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09/10/2017 | FRANCE | N°16MA02490

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2017, 16MA02490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner les sociétés GL Ingénierie et BET Babet à lui verser la somme de 117 265,55 euros hors taxes majorée des intérêts moratoires en réparation des préjudices subis dans l'exécution du marché de travaux publics passé en vue de la construction d'un immeuble d'habitation avenue Claude Gimelle à Nice.

Par un jugement n° 1400727 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a :

- rejet

é la demande de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat ;

- mis les frais d'expe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner les sociétés GL Ingénierie et BET Babet à lui verser la somme de 117 265,55 euros hors taxes majorée des intérêts moratoires en réparation des préjudices subis dans l'exécution du marché de travaux publics passé en vue de la construction d'un immeuble d'habitation avenue Claude Gimelle à Nice.

Par un jugement n° 1400727 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a :

- rejeté la demande de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat ;

- mis les frais d'expertise d'un montant de 23 054,95 euros TTC à la charge solidaire de l'office ;

- rejeté les conclusions d'appel en garantie formulées par la société GL Ingénierie contre la société BET Babet comme portées devant une juridiction incompétente.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 juin 2016 et 11 janvier 2017, l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 avril 2016 ;

2°) de condamner solidairement la société GL Ingénierie et le BET Babet à lui verser la somme de 117 256,55 euros toutes taxes comprises ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge solidaire des sociétés GL Ingénierie et BET Babet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner la société BET Babet aux entiers dépens comprenant les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la société Miraglia n'a pas réalisé des travaux supplémentaires ;

- le BET Babet a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle en sous-évaluant les quantités de béton et d'acier nécessaires à la construction de l'ouvrage ;

- la société GL Ingénierie a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle en s'abstenant de surveiller les quantités de matériaux mises en oeuvre sur le chantier ;

- le surcoût exposé au titre des matériaux est la conséquence directe de ces fautes

et l'erreur d'évaluation affectant les quantités de matériaux n'a été connue que postérieurement à l'attribution du marché ;

- la circonstance que le marché conclu avec la société Miraglia a été conclu à prix global et forfaitaire est sans incidence sur le lien de causalité ou la consistance du préjudice ;

- le préjudice subi résulte également de l'obligation de supporter un surcoût sans pouvoir organiser une mise en concurrence sur la base du coût réel de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2016, la société GL Ingénierie, représentée par Me D..., conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la société BET Babet à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître d'ouvrage et l'entrepreneur étaient informés, avant la signature du marché de travaux, des erreurs affectant les quantités d'acier et de béton nécessaires ;

- l'erreur dans la sous-estimation des quantités n'est dès lors pas la cause du préjudice invoqué par l'office ;

- les quantités supplémentaires de béton et d'acier mises en oeuvre étant nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage dans les règles de l'art, le maître d'ouvrage n'a subi aucun préjudice en réglant leur prix ;

- seule la responsabilité de la société BET Babet est engagée et il n'existe aucun lien de causalité entre les fautes qu'elle aurait commises et le préjudice invoqué par l'office.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2017, la société BET Babet, représentée par Me E..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que les conclusions d'appel en garantie présentées à son encontre soient rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions présentées par l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat à son encontre ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'il n'existe aucun lien contractuel entre l'office et elle-même ;

- les conclusions formulées à son encontre par la société GL Ingénierie ne relèvent pas davantage de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'elles sont liées par un contrat de droit privé ;

- les quantités supplémentaires de béton et d'acier mises en oeuvre étaient nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- le maître d'ouvrage et l'entreprise étaient informés avant la signature du marché de travaux des erreurs affectant les quantités d'acier et de béton nécessaires ;

- le surcoût ne constitue dès lors pas un préjudice indemnisable ;

- en tout état de cause, l'office ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre le paiement de la somme de 117 256,55 euros qu'il réclame et les fautes de la maîtrise d'oeuvre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat et de Me B... pour la société BET Babet.

