la copie d'un passeport en cours de validité ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il dispose d'un hébergement stable.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il n'y a pas lieu de statuer sur la requête, M. D... étant retourné en Géorgie et vivant à présent sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour, valable du 21 juillet 2016 au 20 juillet 2017, et ayant demandé le 6 janvier 2016 un titre de séjour auprès du préfet de la Sarthe en qualité de conjoint de Français ;

- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- et les observations de Me A..., représentant M.D....

1. Considérant que M. D..., ressortissant géorgien né le 8 juillet 1986, interjette appel du jugement du 18 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé sa remise aux autorités tchèques et a ordonné son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le préfet de l'Hérault :

2. Considérant que la validité du visa de long séjour dont bénéficie M. D... a expiré le 21 juillet 2017 ; qu'aucun élément du dossier n'établit que le préfet de la Sarthe aurait délivré un titre de séjour à M. D... à la suite de la demande que celui-ci aurait présentée ; qu'en tout état de cause, les décisions en litige ont été exécutées ; que, par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de l'Hérault doit être rejetée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demande que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application du règlement, et en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comporter l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ;

5. Considérant qu'il est constant que les brochures A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " ont été remises à M. D... respectivement le 15 juin 2015 et le 23 juin 2015 ; que le préfet de l'Hérault n'établit pas que M. D...aurait eu connaissance de cette seconde brochure avant la décision, intervenue le même jour, portant refus d'admission au séjour prise sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, M. D... est fondé à soutenir que les dispositions précitées ont été méconnues ; qu'en l'espèce, ce vice de procédure a privé M. D...d'une garantie ; qu'il suit de là que l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé sa remise aux autorités tchèques est entaché d'illégalité ainsi, par voie de conséquence, que l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeC..., conseil de M.D..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me C...renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 18 septembre 2015 et les arrêtés du 15 septembre 2015 par lesquels le préfet de l'Hérault a décidé la remise de M. D...aux autorités tchèques et a ordonné son placement en rétention administrative, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à MeC..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me E... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 octobre 2017.

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kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00898
Date de la décision : 12/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-12;16ma00898 ?
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