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13/07/2017 | FRANCE | N°15MA02914

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15MA02914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision du 7 décembre 2012 par laquelle le président de l'université de Nice Sophia-Antipolis a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et, d'autre part, les rejets implicites de ses recours des 15 décembre 2012 et 16 janvier 2013.

Par un jugement n° 1301266 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, en

registrés le 17 juillet 2015 et le 11 juillet 2016, Mme F..., représentée par Me B..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... F...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, d'une part, la décision du 7 décembre 2012 par laquelle le président de l'université de Nice Sophia-Antipolis a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle et, d'autre part, les rejets implicites de ses recours des 15 décembre 2012 et 16 janvier 2013.

Par un jugement n° 1301266 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 juillet 2015 et le 11 juillet 2016, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2015 ;

2°) d'annuler ces refus ;

3°) d'enjoindre à l'université de lui accorder la protection fonctionnelle ;

4°) de mettre à la charge de l'université la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa décision en s'abstenant de répondre aux moyens tirés de l'erreur de droit et de l'absence de faute personnelle ;

- le président de l'université n'était pas compétent pour prendre seul cette décision ;

- sa motivation est insuffisante ;

- le refus repose sur des faits matériellement inexacts car des attaques ont été portées contre elle dans l'exercice de ses fonctions ;

- les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ont été méconnues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2016, l'université de Nice Sophia-Antipolis, représentée par Me C... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 29 juillet 1881 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,

- les conclusions de M. Frédéric Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Mme F... et de Me D..., représentant l'université de Nice Sofia-Antipolis.

1. Considérant que Mme F..., maître de conférence à l'université de Nice Sophia-Antipolis, affectée à l'institut universitaire de technologie (IUT) de Nice a été nommée chef du département " Gestion des entreprises et administrations " à compter du 2 juillet 2010 ; que, le 7 décembre 2011, le président de l'université l'a suspendue provisoirement de sa responsabilité de chef de ce département et a ouvert une enquête administrative portant sur le versement indu de primes ; qu'au vu des conclusions de cette enquête, il a, dans un rapport confidentiel du 18 juin 2012 adressé au directeur de l'IUT, écarté l'engagement de poursuites disciplinaires et toute implication de Mme F... dans les erreurs d'attribution d'heures supplémentaires tout en relevant la nécessité d'un rappel des règles d'attribution des primes à l'intéressée, qui avait proposé à tort le versement à deux enseignantes de primes auxquelles elles ne pouvaient prétendre ; que le directeur de l'IUT de Nice a décidé pour sa part, le 26 juin 2012, de mettre un terme aux fonctions de chef du département de l'intéressée ; qu'il a informé les personnels du département de sa décision par un courrier reprenant la teneur du rapport du 18 juin 2012, et citant des extraits de deux rapports, l'un correspondant à une enquête administrative réalisée par le directeur des ressources humaines, daté 15 avril 2012, et l'autre, établi le 24 juin 2012, à la suite d'une médiation sur les relations interpersonnelles conflictuelles au sein du département, en annexant ces deux documents à son courriel ; que le conseil de l'IUT a émis, le 28 juin 2012, un avis favorable à la mise en place d'une procédure de désignation d'un nouveau chef de département ; que, le 22 octobre 2012, Mme F... a demandé au président de l'université de Nice Sophia-Antipolis de lui apporter sa protection fonctionnelle pour faire cesser les agressions dont elle était victime, la rétablir dans son honneur et financer l'avocat chargé de défendre ses droits dans le procès pénal en diffamation qu'elle avait décidé d'engager contre le directeur de l'IUT ; que, le 7 décembre 2012, le président de l'université de Nice Sophia-Antipolis, estimant avoir d'ores et déjà pris les mesures nécessaires, lui a refusé le bénéfice de la protection ainsi sollicitée ; que Mme F... relève appel du jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et des décisions de rejet de ses recours gracieux ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu tant aux moyens de légalité externe qu'aux moyens de légalité interne qui étaient invoqués devant eux ; que dès lors qu'ils ont jugé que les événements invoqués par Mme F... pour obtenir le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ne constituaient pas des menaces ou des attaques au sens de ces dispositions, ils ont pu, sans entacher leur décision d'une insuffisance de motivation, s'abstenir de se prononcer sur l'existence d'une faute exonératoire, qui ne fondait d'ailleurs pas le refus attaqué ; qu'ainsi Mme F... n'est pas fondée à critiquer la motivation de ce jugement ;

Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.(...) " ; que ces dispositions législatives établissent à la charge de l'Etat ou de la collectivité publique intéressée et au profit des fonctionnaires, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général ou en raison de l'existence d'une faute personnelle ;

4. Considérant que les faits pour lesquels Mme F..., maître de conférence à l'université de Nice Sophia-Antipolis, a sollicité le bénéfice des dispositions précitées, se sont produits à l'occasion de l'exercice de ses fonctions à l'IUT de Nice qui dépend de cette université ; que, par suite, Mme F... relève, pour l'application de ces dispositions, de l'université de Nice Sophia-Antipolis, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'elle est affectée à l'IUT rattaché à cette université et que le directeur de l'IUT ait eu la qualité d'ordonnateur ; qu'ainsi, il appartenait bien au président de l'université, auquel les dispositions de l'article L. 712-2 du code de l'éducation confèrent autorité sur l'ensemble des personnels de l'université et auquel elle s'était spontanément adressée, de statuer sur la demande de protection fonctionnelle formulée par l'intéressée ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

Sur la motivation :

