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15/06/2017 | FRANCE | N°16MA02841

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16MA02841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 mai 2016 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de dix-huit mois et maintien en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1601439 du 7 mai 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et

un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2016 et le 19 mai 2017, M. C..., représenté par Me B..., d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 3 mai 2016 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de revenir sur le territoire national pendant une durée de dix-huit mois et maintien en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1601439 du 7 mai 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 juillet 2016 et le 19 mai 2017, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 3 mai 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours suivant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- sa requête est recevable.

s'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- cette décision a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

s'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai pour l'exécution volontaire de l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur de droit.

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable.

s'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

s'agissant de la décision portant placement en centre de rétention administrative :

- cette décision a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2017, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, à titre principal, que la requête est tardive et donc irrecevable et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Coutier a été entendu au cours de l'audience publique.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

S'agissant de la prétendue décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

1. Considérant qu'ainsi qu'il l'admet lui-même, M. C... conteste, pour la première fois en appel, la décision que, selon lui, le préfet a nécessairement prise sur son droit au séjour dès lors qu'il a indiqué, dans l'arrêté attaqué, qu'il n'entrait " dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit " ; que ces conclusions nouvelles sont ainsi irrecevables, l'intéressé ne pouvant utilement faire valoir que lui opposer la tardiveté de ses conclusions, en présence d'une décision implicite, méconnaîtrait son droit à un recours effectif garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5 de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre ; / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;

3. Considérant que le II de l'article L. 511-1 prévoit que l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours pour satisfaire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français, ce délai pouvant toutefois être supprimé par décision de l'autorité administrative dans des cas limitativement énumérés ou être exceptionnellement prorogé eu égard à la situation personnelle de l'étranger ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 512-3 du même code : " L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ;

5. Considérant que ces dispositions, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que la directive du 16 décembre 2008 encadre de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, sans toutefois préciser si et dans quelles conditions doit être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

6. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;

7. Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des énonciations du procès-verbal d'audition établi le 3 mai 2016 par les services de police postérieurement à son interpellation dans le cadre d'un contrôle routier que M. C... a confirmé être informé de ce qu'il avait fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français, qui assortissait une décision préfectorale rejetant sa demande de titre de séjour, et qu'il se trouvait par conséquent en situation irrégulière, et a indiqué ne pas avoir l'intention de retourner en Arménie, son pays d'origine ; que si l'intéressé affirme qu'il n'a pas pu exposer, lors de cette audition, le fait que l'ensemble de sa famille s'apprêtait à déposer une demande de régularisation lorsqu'il a été arrêté à l'occasion de ce contrôle routier, cette allégation est démentie par les énonciations du procès-verbal, qui font effectivement état des démarches menées en ce sens par M. C..., que celui-ci a déclaré envisager de compléter le 10 mai suivant ; que sur ce point précis, la circonstance selon laquelle l'intéressé n'était alors pas assisté d'un interprète n'a pu avoir d'incidence ; que le requérant ne fait valoir, dans la présente instance, aucun autre élément tenant à sa situation personnelle qui, s'il avait été communiqué en temps utile à l'administration, aurait été de nature à faire obstacle à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que dans ces conditions, et en tout état de cause, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 2011 avec sa mère, son épouse et son fils alors mineur ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mai 2012, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 8 janvier 2013 ; que le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours formé par l'intéressé contre l'arrêté du 24 janvier 2013 par laquelle le préfet de l'Ardèche a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français ; que M. C... s'est néanmoins maintenu sur le territoire français avec sa famille en situation irrégulière ; que si l'intéressé fait valoir qu'il travaille depuis le mois d'août 2012 comme compagnon chez Emmaüs, il ne démontre pas une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France ; que dans ces conditions, et alors que rien ne fait obstacle à ce qu'il reconstitue la cellule familiale en Arménie, où il a vécu lui-même au moins jusqu'à l'âge de 47 ans, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant refus d'octroi d'un délai pour l'exécution volontaire de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable doit être écarté aux mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;

13. Considérant que pour justifier sa décision de refus d'octroi d'un délai pour l'exécution volontaire, par M. C..., de l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, le préfet a notamment relevé que l'intéressé s'était soustrait à une précédente mesure d'éloignement et qu'il n'avait pas remis son passeport ; que, pour ces seuls motifs, le préfet de l'Ardèche a pu légalement regarder M. C... comme ne présentant pas de garanties de représentation suffisantes et propres à éviter le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire qui lui était de nouveau faite et par conséquent lui refuser, en application des dispositions précitées des d) et f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le bénéfice du délai de trente jours prévu au premier alinéa de ces dispositions ; que le moyen tiré de l'erreur de droit doit dès lors être écarté ;

14. Considérant, en quatrième lieu, que le préfet a également fait valoir, pour justifier la décision contestée, que M. C... " n'a pas informé l'administration de son adresse réelle et effective ", alors qu'il ressort des pièces du dossier que, lors de l'audition ayant précédé l'édiction de l'arrêté contesté, l'intéressé a indiqué aux services de police qu'il était domicilié... ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorité aurait pris une décision différente si elle s'était seulement fondée sur les deux motifs mentionnés au point 13 ci-dessus ; que dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

16. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable doit être écarté aux mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus ;

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 9 ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; qu'eu égard à ce qui a été dit aux points 10 à 14 ci-dessus, il y a également lieu d'écarter le moyen tiré de ce que cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

18. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne relatif au droit d'être entendu avant l'édiction d'une décision défavorable doit être écarté aux mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus ;

19. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

20. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

21. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;

22. Considérant en l'espèce que pour justifier sa décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, le préfet a notamment fait valoir que M. C... a fait l'objet d'une précédente décision d'éloignement qui n'a pu être exécutée en raison de sa disparition et que l'intéressé séjourne en France en situation irrégulière depuis trois ans, de même que son épouse, son fils majeur et sa mère ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision est ainsi suffisamment motivée, le préfet n'étant aucunement tenu de justifier la durée de cette interdiction ;

23. Considérant, en dernier lieu, que le fait que M. C... vive depuis plus de cinq ans en France avec sa femme et son fils, qu'il travaille depuis le mois d'août 2012 comme compagnon chez Emmaüs, enfin que son fils ait été admis en première année de BTS ne suffisent pas à faire regarder la décision d'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre par le préfet de l'Ardèche comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que, par suite, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la circonstance selon laquelle la présence sur le territoire français de M. C... ne représenterait pas une menace pour l'ordre public ne fait pas obstacle à ce que le préfet prononce une telle interdiction ; que dès lors, contrairement à ce que soutient l'intéressé, cette décision ne méconnaît pas les dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant placement en rétention administrative :

24. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) " ;

25. Considérant que le préfet mentionne, dans la décision attaquée, les textes applicables au litige, notamment l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le fait que l'intéressé ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'ainsi, cette décision, prise concomitamment à la décision par laquelle le préfet a obligé M. C... à quitter le territoire français sans délai, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite décision serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

26. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 13 ci-dessus, M. C... ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et propres à éviter le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, peu important le fait que le préfet ait, à tort, indiqué dans l'arrêté attaqué que l'intéressé " n'a pas informé l'administration de son adresse réelle et effective " ; que, dans ces conditions, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni n'est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 juin 2017.

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N° 16MA02841

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02841
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Police - Polices spéciales - Police des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-15;16ma02841 ?
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