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12/06/2017 | FRANCE | N°15MA04345

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 12 juin 2017, 15MA04345


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Zéphyrin, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes à lui verser la somme de 528 825,49 euros au titre du solde d'un marché relatif au pôle psychiatrique, augmentée d'intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points à compter du 25 février 2012.

Par un jugement n° 1302837 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Me

A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2015, Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Zéphyrin, a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes à lui verser la somme de 528 825,49 euros au titre du solde d'un marché relatif au pôle psychiatrique, augmentée d'intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points à compter du 25 février 2012.

Par un jugement n° 1302837 du 17 septembre 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de Me A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2015, Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Zéphyrin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 septembre 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nîmes à lui verser la somme de 528 825,49 euros au titre du solde d'un marché relatif au pôle psychiatrique, augmentée d'intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points à compter du 25 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Nîmes une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande n'était pas tardive ;

- le décompte de liquidation valant décompte général du marché en litige lui a été irrégulièrement notifié le 4 avril 2011 ;

- cette notification n'a pas pris la forme d'un ordre de service, en méconnaissance de l'article 13.42 du CCAG applicable ;

- elle n'a pas été effectuée par l'ordonnateur du CHU ;

- elle n'a pas été adressée à la société Zéphyrin ;

- le décompte général n'a pas été établi et n'est pas signé par la maîtrise d'oeuvre, en méconnaissance de l'article 13.4 du CCAG applicable ;

- le CHU n'a pas respecté le délai de 45 jours avant de lui notifier son décompte général ;

- il n'a pas mis la société Zéphyrin en demeure d'établir son projet de décompte final préalablement à l'établissement du décompte général par la maîtrise d'oeuvre ;

- le décompte général n'a pas été établi et n'est pas signé par la maîtrise d'oeuvre, en méconnaissance de l'article 13.4 du CCAG applicable ;

- il a régulièrement fait l'objet d'un mémoire en réclamation du 25 avril 2013 ;

- ce mémoire en réclamation était suffisamment motivé au regard de l'article 13.44 du CCAG applicable ;

- il n'avait pas à être transmis au maître d'oeuvre, au regard des articles 50.11 et 50.22 de ce CCAG et l'a d'ailleurs été le 10 juillet 2013 ;

- le décompte général du marché en litige est erroné ;

- il repose sur une analyse incohérente de l'état d'avancement du chantier ;

- les pénalités de retard infligées sont injustifiées ;

- le maître d'ouvrage ne justifie ni de l'existence, ni du nombre exact des jours de retard qui lui sont reprochés, ni du quantum des pénalités infligées en conséquence ;

- il n'est pas établi que ce retard lui serait exclusivement imputable ;

- le montant des pénalités de retard doit être calculé au regard du montant effectif du marché et non de son montant initial ;

- il y a lieu de moduler ce montant compte tenu de leur caractère manifestement excessif ;

- le solde du marché doit être fixé à un montant de 410 852,27 euros TTC en sa faveur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2016, le centre hospitalier universitaire de Nîmes, représenté par la SCP Monceaux-Favre de Thierrens-Barnouin-Thevenot-Vrignaud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Me A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- la demande de Me A... devant le tribunal administratif était irrecevable ;

- son mémoire en réclamation du 22 janvier 2013 à l'encontre du projet de décompte du 4 avril 2011 était irrégulier ;

- il était tardif au regard des articles 46.1 et 13.44 du CCAG applicable ;

- il était insuffisamment motivé au regard de ses articles 13.44 et 50.11 ;

- son recours contentieux était tardif au regard de l'article 50.32 du CCAG applicable ;

- son mémoire en réclamation du 25 avril 2013 était irrégulier ;

- il était insuffisamment motivé au regard des articles 13.44 et 50.11 du CCAG applicable ;

- il n'a pas été régulièrement adressé au maître d'oeuvre ;

- le décompte de liquidation valant décompte général du marché du 4 avril 2011 lui a été régulièrement notifié ;

- le décompte de liquidation valant décompte général du marché du 9 avril 2013 lui a été régulièrement notifié ;

- ce décompte n'est pas sérieusement contesté ;

- son analyse de l'état d'avancement du chantier est cohérente ;

- les pénalités de retard infligées sont justifiées.

Par ordonnance du 30 novembre 2016, la clôture d'instruction à effet immédiat a été prononcée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant Me A....

