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27/06/2017 | FRANCE | N°16MA03845

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 16MA03845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation du Bar de la Boucle a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes correspondant à ces années, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 0905272 du 21 ju

in 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation du Bar de la Boucle a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005 et 2006, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes correspondant à ces années, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 0905272 du 21 juin 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 septembre 2011, 13 janvier 2014 et 27 janvier 2014, la société d'exploitation du Bar de la Boucle, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2011 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) d'ordonner une expertise portant sur la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration :

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison du défaut de communication du sens des conclusions du rapporteur public ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les exigences de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été respectées, dès lors que le vérificateur a refusé de garantir à son gérant, compte tenu de son état de santé, un débat oral et contradictoire au cours des opérations de contrôle ;

- elle a été privée d'un tel débat et de l'organisation d'une réunion de synthèse à l'issue des opérations de contrôle, en méconnaissance des articles L. 13, L. 47, L. 47 A et suivants du livre des procédures fiscales ;

- elle n'a pas été informée en temps utile de la possibilité de se faire assister d'un conseil en violation des dispositions de l'article L. 47 du même livre ;

- la procédure d'imposition est irrégulière en raison de l'emport irrégulier des données informatiques et de l'absence de restitution de ces données avant la clôture de la vérification de comptabilité intervenue le 11 décembre 2007 ;

- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;

- elle n'a pas été informée de la teneur et de l'origine des documents obtenus de tiers ayant servi à fonder les rectifications en litige, en violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- pour la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2004, la proposition de rectification n'a pu interrompre le délai de prescription de l'action en reprise de l'administration ;

- le rejet de la comptabilité n'est pas fondé ;

- les méthodes de reconstitution des recettes du restaurant et du bar sont radicalement viciées ;

- les sanctions fiscales ne sont pas motivées, en méconnaissance de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

- le manquement délibéré qui lui est reproché n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2012, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société d'exploitation du Bar de la Boucle ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 11MA03552 du 14 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête de la société d'exploitation du Bar de la Boucle tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 juin 2011.

Par une décision n° 377742 du 5 octobre 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé, sur pourvoi de la société d'exploitation du Bar de la Boucle, cet arrêt du 14 février 2014 et a renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 25 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances persiste dans ses conclusions tendant au rejet de la requête de la société d'exploitation du Bar de la Boucle, par les mêmes moyens.

Par des mémoires, enregistrés le 24 janvier 2017 et le 9 juin 2017, la société d'exploitation du Bar de la Boucle maintient les conclusions et moyens développés dans ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boyer,

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société d'exploitation du Bar de la Boucle.

1. Considérant que la société d'exploitation du Bar de la Boucle a fait l'objet, entre le 9 octobre 2007 et le 11 décembre 2007, d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; qu'à l'issue de ces opérations de contrôle, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et des intérêts de retard, ont été mis à sa charge ; que par jugement du 21 juin 2011, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ; que, par arrêt n° 11MA03552 du 14 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle a interjeté contre ce jugement ; que par décision n° 377742 du 5 octobre 2016, le Conseil d'État statuant au contentieux, sur pourvoi de la société d'exploitation du Bar de la Boucle, a annulé cet arrêt au motif que la Cour avait omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance des prescriptions des articles L. 47 et L. 76 B du livre des procédures fiscales, ainsi que sur le moyen tiré de ce qu'ont été méconnues les exigences de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le vérificateur a refusé de garantir au gérant de la société, compte tenu de son état de santé, un débat oral et contradictoire pendant les opérations de contrôle ; que le Conseil d'État a renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que l'article R. 711-3 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au présent litige dispose que : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; qu'ainsi, en indiquant aux parties au moyen de l'application informatique Sagace, vingt-quatre heures avant l'audience, qu'il conclurait au rejet au fond de la requête de la société d'exploitation du Bar de la Boucle, le rapporteur public devant le tribunal administratif de Marseille les a informées, dans un délai raisonnable avant l'audience, du sens de ses conclusions en indiquant les éléments du dispositif de la décision qu'il comptait proposer à la formation de jugement d'adopter ; que le moyen tiré de ce que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière doit, par suite, être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen des motifs du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments avancés par la société d'exploitation du Bar de la Boucle, ont répondu de manière suffisamment circonstanciée au moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire et à celui tiré de l'insuffisante motivation de la réponse du service aux observations de la société ; que les premiers juges ont également indiqué de manière précise les raisons pour lesquelles ils estimaient que l'administration, à qui incombait la charge de la preuve, justifiait du bien-fondé des rehaussements du chiffre d'affaires et du résultat de l'entreprise ; qu'enfin les premiers juges ont détaillé les éléments qu'ils ont retenus pour estimer que les pénalités en litige avaient été appliquées à bon droit ; qu'ainsi, la société d'exploitation du Bar de la Boucle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ces différents points ; que la circonstance que, selon la société appelante, les premiers juges auraient commis des erreurs de droit et auraient dénaturé les faits de l'espèce est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement contesté ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'emport de documents :

