Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 12 novembre 2014 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse.
Par un jugement n° 1500702 du 24 février 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, M. D..., représenté par Me A... B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 février 2016 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler la décision du 12 novembre 2014 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" dans le délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande.
Il soutient que :
- l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à sa situation s'agissant d'une première demande ;
- l'article L. 411-1 du même code n'exige aucun délai pour déposer une demande de regroupement familial au bénéfice de son conjoint ;
- la communauté de vie entre les conjoints ne conditionne pas la validité d'une première demande de regroupement familial d'un époux au bénéfice de l'autre ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il pouvait bénéficier de la procédure de regroupement familial " sur place " en application de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il remplit les conditions de ressources prévues par l'article R. 411-4 de ce code.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D..., de nationalité tunisienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2024, a demandé, le 18 avril 2014, le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse ; que, par la décision en litige du 12 novembre 2014, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande ; que M. D... relève appel du jugement du 24 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ;
3. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes, pour rejeter la demande du requérant par la décision en litige, ne s'est fondé ni sur la circonstance que le requérant n'a formulé sa demande de regroupement familial en faveur de son épouse qu'en 2014, soit deux ans après le début du séjour de son épouse en Italie, ni sur une rupture de la communauté de vie entre les époux, mais a tenu compte de ces éléments de fait pour apprécier la réalité et l'intensité de la vie privée et familiale du requérant au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, les moyens tirés de ce que le préfet aurait fait une application erronée, d'une part, de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en exigeant à tort un délai pour qu'il dépose sa demande de regroupement familial et, d'autre part, de l'article L. 431-2 du même code, qui prévoit le retrait ou le non renouvellement du titre de séjour remis au conjoint d'un étranger au titre du regroupement familial en cas de rupture de la vie commune et qui est inapplicable à une première demande de regroupement familial, sont inopérants et doivent être écartés ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...). "
5. Considérant que le requérant a épousé le 25 décembre 2009 en Tunisie une ressortissante tunisienne ; qu'il a déclaré que son épouse résidait en Italie sous couvert d'une carte de séjour délivrée par les autorités italiennes depuis 2012 ; que, s'il soutient que cette carte de séjour a permis à son épouse à compter de 2012 de se rendre aisément en France pour séjourner "pour des périodes continues" auprès de lui, il ne ressort pas des pièces du dossier que le couple entretiendrait des relations anciennes, intenses et stables ; que, d'ailleurs, le requérant n'a demandé le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse qu'en 2014 ; que le couple n'a pas d'enfants ; que la circonstance que le couple envisage d'adopter un enfant et que la santé du requérant exigerait la présence de son épouse à ses côtés pour accomplir les actes de la vie quotidienne est postérieure à la décision en litige et est ainsi sans incidence sur sa légalité ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le bénéfice du regroupement familial doivent être écartés ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exclu du regroupement familial : / (...) 3° Un membre de la famille résidant en France. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-6 de ce code : " Le bénéfice du regroupement familial ne peut être refusé à un ou plusieurs membres de la famille résidant sur le territoire français dans le cas où l'étranger qui réside régulièrement en France dans les conditions prévues aux articles R. 411-1 et R. 411-2 contracte mariage avec une personne de nationalité étrangère régulièrement autorisée à séjourner sur le territoire national sous couvert d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an. Le bénéfice du droit au regroupement familial est alors accordé sans recours à la procédure d'introduction (...). " ; que la procédure dérogatoire prévue à l'article R. 411-6 précité est réservée à l'étranger qui a vocation à bénéficier du regroupement familial demandé par son conjoint et qui a contracté un mariage sur le territoire national alors qu'il y réside déjà régulièrement ;
7. Considérant que l'épouse du requérant n'a pas contracté mariage sur le territoire national et n'est pas titulaire d'une carte de séjour temporaire d'une durée de validité d'un an lui permettant de prétendre au bénéfice du regroupement familial prévu par les dispositions précitées de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions ;
8. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 de ce code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...)" ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande ;
9. Considérant que pour refuser à M. D... le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse, le préfet des Alpes-Maritimes a considéré qu'il ne remplissait pas les conditions de ressources prévues par les dispositions précitées ; que les pièces produites par M. D... et notamment des relevés de situation de Pôle Emploi au 31 juillet 2013, du 1er septembre 2013, du 12 novembre 2013 et du 29 décembre 2013 mentionnant une aide au retour à l'emploi d'un montant de 1 013,70 euros par mois et du 29 novembre 2013 mentionnant une telle aide pour un montant de 981 euros mensuels ne permettent pas d'établir que la moyenne de ses ressources en 2013 était suffisante, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance fixée pour l'année 2013 à une moyenne mensuelle nette de 1 121,71 euros, pour assurer un revenu stable et suffisant au requérant au sens de l'article R. 411-4 de ce code ; que le requérant, sans emploi, ne fait pas valoir une évolution positive de ses ressources depuis l'année 2013 ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article en refusant pour ce motif de faire droit à la demande de regroupement familial de M. D... ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.
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N° 16MA03201