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27/06/2017 | FRANCE | N°16MA00315

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 16MA00315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Krustanord a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1401770 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, la société Krustanord, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Krustanord a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1401770 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 janvier 2016, la société Krustanord, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la restitution des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en première instance et la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés en appel.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2012, ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution ;

- les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 portent atteinte, du fait de leur caractère rétroactif, au principe général du droit communautaire de sécurité juridique, au droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au droit au respect de ses biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

- ces dispositions sont contraires au droit à un procès équitable ;

- en distinguant selon que les contribuables ont déposé une demande de restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée avant ou après le 11 juillet 2012, les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 méconnaissent les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la Société Krustanord ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que, par une réclamation du 2 décembre 2013, la société Krustanord a sollicité de l'administration la restitution, à hauteur respectivement de 8 965 euros et 5 960 euros, des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont elle s'était acquittée spontanément au titre des années 2011 et 2012 ; que l'administration, par une décision en date du 13 mars 2014, a opposé un refus à cette réclamation ; que la société Krustanord relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 17 décembre 2015 qui a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits en litige ;

2. Considérant que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le I de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle ; que le II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;

4. Considérant que, par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, toutefois, à la date à laquelle la société requérante a introduit sa réclamation, le 2 décembre 2013, l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative était entré en vigueur ; que les dispositions du I de cet article définissent explicitement les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle ; que les dispositions de son II, lesquelles ont été, au demeurant, jugées conformes à la Constitution par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013 du Conseil constitutionnel, prévoient une application rétroactive aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, en vue de prévenir les contestations à compter du 11 juillet 2012 ; que, par suite, la société requérante ne pouvait se prévaloir, à la date de sa réclamation, d'avoir été privée, d'une façon rétroactive et sans motif d'intérêt général suffisant, d'une espérance légitime d'obtenir la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises acquittée au titre des années 2011 et 2012 ; que, dès lors, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que les faits qu'elle invoque n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la société requérante ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de cet article combinées avec celles des articles 13 et 14 de cette convention ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en soutenant que les dispositions du II de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative méconnaissent le droit à un procès équitable, la société requérante doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil ;

7. Considérant, enfin, que les principes généraux du droit de l'Union européenne ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que, dès lors, le moyen tel que soulevé par la société requérante et tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne de sécurité juridique est inopérant ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Krustanord n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Société Krustanord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Krustanord et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

5

N° 16MA00315

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00315
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-05 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxes assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL SINE QUA NON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-27;16ma00315 ?
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