5. Considérant qu'il y a lieu d'écarter le moyen, tiré par l'appelante de l'insuffisance de motivation du refus attaqué, par adoption des motifs retenus par le tribunal ;

Sur le bien-fondé du refus :

6. Considérant que selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse : " Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le rapport établi par le directeur des ressources humaines de l'université, le 15 avril 2012, annexé aux courriels diffusés aux membres du conseil de l'IUT contient notamment les phrases suivantes : " Madame F...a tenté de faire attribuer des sommes indûment en infraction avec l'article 22 des statuts de l'IUT qui définit le rôle du chef de département veillant " à l'utilisation des crédits et moyens affectés à son département pour remplir sa mission ". (...) Madame F...a bien tenté de faire attribuer des primes de responsabilités à Madame E...et Madame A...alors que ces dernières ne les exerçaient pas réellement. Cette tentative a avorté du fait de l'intervention du Directeur de l'IUT demandant à l'Université la suspension de paiement de ces primes. Néanmoins, l'intention coupable de Madame F...est établie. Les primes n'ont pas été versées du seul fait de l'intervention du Directeur. La tentative est caractérisée " ; que les éléments ainsi contenus dans ce rapport et exposant notamment que celle-ci a tenté de faire attribuer des primes indues à des enseignants de l'IUT ont été diffusés à l'ensemble des membres du conseil de l'IUT et à son président ;

7. Considérant que la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Nice a, dans un jugement du 13 mai 2015, devenu sur point définitif, relaxé le directeur de l'IUT des fins de poursuite pour diffamation, au motif que l'auteur de ces imputations diffamatoires était de bonne foi ; que l'autorité de la chose jugée ne s'étend, exceptionnellement, à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal que lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; que la légalité de la décision par laquelle l'autorité administrative statue sur une demande de protection fonctionnelle n'est pas subordonnée à la condition que l'auteur des imputations diffamatoires ait été pénalement sanctionné ; qu'il en résulte que, en estimant que la relaxe prononcée par le tribunal de grande instance de Nice au bénéfice de la bonne foi faisait obstacle à ce que les différents agissements reprochés par la requérante au directeur de l'IUT de Nice puissent recevoir la qualification d'actes de diffamation, le tribunal s'est mépris sur l'étendue de l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement ;

8. Considérant que le refus contesté est fondé sur un double motif, tiré de ce que le président de l'Université aurait, par anticipation, d'ores et déjà pris les mesures nécessaires pour assurer la protection fonctionnelle de l'intéressée, d'une part et, d'autre part, sur le fait que les faits invoqués par Mme F... à l'appui de sa demande ne constituaient pas des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages au sens des dispositions de la loi du 11 juillet 1983 ;

9. Considérant, en premier lieu, que si aucune disposition de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n'établit d'obligation d'engager des poursuites dans le cas d'injures ou de diffamations envers les fonctionnaires publics à la charge de la collectivité publique, cette dernière n'est pas dispensée, pour autant, de son devoir de protection par tout moyen approprié et notamment en assistant, le cas échéant, le fonctionnaire dans les procédures judiciaires qu'il entreprendrait pour sa défense ; qu'en l'espèce, le président de l'université a, dès le 28 juin 2012, adressé au président du conseil de l'IUT, avec copie au recteur de l'académie de Nice, un courrier lui indiquant que les termes de la lettre du 26 juin 2012 du directeur de l'IUT et les éléments fournis en attaché à ce courriel ne reflétaient pas la réalité des conclusions de l'enquête administrative, lui demandant de ne pas en tenir compte et de porter les termes de son propre courrier à la connaissance de ses conseillers ; que, le 4 juillet 2012, le président du conseil de l'IUT a porté ce courrier à la connaissance des conseillers de l'Institut, et a indiqué s'être opposé, lors du conseil qui s'était tenu le jeudi 28 juin 2012, à la lecture de tout ou partie du rapport confidentiel en cause ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère circonscrit de la diffusion des propos susceptibles de porter atteinte à l'honneur et à la considération de Mme F... contenus dans les pièces annexées aux courriels en cause, les mesures rapidement prises le 28 juin 2012 par le président de l'université et aussitôt mises en oeuvre par le président du conseil de l'IUT, ce que ne conteste pas Mme F..., doivent être regardées comme ayant constitué la protection exigée par les textes législatifs, laquelle ne passe pas nécessairement par la prise en charge financière des frais afférents à l'action en justice entreprise par le fonctionnaire ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que ni la décision, illégale, du président de l'université de suspendre Mme F... de sa charge de chef du département " Gestion des entreprises et administrations " dans l'attente des résultats d'une enquête administrative diligentée à la suite de la découverte d'anomalies concernant notamment les propositions de primes que l'intéressée avait faites, ni la dénonciation anticipée du mandat de la requérante, ni le maintien d'un administrateur provisoire ne constituent des menaces ou attaques au sens des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; que l'ensemble de ces décisions, qui résultent du différend opposant Mme F... à l'université, relatif aux modalités d'exercice par cette dernière de ses responsabilités de chef de département, ne lui ouvraient pas droit au bénéfice de la protection fonctionnelle, ainsi que l'ont à bon droit indiqué le président de l'Université et le tribunal ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'université de Nice Sophia-Antipolis qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à l'appelante la somme qu'elle réclame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'université intimée au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université de Nice Sophia-Antipolis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... et à l'université de Nice Sophia-Antipolis.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

N° 15MA02914 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02914
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LARIDAN - LINDITCH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-13;15ma02914 ?
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