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04/07/2017 | FRANCE | N°15MA02859

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2017, 15MA02859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, de condamner l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var à lui verser la somme de 32 285,82 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2012 par laquelle il a été licencié pour insuffisance professionnelle, en deuxième lieu de mettre à la charge de l'école la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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Par un jugement n° 1300576 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Tou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon, en premier lieu, de condamner l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var à lui verser la somme de 32 285,82 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2012 par laquelle il a été licencié pour insuffisance professionnelle, en deuxième lieu de mettre à la charge de l'école la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1300576 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Toulon a, en premier lieu, condamné l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var à verser à M. B... la somme de 12 052,46 euros, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2012 , ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012, et, en deuxième lieu, mis à la charge de l'école la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 13 juillet 2015, le 28 novembre 2016 et le 1er mars 2017, l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var, représentée par Me G...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 mai 2015 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire, d'une part, de réformer le jugement n° 1300576 du 13 mai 2015, en tant que le tribunal administratif de Toulon a condamné l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var à verser à M. B... la somme de 12 052,46 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision du 4 septembre 2012 par laquelle il a été licencié pour insuffisance professionnelle, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 5 novembre 2012, et, d'autre part, de ramener le montant de l'indemnité due à M. B... à un montant inférieur à 12 052,46 euros, en tenant compte des pièces du dossier et des allocations de chômage perçues pour un montant de 9 898,60 euros par l'intéressé.

4°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité en se fondant sur des attestations des autres employeurs de M. B... ;

- le licenciement de M. B... étant justifié par l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, la responsabilité de l'école n'est pas engagée à son égard ;

- l'indemnité de M. B... aurait dû être fixée en prenant en compte tant l'illégalité commise que les carences professionnelles de l'intéressé, son jeune âge, son ancienneté, ses autres sources de revenus, l'indemnité de licenciement versée et les allocations de chômage qu'il a perçues.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 décembre 2015, le 13 décembre 2016 et le 22 mars 2017, M. A... B..., représenté par Me D...E..., conclut au rejet de la requête et demande en outre à la Cour, par la voie de l'appel incident :

1°) de condamner l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var à lui verser les sommes complémentaires de 4 545,04 euros et de 8 000 euros respectivement en réparation du préjudice financier du préjudice moral qu'il estime avoir subis, ainsi que les intérêts au taux légal afférents à cette somme ;

2°) de mettre à la charge de l'école la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- le préjudice subi du fait de la perte de revenu doit être évalué à 12 045,04 euros ;

- le préjudice moral doit être évalué à 10 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Argoud,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., substituant MeC..., représentant l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var et de Me E..., représentant M. B....

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 juin 2017.

1. Considérant que M. B... a été recruté par l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var par un contrat à durée indéterminée du 5 septembre 2007 pour exercer les fonctions d'assistant chargé des cours de flûte traversière ; qu'il a été licencié pour insuffisance professionnelle par une décision du président de l'école du 4 septembre 2012 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var, il ne résulte d'aucune disposition normative applicable que les premiers juges n'auraient pu se fonder, sur des pièces autres que celles produites par l'administration ayant employé M. B..., pour apprécier ses qualités professionnelles ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité de l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, d'une part, la notation de l'année 2011, établie le 31 mai 2012 quelques semaines avant le licenciement de l'intéressé, si elle relève de nombreux points sur lesquels sa manière de servir devait être améliorée, se borne à lui fixer comme seuls objectifs pour l'année à venir de réaliser des préparations écrites de cours et de suivi pédagogique des élèves et de constituer un ensemble de flûtistes ; que, d'autre part, les vives critiques formulées à l'encontre des qualités musicales et pédagogiques de M. B..., dans deux attestations rédigées par le directeur de l'école de musique de Fréjus et par un professeur de flûte de l'école intercommunale de musique et de danse du Comté de Provence invités en tant que membres du jury d'examen de fin de cycle en 2012, sont fondées uniquement sur la très mauvaise appréciation portée par leurs auteurs à l'encontre des élèves de M. B... à Fréjus en 2012 et, pour le professeur de flûte de l'école du Comté de Provence, en 2009 ; que le bien-fondé de ces critiques est sérieusement contredit par les pièces produites par M. B..., concernant premièrement les témoignages circonstanciés, émanant notamment des directeurs des écoles de musique de Cavalaire-sur-Mer et de Sanary-sur-Mer au sein desquelles, l'intéressé est employé en qualité de professeur de flûte traversière depuis septembre 2003 et septembre 2004, qui font valoir notamment les qualités musicales et pédagogiques de l'intéressé, ainsi que le succès de plusieurs de ses élèves au conservatoire de musique, et, deuxièmement, l'obtention par l'intéressé en 2012, dans le cadre de la préparation d'un diplôme d'études musicales, de l'unité de valeur " dominante flûte traversière " au conservatoire à rayonnement départemental des Alpes de Haute-Provence et d'une unité de valeur par validation de son expérience d'enseignant ; que, dès lors, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le niveau insuffisant des élèves de M. B..., à le supposer avéré en 2012 n'est pas, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et des éléments apportés à l'instance, de nature à caractériser une insuffisance professionnelle de ce dernier ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est également reproché à M. B... de s'être désengagé du projet de concert des ensembles de flûtes des écoles de musique et conservatoires du Haut-Var, du Golfe du pays des Maures, de Fréjus et de la communauté de communes du Comté de Provence organisé le 27 juin 2012 à l'occasion de la venue de l'orchestre national de flûtes de Norvège, en raison du fait qu'aucun élève flûtiste de sa classe n'a participé à l'événement ; que, toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que l'intéressé s'est défendu de s'être personnellement désengagé du projet en indiquant que ses élèves du deuxième cycle avaient tous refusé d'y participer par manque de disponibilité et que les autres élèves, du premier cycle, n'avaient pas le niveau requis ; que, d'autre part, et en tout état de cause, ce désengagement du requérant dans ce projet, à le supposer avéré, n'est pas, à lui seul, un fait de nature à caractériser l'insuffisance professionnelle reprochée ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en prononçant le 4 septembre 2012 le licenciement de M. B... pour insuffisance professionnelle, l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var a commis une faute de nature à engager sa responsabilité envers M. B... ;

