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13/06/2017 | FRANCE | N°16MA02261

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 16MA02261


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505375 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, M

me A..., représentée par Me Summerfield, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505375 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2016, Mme A..., représentée par Me Summerfield, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 28 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne pouvait lui refuser la délivrance d'un titre de séjour avant l'instruction de la demande de titre de séjour présentée par son époux en raison de son état de santé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Chevalier-Aubert a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme A..., de nationalité albanaise, née le 9 mai 1975, relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier, en date du 30 décembre 2015, qui a rejeté sa demande tendant l'annulation de l'arrêté en date du 28 juillet 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant que la décision en litige, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels est fondé le refus de séjour, est suffisamment motivée au regard des obligations découlant de la loi du 11 juillet 1979 ;

3. Considérant que si, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de sa violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;

4. Considérant, toutefois, qu'il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union ; qu'il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré ; que ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts ; qu'il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause ;

5. Considérant que Mme A... a été mise à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et après la notification de la décision du 2 mai 2014 de la Cour nationale du droit d'asile rejetant son recours contre le refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître la qualité de réfugié, de présenter si elle l'estimait utile tous éléments d'information ou arguments de nature à exercer une influence sur le contenu de la décision concernant son droit au séjour en France et l'obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine susceptible d'être prise concomitamment ; que l'époux de Mme A... n'a présenté que le 2 septembre 2014, postérieurement à l'arrêté du 28 juillet 2014 lui refusant l'admission au séjour au titre de l'asile, une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la requérante n'établit aucune méconnaissance du droit d'être entendu en ce qui concerne la prise en compte de l'état de santé de son époux en se bornant à évoquer une prise de rendez-vous en préfecture ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie par le préfet des Pyrénées-Orientales aurait porté atteinte à ce droit ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le refus de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

7. Considérant que Mme A... ne démontre pas que ses trois enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité en Albanie, pays dont ils ont la nationalité , ni que son fils aîné ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 5, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'époux de Mme A...aurait saisi le préfet des Pyrénées-Orientales d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade avant l'édiction de l'arrêté du 28 juillet 2014 lui refusant l'admission au séjour au titre de l'asile ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le refus de séjour en litige ne pouvait, sans méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être opposé à la requérante avant que cette nouvelle demande ne soit instruite ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " ;

10. Considérant que la Cour a, par arrêt du même jour, annulé la décision obligeant l'époux de Mme A... à quitter le territoire français ; que, dans les circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A..., qui est susceptible d'avoir pour effet de la séparer de son mari et de ses trois enfants, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 juillet 2014 par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Summerfield, avocat de Mme A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à cet avocat de la somme de 1 200 euros en application desdites dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 28 juillet 2014 est annulé en tant qu'il oblige Mme A... à quitter le territoire français et fixe le pays de destination.

Article 2 : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Montpellier en date du 30 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Summerfield, avocat de Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à Me Summerfield et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le13 juin 2017.

2

N° 16MA02261

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02261
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-13;16ma02261 ?
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