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur n'a pris possession, pour les besoins de la vérification de comptabilité, que des copies de documents portant la mention " copie conforme à l'original conservé dans l'entreprise ", signée par le gérant et apposée sur chacune des pièces ; qu'il n'en résulte aucune irrégularité de procédure dès lors que la prise ou la conservation de photocopies de documents comptables n'est pas assimilable à un emport de documents comptables et que l'administration peut toujours y procéder sans autorisation du contribuable ;

5. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales interdisent à l'administration fiscale de conserver les copies des fichiers d'écritures comptables après la mise en recouvrement des impositions ; que ces dispositions, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires dont elles sont issues, sont destinées à garantir au contribuable que des impositions ultérieures ne seront pas établies sur la base des données contenues dans ces fichiers ; que l'omission de restitution des copies des fichiers en cause, en méconnaissance des dispositions précitées, est susceptible d'entacher la régularité des impositions qui viendraient à être ultérieurement établies sur la base des données qu'ils contiennent ; qu'elle est, en revanche, sans influence sur les impositions mises en recouvrement après la consultation et l'exploitation des fichiers ; que, par suite et à supposer même que l'administration n'ait pas restitué les copies de fichiers informatiques de l'exercice 2007 qu'elle aurait utilisés pour les besoins du contrôle, cette circonstance ne saurait avoir une incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

En ce qui concerne le caractère contradictoire de la vérification de comptabilité :

6. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle " ; que cet article ne peut être utilement invoqué devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme inopérant ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix " ; qu'il résulte de l'instruction, notamment d'un avis de réception postal produit par le ministre, que l'administration a envoyé un pli recommandé contenant un avis de vérification de comptabilité en date du 26 septembre 2007 à la société d'exploitation du Bar de la Boucle, qui a été reçu par celle-ci le 1er octobre 2007 ; que si la société requérante fait valoir que la signature apposée sur l'avis de réception ne serait pas celle de son gérant, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que le signataire n'aurait pas eu qualité pour recevoir le pli recommandé ; que l'avis de vérification comportait notamment la mention selon laquelle la société appelante avait la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix et indiquait que les opérations de contrôle devaient débuter le 9 octobre 2010 ; qu'ainsi, la société d'exploitation du Bar de la Boucle a disposé d'un délai suffisant pour bénéficier effectivement de l'assistance à laquelle elle avait droit ; que, d'ailleurs, au cours de la première intervention du vérificateur au siège du principal établissement de la société, qui s'est déroulée le 9 octobre 2010 ainsi qu'il avait été annoncé, le gérant de la société requérante était assisté d'un représentant du cabinet d'expertise comptable de l'entreprise ; que, dans ces conditions, la société d'exploitation du Bar de la Boucle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

8. Considérant que dans le cas où la vérification de comptabilité a été effectuée, comme en l'espèce, dans les propres locaux de la société requérante, comme il est de règle en application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, il appartient au contribuable, qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat soit avec ses mandataires sociaux, soit avec ses conseils ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la société d'exploitation du Bar de la Boucle s'est déroulée au siège de l'entreprise ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le gérant de la société a personnellement rencontré le vérificateur lors de la première intervention sur place le 9 octobre 2007, puis le 16 octobre suivant, date à laquelle un procès-verbal de défaut de présentation de pièces justificatives de recettes a été dressé ; que la société requérante ne peut, par suite, soutenir qu'elle n'aurait pas été informée de ce que le caractère régulier et probant de sa comptabilité ne serait pas admis ; que la société requérante, qui ne conteste pas que deux autres entretiens se sont tenus les 5 et 11 décembre 2007, n'établit pas qu'au cours de ses rencontres avec le vérificateur, celui-ci se serait refusé à tout échange de vues sur la situation de l'entreprise, notamment lors de la dernière réunion qui s'est tenue le 11 décembre 2007, au cours de laquelle les conclusions résultant des opérations de vérification lui ont été présentées ; qu'il suit de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que la circonstance que le vérificateur aurait emporté des copies de certains documents comptables sans les restituer n'est pas, par elle-même, de nature à avoir privé la société d'exploitation du Bar de la Boucle d'un débat oral et contradictoire ; que si son gérant était gravement malade durant les opérations de contrôle, la société requérante n'établit pas ni même n'allègue que le service se serait opposé à ce que ce dirigeant désigne, ainsi qu'il pouvait le faire, un mandataire chargé de fournir au vérificateur les informations qu'il sollicitait et d'engager un dialogue avec celui-ci ; qu'ainsi la société appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée, compte tenu de l'état de santé de son gérant, de la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec l'administration fiscale ;

