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02/10/2017 | FRANCE | N°15MA02024

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 02 octobre 2017, 15MA02024


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) Boureti et Colomblancs a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté n° 2012-2377 du 29 novembre 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré cessibles, au profit de la commune de Cruis, les immeubles nécessaires à l'aménagement d'une aire de stationnement sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1302269 du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande du GFA Boureti et Colomblancs.
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Par une requête, enregistrée le 20 mai 2015, le GFA Bour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) Boureti et Colomblancs a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté n° 2012-2377 du 29 novembre 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré cessibles, au profit de la commune de Cruis, les immeubles nécessaires à l'aménagement d'une aire de stationnement sur le territoire communal.

Par un jugement n° 1302269 du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande du GFA Boureti et Colomblancs.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2015, le GFA Boureti et Colomblancs, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302269 du 9 mars 2015 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 29 novembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Cruis la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que Mme B...veuve A...a méconnu les dispositions des articles 1852 du code civil et 14 des statuts du GFA ;

- la commune de Cruis ne justifie pas d'une délibération, expressément motivée et précise, autorisant le maire à conclure une procédure amiable en arrêtant les termes d'un accord et à engager le cas échéant la procédure de déclaration d'utilité publique et d'expropriation de la parcelle E 329 ;

- l'avis du commissaire enquêteur n'est pas suffisamment motivé et comporte des erreurs ;

- l'expropriant ne lui a pas notifié individuellement le dépôt du dossier en mairie ;

- la notification aux quatre associés du groupement ne saurait répondre à l'exigence des dispositions de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dès lors que le GFA est une société immatriculée, dotée de la personnalité morale ;

- l'arrêté du préfet en litige ainsi que l'avis au public du 2 avril 2010 ne font référence qu'au projet d'aménagement d'une aire de stationnement communal et non au projet de création d'une aire pour le tri sélectif, ni à l'objectif de sécurisation du ramassage scolaire ou encore au projet de création d'une aire d'accueil de manifestations culturelles ;

- il en est de même de la notification du dépôt du dossier à la mairie ;

- l'arrêté préfectoral n° 2010-2365 du 6 décembre 2010 portant déclaration d'utilité publique est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'emprise du projet est insuffisamment précise ;

- le bilan coût - avantage du projet est défavorable ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2016, la commune de Cruis conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du GFA appelant la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, d'une part, parce qu'il n'est pas établi que le représentant légal du GFA ait été habilité par une décision de ses associés et, d'autre part, en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par le GFA appelant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors que Mme B...veuve A...a méconnu les dispositions des articles 1852 du code civil et 14 des statuts du GFA ;

- les moyens soulevés par le GFA appelant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que le GFA Boureti et Colomblancs relève appel du jugement rendu le 9 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 2012-2377 en date du 29 novembre 2012 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a déclaré cessibles, au bénéfice de la commune de Cruis, les propriétés désignées dont l'acquisition est nécessaire à l'aménagement d'une aire de stationnement communal ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que le GFA appelant doit être regardé comme excipant, d'une part, des moyens propres dirigés contre l'arrêté de cessibilité et, d'autre part, de l'illégalité, par la voie de l'exception, de l'arrêté préfectoral n° 2010-2365 du 6 décembre 2010 portant déclaration d'utilité publique d'un projet d'acquisition d'immeubles en vue de l'aménagement d'une aire de stationnement communal sur le territoire de la commune de Cruis ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à l'autorité expropriante, avant d'engager une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, de tenter d'obtenir des propriétaires concernés la cession amiable de leur bien ; que, lorsque l'autorité expropriante décide d'engager une telle négociation, il lui reste possible à tout moment de poursuivre la procédure d'expropriation dans les formes édictées par la loi ; que le moyen tiré de ce que la commune de Cruis ne justifie pas d'une délibération, expressément motivée et précise, autorisant le maire à conclure une procédure amiable en arrêtant les termes d'un accord et à engager, le cas échéant, la procédure de déclaration d'utilité publique et d'expropriation de la parcelle E 329 doit être écarté ; qu'en tout état de cause, par une délibération du 28 janvier 2009, le conseil municipal de la commune de Cruis a autorisé le maire à engager une procédure amiable en vue de l'acquisition de la parcelle E 329 et a autorisé ce dernier, le cas échéant, à recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique concernant cette parcelle ; que comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la circonstance selon laquelle le maire aurait, dès avant cette délibération, engagé une telle procédure amiable sans y avoir été formellement autorisé par une délibération antérieure, ou encore le fait qu'aucune discussion n'a eu lieu postérieurement à cette délibération, demeure sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 6 décembre 2010 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, et contrairement à ce qui est allégué, que les informations livrées par l'arrêté d'ouverture de l'enquête préalable et l'avis d'enquête publique remplissent les exigences prévues par les dispositions applicables contenues aux articles R. 11-14-5 et 7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en mentionnant en particulier l'objet de l'enquête ; que la circonstance que ces documents ne détaillent pas les répercussions futures de l'opération n'est pas de nature, en l'espèce, à entacher d'illégalité l'arrêté en litige, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les précisions manquantes aient été susceptibles d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou auraient privé les intéressés d'une garantie ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le commissaire enquêteur a suffisamment apprécié les avantages et inconvénients de l'opération et a également rendu un avis personnel et suffisamment circonstancié sur l'utilité publique du projet ; que la circonstance, à la supposer établie, que l'avis du commissaire enquêteur serait entaché d'erreurs de fait ou de droit quant à la portée de ces propositions est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie ;

6. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; qu'en l'espèce, le projet d'aménagement d'une aire de stationnement sur la partie Ouest du village de Cruis est destiné à remédier aux perturbations, au sein du village, liées à l'afflux massif de visiteurs lors d'événements exceptionnels et récurrents tels que la fête départementale annuelle de la musique, à améliorer la sécurité d'une aire de tri sélectif et d'un point de ramassage scolaire et, enfin, à installer un point de vidange des eaux usées pour les camping-cars ; que l'aménagement de l'aire de stationnement permettra également l'accueil de manifestations culturelles autres que la fête départementale de la musique, le projet prévoyant, à cette fin, l'installation, sur une fraction de 3000 m², non revêtue, du terrain recouvert de tout-venant naturel, d'un coffret forain ainsi que d'un point d'eau raccordé au réseau d'eau potable ; qu'il s'ensuit, et alors que le détournement de pouvoir allégué a été, à bon droit, écarté par le tribunal, que l'opération en litige présente un caractère d'intérêt général ; qu'enfin, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par les premiers juges à juste titre d'écarter les moyens, repris par le GFA sans précisions nouvelles suffisantes, portant sur la nécessité de l'expropriation et sur le bilan de l'opération ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique ne peut être que rejetée ;

En ce qui concerne les vices propres de l'arrêté de cessibilité du 29 novembre 2012 en litige en tant qu'il déclare cessible l'immeuble appartenant au GFA appelant :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics (...) " ; qu'il est constant que la commune de Cruis a notifié le dépôt du dossier à la mairie à la gérante du GFA Boureti et Colomblancs, ainsi qu'aux trois associés du groupement ; que, par suite, la circonstance selon laquelle cette notification n'aurait pas été faite au groupement lui-même est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la notification individuelle du dépôt en mairie du dossier d'enquête parcellaire prescrite par les dispositions de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a pour objet de permettre aux propriétaires concernés de s'exprimer au cours de l'enquête, et notamment de faire rectifier les inexactitudes qui entacheraient la liste des parcelles, leurs contenance et références, ou l'identification des titulaires de droits réels et non d'apporter des précisions sur l'enquête publique ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'enquête parcellaire ne comportait pas les objectifs de l'opération d'expropriation ne peut être accueilli ;

10. Considérant, en troisième et dernier lieu, que le moyen tiré de ce que l'implantation réelle du projet sur le terrain visé par l'opération serait mal définie n'est pas davantage établi en cause d'appel et ne peut être qu'écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête que le GFA appelant n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les dépens :

12. Considérant que la présente instance n'a généré aucun dépens ; que par suite, les conclusions présentées sur ce point par le GFA appelant doivent, en tout état de cause, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cruis, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que le GFA appelant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

15. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du GFA Boureti et Colomblancs une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cruis et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du groupement foncier agricole Boureti et Colomblancs est rejetée.

Article 2 : Le groupement foncier agricole Boureti et Colomblancs versera à la commune de Cruis une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement foncier agricole Boureti et Colomblancs, au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la commune de Cruis.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

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N° 15MA02024


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02024
Date de la décision : 02/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Arrêté de cessibilité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : MÖLLER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-02;15ma02024 ?
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