En ce qui concerne les préjudices :

6. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'insuffisance professionnelle ayant motivé le licenciement de M. B... n'étant pas établie, ce motif ne peut légalement justifier la diminution de son droit à indemnité ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions du 1° de l'article 43 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " Sauf lorsque le licenciement intervient, soit pour des motifs disciplinaires, soit au cours ou à l'expiration d'une période d'essai, une indemnité de licenciement est due aux agents : qui, recrutés pour une durée indéterminée, ont fait l'objet d'un licenciement ; " ; et qu'aux termes de l'article 46 du même texte : " L'indemnité de licenciement (...) est réduite de moitié en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. (...) " ;

9. Considérant que M. B... a perçu, au titre de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions précitées, la somme de 2 552,46 euros, correspondant à une indemnité réduite de moitié au titre des dispositions précitées de l'article 46 du décret du 15 février 1988 ; qu'il ressort de ce qui a été dit aux points 3° et 4° du présent arrêt que l'insuffisance professionnelle motivant la décision de licenciement du 4 septembre 2012 n'est pas caractérisée ; que l'indemnité a donc été réduite illégalement ; qu'il en résulte que M. B... est fondé à réclamer le solde de l'indemnité de licenciement qui lui a été versée ; que, contrairement à ce que soutient l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var, le montant de cette indemnité ne doit pas être déduit de l'indemnisation des autres chefs de préjudice de M. B..., dès lors que la décision prononçant son licenciement n'a pas été rapportée ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. B..., âgé de 31 ans à la date de la décision l'ayant illégalement privé de son emploi, a été employé durant onze années d'abord par l'école intercommunale de musique, danse et théâtre du Haut-Var pour y exercer les fonctions d'animateur technicien, chargé des cours de flûte traversière et de formation musicale, et que cette structure associative a été transformée en 2006 en établissement public de coopération culturelle à caractère administratif dénommé école de musique, danse et théâtre du Haut-Var, avec lequel il a conclu en dernier lieu le 5 septembre 2007 un contrat de droit public à durée indéterminée pour y exercer les fonctions d'assistant chargé des cours de flûte traversière au grade d'assistant d'enseignement artistique ; que le bulletin de salaire produit à l'instance, daté d'octobre 2012, correspondant au dernier mois de son activité au sein de cet établissement mentionne un revenu net mensuel de 928, 17 euros ; qu'il résulte de l'instruction, compte tenu de l'âge de l'intéressé, de son ancienneté dans l'établissement ainsi que des autres circonstances de l'espèce, que le tribunal administratif a fait une juste appréciation du préjudice financier subi par M. B..., au regard du principe énoncé au point 6, en lui allouant à ce titre la somme de 7 500 euros ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte également de l'instruction que le tribunal administratif a fait une exacte appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral de M. B... en lui allouant la somme de 2 000 euros en réparation de ces préjudices ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser à M. B... la somme de 12 052,46 euros et que les conclusions en appel incident de M. B... doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var la somme de 1 000 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas pour le principal la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée à ce même titre par l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : L'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'école de musique, danse et théâtre du Haut-Var et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. Renouf, président assesseur,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 juillet 2017.

N° 15MA02859 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02859
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Jean-Marie ARGOUD
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-04;15ma02859 ?
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