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification et de la réponse aux observations du contribuable :

10. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ;

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a explicitement énoncé dans la proposition de rectification en date du 13 décembre 2007, les motifs qui l'ont conduit à écarter la comptabilité, en relevant notamment que la société d'exploitation du Bar de la Boucle, qui invoquait un sinistre ayant affecté son logiciel de caisse en février 2007 à la suite duquel elle ne disposait plus d'archives, n'avait pas présenté, en l'absence de toute sauvegarde des données, les éléments propres à justifier du détail du chiffre d'affaires réalisé, qu'elle globalisait en fin de journée ; que le service a clairement exposé la méthode de reconstitution de recettes qu'il a retenue, basée notamment, s'agissant du restaurant, sur des éléments recueillis du mois de mars à octobre 2007 au cours de laquelle le logiciel de caisse était opérationnel, à partir desquels ont été déterminés le nombre de couverts, le prix moyen d'un repas, et la quantité moyenne de vin servie par couvert ; que le vérificateur a indiqué de manière détaillée, pour chacune des années vérifiées, les rehaussements d'imposition envisagés en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, leurs conséquences financières, ainsi que les pénalités encourues ; qu'ainsi, la société requérante a été mise à même d'engager utilement un dialogue avec le service sur ces rehaussements ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la proposition de rectification du 13 décembre 2007 ne serait pas suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant, en second lieu, que l'exigence de motivation qui s'impose à l'administration dans ses relations avec le contribuable vérifié en application du dernier alinéa précité de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'apprécie au regard de l'argumentation de celui-ci ; qu'il résulte de l'instruction que dans le courrier en date du 14 janvier 2008 par lequel il a formulé ses observations sur la proposition de rectification en date du 13 décembre 2007, le conseil de la société d'exploitation du Bar de la Boucle a déclaré s'opposer aux rectifications proposées, notamment en raison du coefficient de marge excessif, et a sollicité un délai supplémentaire pour développer cette argumentation ; que celle-ci n'a pas été explicitée, en dépit de délais supplémentaires octroyés à la société requérante ; que, dans ces conditions, et ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la réponse du 27 février 2008 aux observations de la société appelante, par laquelle l'administration a confirmé les rectifications envisagés en l'absence d'éléments complémentaires, ne peut être regardée comme insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'entreprise " Les Vins de Beaumont ", fournisseur de la société appelante, a communiqué, en réponse au droit de communication exercé le 15 octobre 2007 par l'administration, la liste exhaustive des factures qu'elle avait émises au nom de la société d'exploitation du Bar de la Boucle au cours des années 2004, 2005 et 2006, il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 13 décembre 2007 que la reconstitution des recettes n'a été opérée qu'à partir des données propres de l'entreprise, constituées notamment par des éléments de gestion provenant du logiciel de caisse sur la période de mars à octobre 2007, et des factures d'achat produites par le gérant sur l'ensemble de la période vérifiée ; que, dès lors qu'elle n'a pas utilisé les documents obtenus par l'exercice de son droit de communication pour fonder les impositions en litige, l'administration n'était pas tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine de ces documents ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit donc être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la prescription des impositions relatives à l'année 2004 :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ; que selon l'article L. 176 du même livre : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ;

17. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, la proposition de rectification du 13 décembre 2007 était suffisamment motivée ; qu'il résulte de l'instruction, notamment de l'examen de l'avis de réception du pli recommandé contenant ce document, qu'elle a été notifiée à la société d'exploitation du Bar de la Boucle le 17 décembre 2007, soit dans le délai de reprise dont disposait l'administration, notamment pour les impositions établies au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2004 ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration a valablement interrompu le cours de la prescription à l'égard de ces impositions ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) " ;

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si le système de caisse informatique utilisé par la société d'exploitation du Bar de la Boucle au cours des années vérifiées a subi un incident de fonctionnement en février 2007, le vérificateur n'a pu que constater que la société requérante s'était abstenue de procéder à une sauvegarde des données numériques élémentaires, et n'avait pas davantage conservé les données comptables sur support papier, à l'exception de copies de " tableaux Excel " présentant pour chaque mois un relevé journalier des recettes du bar, des recettes du restaurant, des recettes diverses, ainsi que les modes de paiement ; que ces copies ne permettaient pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, de contrôler la consistance et l'exactitude des ventes globalisées en fin de journée ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, un procès-verbal de défaut de présentation de pièces justificatives de recettes, dressé le 16 octobre 2007, a été signé par le gérant ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le vérificateur a rejeté la comptabilité de la société d'exploitation du Bar de la Boucle comme non probante et a procédé à la reconstitution de ses recettes ;

