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11/07/2017 | FRANCE | N°15MA02213

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2017, 15MA02213


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Borie Neuve a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Aude a statué sur sa réclamation, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes et de prononcer, à titre principal, la décharge des

rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château Borie Neuve a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Aude a statué sur sa réclamation, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes et de prononcer, à titre principal, la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011, et à titre subsidiaire, leur réduction.

Par un jugement n° 1304711 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2015, la SCEA Château Borie Neuve, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2015 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige et à titre subsidiaire, de réduire le taux applicable aux rappels de retenue à la source ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une insuffisante motivation ;

- la rectification relative à la taxe sur la valeur ajoutée déduite au titre des factures établies par la société DAS n'est pas fondée ;

- le tribunal administratif a inversé la charge de la preuve en exigeant qu'elle établisse avoir régularisé la situation en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la soumission des sommes versées pour l'emploi de MM. A...et C...D...à la retenue à la source n'est pas fondée dès lors que ces derniers disposent d'un établissement stable en République Tchèque, qu'ils sont connus des services fiscaux et de sécurité sociale tchèques en tant que travailleurs indépendants ;

- elle n'a pas eu accès à la réponse que les autorités tchèques ont adressée aux services fiscaux ;

- le principe communautaire de libre prestation des services a été méconnu ;

- la retenue à la source pratiquée porte atteinte aux principes fixés par la convention franco-tchèque destinée à éviter la double imposition, notamment au a du 3 de l'article 5 et au 1 de l'article 7 ;

- la qualification des sommes versées aux entrepreneurs tchèques est erronée ;

- si une retenue à la source devait être appliquée, son taux est celui prévu par les dispositions de l'article 182 A du code général des impôts et non par celles de l'article 182 B, lequel vise les revenus non salariaux ;

- le service aurait dû ventiler les montants entre les deux salariés et appliquer un abattement de 10 % pour frais professionnels ;

- l'application de la pénalité de 40 % n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention du 28 avril 2003 entre la France et la République tchèque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Cherrier, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SCEA Château Borie Neuve exploite un domaine viticole à Badens (Aude) ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 et d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale d'une part, a estimé que la société était redevable de la retenue à la source prévue par les dispositions du c) de l'article 182 B du code général des impôts, à raison des sommes versées à MM. A... et C...D..., résidents de la République tchèque, en rémunération des travaux de maçonnerie réalisés sur le domaine viticole et d'autre part, a assujetti la société à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010 ; que la société a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ainsi mis à sa charge ainsi que la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie et à défaut, leur réduction ; que par le jugement attaqué du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que les premiers juges ont écarté comme inopérants, au point 2 du jugement attaqué, les moyens tirés de la méconnaissance du principe communautaire de libre prestation de services et de ce que la société satisferait aux conditions posées par l'article L. 8221-6-1 du code du travail ; que le moyen tiré de ce que le tribunal ne se serait pas prononcé sur ces moyens doit, par suite, être écarté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ; que les propositions de rectification du 27 août 2012 et du 4 février 2013 indiquaient de manière suffisamment précise l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait demandé, avant la mise en recouvrement des impositions litigieuses, la communication des documents remis par les autorités tchèques ; que l'administration, qui n'était pas tenue de communiquer spontanément ces documents, n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) 3. Lorsque ces factures ou ces documents font l'objet d'une rectification, les redevables doivent apporter les rectifications correspondantes dans leurs déductions et les mentionner sur la déclaration qu'ils souscrivent au titre du mois au cours duquel ils ont eu connaissance de cette rectification. (...) " ; qu'il résulte du 1 de l'article 272 du code général des impôts que, lorsqu'une opération imposable à la taxe sur la valeur ajoutée a été annulée ou résiliée, la personne qui devait la réaliser doit, si elle entend bénéficier de l'imputation ou de la restitution de la taxe ayant grevé cette opération, justifier, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale ; qu'il résulte du 3 du II de l'article 271 du même code que, s'il a déduit la taxe figurant sur cette facture initiale, le client, assujetti à la taxe, doit, pour sa part, la reverser au titre du mois durant lequel il a pris connaissance de cette rectification, laquelle lui révèle l'annulation ou la résiliation de l'opération ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCEA Château Borie Neuve a comptabilisé les 16 février et 28 décembre 2009 au compte " TVA déduite " la taxe facturée par la société DAS pour un montant total de 7 145,15 euros ; que les factures concernées ont toutefois été annulées par un avoir du 28 janvier 2010 ; qu'en application des dispositions précitées, la contribuable était dès lors tenue de procéder à la régularisation de la taxe y afférente au titre du mois de janvier 2010 ; que la requérante ne justifie pas, ainsi qu'elle le soutient, que les factures auraient été annulées en 2011 ; que par ailleurs, si l'appelante se prévaut de sa situation créditrice au cours des années 2009 et 2010 et du refus de l'administration, le 22 mars 2010, de lui rembourser la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la seconde facture de la société DAS, à hauteur de 4 097 euros, au motif qu'elle n'était pas encore exigible du fournisseur, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait procédé à la régularisation de la taxe indûment déduite à laquelle elle était tenue ; que, par suite, c'est à bon droit que le vérificateur a rappelé le montant de ladite taxe au titre de l'année 2010 ;