1. Considérant que par un acte d'engagement signé le 16 juin 2004, l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat a confié à la société Miraglia la réalisation des travaux du lot n°1 " gros oeuvre-voirie et réseaux divers " du chantier de construction d'un immeuble d'habitation situé avenue Claude Gimelle à Nice ; qu'à l'occasion de l'établissement du décompte du marché, la société Miraglia a réclamé un surcroît de rémunération découlant de l'augmentation des quantités d'acier et de béton mises en oeuvre ; qu'ayant été condamné à verser une provision à l'entreprise sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 24 novembre 2008 confirmée par une ordonnance du président de la 6ème chambre de la Cour n°08MA04950 du 8 juin 2010, l'office a saisi le tribunal d'une demande tendant à la condamnation de la société GL Ingénierie, maître d'oeuvre, et de son sous-traitant, la société BET Babet, bureau d'étude technique, à lui verser la somme de 117 256,55 euros toutes taxes comprises en réparation de ce préjudice, imputable selon lui à des fautes de ces deux intervenants ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la construction par l'office de l'ouvrage en cause a constitué une opération de travaux publics ; que la société BET Babet a participé à l'exécution des travaux en qualité de sous-traitant de la société GL Ingénierie ; que l'office n'est pas lié à la société BET Babet par un contrat de droit privé ; que la juridiction administrative est, dès lors, seule compétente pour connaître de l'action en responsabilité quasi-délictuelle introduite par le maître de l'ouvrage contre le sous-traitant ; qu'il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat dirigées contre la société BET Babet ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Nice, que la société GL Ingénierie et la société BET Babet ont sous-estimé, lors de la définition du projet, les quantités de béton et d'acier à mettre en oeuvre pour sa réalisation dans les règles de l'art ; qu'il résulte également du rapport de l'expert que le surcoût subi par la société Miraglia au cours de la réalisation des travaux du fait de l'accroissement de la masse des matériaux nécessaires s'est élevé à 117 256,55 euros toutes taxes comprises ; que, toutefois, il résulte également de l'instruction que ces matériaux supplémentaires étaient nécessaires à la solidité de l'ouvrage et à son achèvement dans les règles de l'art, compte tenu notamment, selon l'expert, de la complexité du projet, de la nature du terrain et de l'implantation du bâtiment en zone de risque sismique ; qu'il s'ensuit que le renchérissement de la construction, qui découle non de la faute du maître d'oeuvre, mais des seules nécessités constructives du site, aurait dû en tout état de cause être supporté par l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat, maître d'ouvrage, et ne constitue dès lors pas en lui-même un préjudice indemnisable ;

4. Considérant par ailleurs que si l'office soutient que la prise en compte de ce surcoût dès la passation des marchés de travaux aurait permis aux entreprises soumissionnaires de formuler des offres de prix global et forfaitaire incluant ces travaux pour un prix moindre que celui dont il s'est acquitté auprès de la société Miraglia lors de la liquidation de son marché, il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a été informé au cours d'une réunion de mise au point du marché de la société Miraglia, tenue le 17 mars 2003, que les éléments concernant les murets périphériques et les murs de soutènement n'avaient pas été chiffrés lors de la remise de son offre, que les quantitatifs établis par l'ingénieur béton concernant les coffrages étaient faux et qu'à défaut de mesures d'économie permettant le maintien de l'offre de la société Miraglia, une nouvelle consultation serait nécessaire ; que le marché a toutefois été conclu le 16 juin 2004 avec la société Miraglia sans que soit intervenue une nouvelle mise en concurrence ; qu'il s'ensuit que le préjudice éventuel découlant de l'absence d'une procédure de passation intégrant ces coûts supplémentaires ne découle pas davantage des erreurs d'estimation commises par le maître d'oeuvre mais résulte du seul fait du maître de l'ouvrage ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société BET Babet, que l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société GL Ingénierie et de la société Babet à l'indemniser du surcoût de l'opération en cause ;

Sur les dépens :

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

7. Considérant que les dispositions de l'article R. 761-1 s'opposent à ce que la charge définitive des dépens, lesquels se limitent aux frais de l'expertise ordonnée par le tribunal, soit attribuée à la société BET Babet qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu de laisser les dépens, taxés et liquidés à la somme de 23 054,95 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 30 mai 2012, à la charge définitive de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat, ainsi que l'ont décidé les premiers juges ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 s'opposent à ce que la somme demandée par Côte d'Azur Habitat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge des sociétés GL Ingénierie et BET Babet, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat le versement d'une somme de 1 000 euros à la société BET Babet, d'une part, et à la société GL Ingénierie, d'autre part, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat est rejetée.

Article 2 : L'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat versera une somme de 1 000 euros à la société BET Babet, d'une part, et à la société GL Ingénierie, d'autre part, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat Côte d'Azur Habitat, à la société BET Babet et à la société GL Ingénierie.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2017, où siégeaient :

- Mme Isabelle Carthé Mazères, président,

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. F... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2017.

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N° 16MA02490


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