Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Nice, en premier lieu, d'annuler la décision du 26 mars 2015 par laquelle le maire de la commune de Grasse a refusé de le réintégrer dans les services de la commune, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 23 juillet 2015 contre cette décision, en deuxième lieu, d'annuler l'arrêté du 29 octobre 2015 par lequel le maire de la commune de Grasse a prononcé son licenciement.
Par un jugement n° 1503736 et 1504969 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 26 mars 2015 du maire de la commune de Grasse en ce qu'elle a refusé de réintégrer M. E... dans les services de la commune et l'arrêté du 29 octobre 2015 prononçant le licenciement de l'intéressé.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2016 et le 23 mai 2017, la commune de Grasse, représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 octobre 2016 ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes présentées en première instance par M. E... ;
3°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est, s'agissant de l'annulation de la décision du 26 mars 2015, insuffisamment motivé ;
- les conclusions dirigées contre cette décision étaient tardives ;
- la suppression de l'emploi de chargé de mission prospective était justifiée ;
- contrairement à ce que le tribunal a jugé, l'emploi de directeur général des services de la commune n'était pas vacant et ne pouvait, en vertu des articles 41 et 47 de la loi du 26 janvier 1984, être légalement attribué au requérant ;
- la vacance de l'emploi de directeur général des services devait être appréciée à la date du licenciement.
- aucun autre emploi n'était vacant et, en tout état de cause, n'est assorti d'une rémunération équivalente à celle que percevait auparavant l'intéressé ;
- recruté en qualité de directeur de cabinet, M. E... ne pouvait bénéficier des dispositions de l'article 33 du décret du 15 février 1988 ;
- l'intéressé n'ayant pas demandé à être reclassé sur un emploi de niveau inférieur, la commune n'était pas tenue d'examiner la possibilité de le reclasser sur un emploi assorti d'une rémunération inférieure à celle résultant de son contrat.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 avril 2017 et le 30 mai 2017, M. E..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Grasse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- en tout état de cause, il était possible de le réintégrer sur son emploi de chargé de mission pour ensuite le détacher légalement sur l'emploi de directeur général des services ;
- la décision du 26 mars 2015 était prématurée et prise sans consultation des organismes paritaires compétents ;
- plusieurs emplois correspondant à ses qualifications étaient vacants ;
- l'argument du niveau de sa rémunération ne peut lui être valablement opposé dès lors qu'il avait lui-même proposé que sa rémunération soit, si c'était nécessaire pour éviter son licenciement, éventuellement réduite.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la commune de Grasse, et de Me C..., substituant MeB..., représentant M. E....
Une note en délibéré présentée pour la commune de Grasse a été enregistrée le 7 juin 2017.
1. Considérant que la commune de Grasse fait appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 26 mars 2015 du maire de la commune de Grasse en ce qu'elle refusait de réintégrer M. E... dans les services de la commune et l'arrêté du 29 octobre 2015 prononçant le licenciement de l'intéressé ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée à certaines conclusions de M. E... par la commune de Grasse pour des motifs de fait parfaitement explicites ; que ces considérations de fait suffisaient à justifier le rejet de la fin de non-recevoir en cause ; qu'ainsi, la commune de Grasse n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est, sur ce point, insuffisamment motivé ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Grasse :
3. Considérant que M. E... a adressé à la commune de Grasse, les 9 janvier 2015 et 9 mars 2015, deux courriers tendant, pour l'essentiel, à sa reprise de fonction le 1er novembre 2015 ; que la commune de Grasse ne précisant pas à quelle date la demande du 9 janvier 2015 a été reçue par ses services n'est fondée à soutenir ni qu'une décision implicite de rejet était née dès le 9 mars 2015, ni, par suite, que M. E... devrait être regardé comme ayant formé le 9 mars 2015 un recours gracieux contre cette décision implicite de rejet ; que le recours gracieux formé contre la décision du 26 mars 2015 par laquelle la commune de Grasse a expressément rejeté les demandes de M. E..., qui n'a donc pas la nature d'un second recours gracieux a, contrairement à ce que soutient à nouveau la commune en appel, valablement interrompu le délai de recours contre cette décision ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, que, si M. E... a été recruté initialement en qualité de directeur de cabinet du maire de la commune de Grasse, le contrat à durée indéterminée conclu le 22 décembre 2008 se borne à le nommer en dernier lieu en qualité de chargé de mission " prospectives " à compter du 1er janvier 2009 ; que la commune de Grasse ayant procédé le 30 juin 2015 à la suppression de l'emploi de chargé de mission que M. E... occupait avant de demander à être placé en congé pendant six années, il lui appartenait de chercher à le reclasser sur " un emploi analogue et doté ", ainsi que le prévoit l'article 33 du décret du 15 février 1988, " d'une rémunération identique " à celle détenue précédemment ; qu'à défaut d'un tel emploi, il appartenait à la commune de Grasse en application du principe général du droit selon lequel un reclassement doit être proposé aux agents dont l'emploi est supprimé, de lui proposer tout autre emploi vacant, même doté d'une rémunération inférieure, avant de procéder, en cas de refus, à son licenciement ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Grasse a, en signant le contrat du 22 décembre 2008, accordé à M. E... en sa qualité de simple chargé de mission une rémunération " calculée sur la base de rémunération d'un fonctionnaire de la fonction publique territoriale hors échelle F " ; que M. E... ne conteste pas qu'aucun des emplois de la commune de Grasse ne donne droit à ce niveau de rémunération ; qu'ainsi, ladite commune est fondée à soutenir qu'elle ne pouvait reclasser l'intéressé sur un emploi analogue à celui qu'il occupait auparavant ;
6. Considérant, cependant, que M. E... produit des tableaux relatifs aux effectifs de la commune de Grasse avant et après le 1er novembre 2015 qui mentionnent de nombreux emplois administratifs vacants ; que si la commune de Grasse soutient que certains de ces emplois ne devraient pas être regardés comme vacants dès lors qu'ils avaient vocation à être occupés par des fonctionnaires bénéficiant de promotions, cette remarque, qui ne porte d'ailleurs pas sur l'intégralité des emplois concernés, conduit à retenir que les fonctionnaires ainsi promus libèrent leurs emplois antérieurs ; que, de même, les tableaux produits, qui font apparaître que tous les chargés de mission de la commune étaient des agents contractuels, révèlent également la vacance d'un emploi de chargé de mission après le 1er novembre 2015 ; qu'ainsi, il ressort clairement des pièces du dossier que des emplois pouvaient être proposés à M. E... ; que , dès lors que la circonstance que le niveau de rémunération de ces emplois était très largement inférieur à celui initialement détenu par M. E... n'y faisait pas obstacle, l'un au moins de ces emplois devait être proposé à M. E... avant qu'il soit procédé, en cas de refus, à son licenciement ; qu'ainsi, en n'invitant pas l'intéressé à demander sa réintégration sur un emploi vacant même doté d'une rémunération inférieure, la commune de Grasse a méconnu l' obligation de reclassement qui s'imposait à elle ; que, par suite, le licenciement prononcé le 29 octobre 2015 est entaché d'illégalité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Grasse n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 26 mars 2015 du maire de la commune de Grasse en ce qu'elle a refusé de réintégrer M. E... dans les services de la commune et l'arrêté du 29 octobre 2015 prononçant le licenciement de l'intéressé ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Grasse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grasse la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Grasse est rejetée.
Article 2 : La commune de Grasse versera à M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grasse et à M. A... E....
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 juillet 2017.
N° 16MA04743 2