En ce qui concerne les rappels de retenue à la source :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er A du code général des impôts : " Il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques désigné sous le nom d'impôt sur le revenu. Cet impôt frappe le revenu net global du contribuable (...) constitué par le total des revenus nets des catégories suivantes : (...) - Bénéfices industriels et commerciaux ; (...) - Traitements, salaires, indemnités, émoluments, pensions et rentes viagères ; / - Bénéfices des professions non commerciales et revenus y assimilés ; (...) " ; que l'article 4 A du même code prévoit que les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de leurs seuls revenus de source française ; qu'aux termes du I de l'article 182 A de ce code : " I. Les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l'application d'une retenue à la source. " ; qu'en vertu de l'article 182 B dudit code : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. (...) II. Le taux de la retenue est fixé à 33 1/3 %. (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification du 27 août 2012 et du 4 février 2013 et du procès-verbal d'infraction de travail dissimulé établi le 26 mars 2013 par l'agent de contrôle de la mutualité sociale agricole que MM. D... avaient, au cours des années en litige, pour employeur la SCEA Château Borie Neuve et qu'ils accomplissaient les travaux de maçonnerie, les matériaux et les équipements étant fournis par la SCEA, sous la direction de celle-ci ; qu'ils étaient logés par la requérante et rémunérés pour " divers travaux de maçonnerie " au forfait quantitatif de 120 euros par jour et par personne ; qu'il était aussi relevé que MM. D...travaillaient exclusivement pour la SCEA Château Borie Neuve qui préparait les factures ; que ces constatations du procès-verbal d'infraction sur les conditions de travail concrètes et modalités de rémunération, qui ne sont pas sérieusement contredites par des éléments probants, permettent de caractériser un lien de subordination de MM. D... à l'égard de la SCEA ; que ce lien de subordination est reconnu explicitement par l'administration dans les propositions de rectification et le ministre dans ses écritures ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, que MM. D... auraient fourni des prestations à la SCEA en tant que travailleurs indépendants ; que d'ailleurs il est constant que MM. D... n'avaient pas satisfait à leurs obligations d'immatriculation au répertoire des métiers et d'affiliation en France ; que dans ces conditions, et alors même qu'ils n'étaient pas liés à la SCEA par un contrat écrit, que cette dernière n'avait pas accompli les formalités relatives à la déclaration préalable à l'embauche ainsi qu'à la délivrance de bulletin de paie et que des factures, au demeurant ne faisant état d'aucun détail ni délai pour la réalisation de prestations, avaient été établies, MM. D... devaient être regardés comme ayant effectué les travaux pour lesquels ils ont été rémunérés par la SCEA en qualité de salariés et non en rémunération de prestations de toute nature ; que les rémunérations ainsi versées par la SCEA Château Borie Neuve ne relevaient pas des dispositions du c) de l'article 182 B du code général des impôts ; que le ministre n'a pas sollicité de substitution de base légale s'agissant de cette rectification ; qu'ainsi, la SCEA Château Borie Neuve est fondée à demander la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2011 ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SCEA Château Borie Neuve est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2011 ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants ; qu'il y a lieu de prononcer la décharge de ces impositions, de réformer le jugement attaqué dans cette mesure et de rejeter le surplus de la requête ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la SCEA Château Borie Neuve au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La SCEA Château Borie Neuve est déchargée des rappels de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2011 ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCEA Château Borie Neuve est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SCEA Château Borie Neuve une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA Château Borie Neuve et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, où siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Boyer, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.

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N° 15MA02213

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02213
Date de la décision : 11/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : ROCA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-11;15ma02213 ?
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