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13/07/2017 | FRANCE | N°16MA02300

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 16MA02300


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... épouse D...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506245 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D... et retiré la décision du 27 octobre 2015 admettant l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle t

otale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... épouse D...F...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1506245 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D... et retiré la décision du 27 octobre 2015 admettant l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin 2016 et le 1er septembre 2016, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mars 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 15 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le délai de deux mois, sous la même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 2 000 euros à MeA..., qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la dispense d'instruction est irrégulière ;

- le retrait de l'aide juridictionnelle est injustifié ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;

- le préfet, qui n'a pas statué sur sa demande principale, n'a pas procédé à un examen réel et complet de son droit au séjour ;

- le refus de séjour porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale, en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour ce motif, il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle et sur les conséquences de la décision ;

- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant l'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- cette mesure n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'administration a manifestement apprécié de façon erronée les conséquences de la mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- et les observations de MeB..., représentant MmeD....

1. Considérant que, par jugement du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier a, par l'article 1er, rejeté la demande de Mme D..., de nationalité malgache, tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2015 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et, par l'article 2, retiré la décision du 27 octobre 2015 admettant l'intéressée au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que Mme D... relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-8 du code de justice administrative : " Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président de la formation de jugement (...) peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction " ;

3. Considérant que la circonstance que le président de la formation de jugement a fait application de cette disposition en dispensant d'instruction la demande formée par Mme D... n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à son égard et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par elle ; que l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité du refus de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des termes mêmes de la décision contestée que le préfet s'est estimé saisi d'une demande d'admission au séjour en qualité de salarié, en date du 8 juillet 2015 ; que Mme D... ne justifie ni de l'envoi, ni de la remise aux services préfectoraux d'une lettre du 29 juin 2015 relative à une demande de titre de séjour présentée à titre principal sur le fondement de la vie privée et familiale et à titre subsidiaire en qualité de salarié ; que le refus de séjour comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement au regard des termes de la demande présentée à l'administration ; qu'ainsi, elle satisfait aux exigences de motivation de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979, alors applicable ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, eu égard à ce qui a été dit au point précédent sur la nature du titre de séjour sollicité par Mme D..., il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation de l'intéressée ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant qu'il résulte des éléments versés au débat que Mme D..., née le 18 juillet 1950, est entrée sur le territoire français le 10 octobre 2011 et s'y est ensuite constamment maintenue ; que deux de ses filles disposent de la nationalité française ; qu'il en était de même de son père ; que son petit-fils Hasiniaina, avec lequel elle entretient des liens étroits, est également présent en France ; que, toutefois, si son mari travaille sur le territoire national, d'une part, il n'est pas allégué qu'il serait en situation régulière et, d'autre part, les époux sont séparés ; qu'il n'est pas établi que son fils séjournerait régulièrement en France à la date de la décision en litige ; que Mme D... n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-et-un ans et où réside une de ses filles ; que, dans ces conditions, alors même qu'elle maitriserait la langue française, qu'elle travaillerait depuis plus de deux ans et qu'elle serait soignée en France pour une pathologie cardiaque, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par le refus de séjour ; qu'ainsi, doit être écarté le moyen tiré de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que Mme D... justifie qu'elle travaille depuis 2013 en qualité de garde de nuit et d'assistance de vie et a suivi une formation dans ce domaine ; que, cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de cette circonstance et de ce qui a été dit au point précédent sur la vie privée et familiale de l'intéressée, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ;

9. Considérant, en cinquième et dernier lieu, que, dans l'ensemble des circonstances de l'espèce précédemment évoquées, le préfet n'a pas entaché le refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'examen de la situation personnelle de Mme D... ou d'une même erreur quant à la gravité des conséquences de sa décision ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une mesure d'éloignement n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle du refus de séjour dans lequel elle trouve sa base légale ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit en l'espèce être écarté ;

11. Considérant que, pour les mêmes motifs qu'en ce qui concerne le refus de séjour, le moyen tenant à ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et sérieux de la situation de l'intéressée ne peut être accueilli ; qu'il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme D... ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 15 septembre 2015 ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 51 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle " ;

14. Considérant, en tout état de cause, que Mme D...ne s'est pas bornée dans sa demande de première instance à réitérer une argumentation antérieurement écartée tant par le tribunal administratif de Montpellier que par la cour administrative d'appel de Marseille à l'occasion des recours qu'elle avait formés contre les précédents arrêtés du préfet de l'Hérault lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ; que la teneur de cette demande ne permettait pas de la regarder comme présentant un caractère abusif ; que, dans ces conditions, l'appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Montpellier lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle accordé par décision du 27 octobre 2015 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que les dispositions de ces articles font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 9 mars 2016 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse D...F..., au ministre de l'intérieur et à MeA....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,

- M. Chanon, premier conseiller,

- MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

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N° 16MA02300

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02300
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-13;16ma02300 ?
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