En ce qui concerne la reconstitution des recettes :

20. Considérant que pour reconstituer les recettes du restaurant, le vérificateur s'est fondé sur les données obtenues de la caisse informatisée de l'entreprise, remise en fonctionnement en mars 2007 ; qu'il a ainsi, sur une période d'observation allant de mars à octobre 2007, déterminé à partir de ces données, des tickets RAZ et de factures d'achat de vins, le prix moyen d'un repas comptabilisé, la quantité moyenne de vin servie par couvert et le nombre de couverts servis reconstitués, après avoir corrigé la quantité de vins vendue au titre de chaque exercice vérifié en fonction des stocks et appliqué une réfaction de 25 % représentant les pertes, les offerts ainsi que les vols, dont la réalité a été retenue en raison des absences répétées du gérant pour raison de santé ; que si la société d'exploitation du Bar de la Boucle fait valoir que le vérificateur ne pouvait extrapoler les données de l'entreprise relatives à l'année 2007 aux exercices antérieurs en raison de modifications dans ses conditions d'exploitation, elle ne démontre pas l'existence de changements significatifs sur ce point, hormis le fait qu'une terrasse de vingt-deux tables de deux personnes avait ouvert au cours de l'été 2005 ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cet élément aurait pu avoir pour effet d'augmenter indûment le montant du chiffre d'affaires reconstitué, dès lors que la prise en compte d'un nombre de repas servis supérieur au nombre retenu par le vérificateur se traduirait par une diminution du prix moyen d'un repas comptabilisé, et que ce prix a été appliqué aux achats de vins déterminés à partir des factures propres à chacun des exercices vérifiés ; que si la société requérante évoque également une modification des tarifs dont il n'aurait pas été tenu compte, il résulte de l'instruction que les tarifs retenus par le vérificateur lui ont été communiqués par le gérant de la société au cours des opérations de contrôle ; qu'enfin, si la société appelante fait état d'une évolution dans la qualité de son offre, il ne peut être tenu compte de cette argumentation en l'absence de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que si, s'agissant de la méthode de reconstitution des recettes du bar, la société d'exploitation du Bar de la Boucle soutient que la méthode des doses serait sommaire, elle n'assortit pas davantage ce moyen de précisions suffisantes, alors qu'il résulte de l'instruction que cette méthode n'a été appliquée qu'aux seules boissons vendues au bar après ventilation entre l'activité de bar et celle de restaurant, que le vin n'a été retenu que pour 2 % des quantités vendues, que les eaux minérales n'ont pas été prises en compte, que les doses ont été retenues au regard des pratiques de la profession contradictoirement avec le gérant, et qu'enfin une réfaction pour pertes et offerts de 15 % a été appliquée ; que la société requérante ne critique pas la reconstitution des recettes tirées de la vente de sandwiches, à partir des deux tiers des quantités de pain spécial achetées pour leur fabrication sur la période de janvier à mai 2004 ; que, par suite, l'administration, qui a suivi des méthodes de reconstitution du chiffre d'affaire qui ne sont ni sommaires ni radicalement viciées, doit être regardée, sans qu'il y ait lieu d'ordonner un expertise, comme établissant les omissions de recettes dont procèdent les impositions en litige ;

Sur les pénalités :

21. Considérant, d'une part, que l'administration en indiquant dans la proposition de rectification du 13 décembre 2007 que la vérification de comptabilité a mis en évidence des minorations de recettes importantes et répétées, en relevant l'absence totale de justificatifs numériques de la caisse informatique et en précisant que la société requérante ne pouvait ignorer les dissimulations opérées dans la mesure où les recettes étaient dans leur grande majorité réglées au comptant, a suffisamment motivé l'application de la majoration pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts et n'a, dès lors, pas méconnu les dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

22. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société d'exploitation du Bar de la Boucle, qui ne justifie pas de circonstances indépendantes de sa volonté, s'est livrée à des pratiques comptables irrégulières, alors que ses recettes étaient majoritairement encaissées au comptant ; que compte tenu de l'importance des minorations révélées par la reconstitution du chiffre d'affaires et de leur caractère répété, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré de la société appelante à ses obligations déclaratives ; que, dès lors, c'est à bon droit qu'elle a assorti les impositions en litige de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL le Bar de la Boucle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation du Bar de la Boucle est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du Bar de la Boucle et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

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N° 16MA03845

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03845
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Établissement de l'impôt - Bénéfice réel - Redressements.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Catherine BOYER
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : ANDRE ANDRE et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-27;16ma03845 ?
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