1. Considérant que, par acte d'engagement du 8 février 2010, le CHU de Nîmes a confié à la société Zéphyrin le lot n° 1 " Gros oeuvre " d'un marché public de travaux portant sur la réalisation du pôle de psychiatrie de l'établissement de Carémeau, pour un montant de 3 517 493,93 euros hors taxes ; que le démarrage des travaux a été fixé au 1er mars suivant, pour un achèvement prévu au 1er octobre de la même année ; qu'un jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 1er février 2011 a placé la société en redressement judiciaire et désigné la société AJP comme mandataire judiciaire, ainsi que Me A... comme représentant des créanciers ; que, par courrier du 7 février suivant, le CHU a interrogé la société AJP sur la continuité du contrat, puis, par courrier du 10 mars 2011, il l'a informée de sa résiliation de plein droit, en application des dispositions de l'article L. 122-13 du code de commerce ; que, par courrier du 4 avril 2011, le CHU a déclaré auprès de Me A... une créance d'un montant de 244 088,63 euros toutes taxes comprises, correspondant au solde en sa faveur d'un décompte de liquidation valant décompte général du marché du même jour ; que cette créance a été contestée par Me A... dans un courrier adressé au CHU le 16 mai suivant ; que le projet de décompte final de la société Zéphyrin, faisant apparaître un solde en sa faveur de 410 852,27 euros toutes taxes comprises, a été adressé au CHU, le 31 octobre 2011 ; que la société Zéphyrin a été placée en liquidation judiciaire par un nouveau jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 20 décembre de la même année, désignant Me A... comme mandataire-liquidateur ; que, par une ordonnance définitive du 19 septembre 2012, le juge-commissaire a rejeté la demande du CHU tendant à l'admission de sa créance au passif de la société ; que, par courrier du 18 janvier 2013, Me A... a adressé au CHU un mémoire en réclamation présenté à l'encontre de son décompte général du 4 avril 2011 ; que cette réclamation a été rejetée par le CHU, par courriers des 19 et 26 mars 2013 ; que, par ordre de service du 9 avril suivant, Me A... s'est, de nouveau, vu notifier le décompte général du marché ; qu'il a formé à son encontre un nouveau

mémoire en réclamation, le 25 avril 2013 ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 septembre 2015 ayant rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU à lui verser, ès qualités, la somme de 528 825,49 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché en litige ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13.4 " Décompte général - Solde " du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, dans sa rédaction issue du décret susvisé du 21 juillet 1976, applicable au présent litige : " (...) 13.44. L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée sans réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. / Si les réserves sont partielles l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. / 13.45. Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas

renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, L'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepte par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. " ; qu'aux termes de son article 50.2 " Intervention du maître de l'ouvrage " du " 50.22. Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage. / 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. / Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après. " ; qu'aux termes de son article 50.3 " Procédure contentieuse " : " 50.31. Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent. Il ne peut porter devant cette juridiction que les chefs et motifs de réclamation énoncés dans la lettre ou le mémoire remis à la personne responsable du marché. / 50.32. Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, L'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. / Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable dans les conditions du 4 du présent article. " ;

3. Considérant, en premier lieu que, d'une part, le courrier adressé par Me A..., le 16 mai 2011, au CHU de Nîmes à la suite de la première notification du décompte général du marché, qui ne comporte aucune demande chiffrée et n'indique aucun motif de contestation de ce décompte, ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme un mémoire en réclamation présenté à son encontre ; que, d'autre part, il résulte de ce qui précède que la notification du même décompte a été effectuée auprès de Me A... au plus tard le 16 mai 2011 ; que ce n'est, toutefois, que le 18 janvier 2013 qu'il a adressé au CHU de Nîmes un mémoire en réclamation contestant ce décompte, dont il a, le même jour, transmis une copie au maître d'oeuvre ; que, contrairement à ce qu'il soutient, il résulte des stipulations précitées de l'article 13.44 du CCAG applicable qu'alors même qu'un différend portant sur le décompte général du marché intervient directement entre l'entreprise et le maître d'ouvrage au sens des celles de son article 50.22, ce mémoire en réclamation devait être adressé, à peine d'irrégularité, au maître d'oeuvre, dans le délai prévu par ces stipulations ; que dans ces conditions, Me A... ne saurait être regardé comme ayant régulièrement contesté le décompte général du marché dans le délai de 45 jours qui courait à partir de sa première notification ;

4. Considérant, en second lieu, que, s'il résulte de l'instruction que Me A... s'est vu notifier pour la seconde fois le décompte général du marché en litige le 15 avril 2013, ce n'est, toutefois, que le 10 juillet suivant qu'il aurait, selon ses dires, adressé copie de ce mémoire en réclamation au maître d'oeuvre ; qu'ainsi, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent, il ne saurait davantage être regardé comme ayant régulièrement contesté le décompte général du marché dans le délai de 45 jours qui courait à partir de sa seconde notification ;

5. Considérant que, dans ces conditions et alors même que le décompte général du marché en litige n'aurait pu acquérir de caractère définitif comme le soutient Me A..., la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Nîmes, tirée de l'irrégularité des mémoires en réclamation présentés au regard des stipulations précitées de l'article 13.44 du CCAG applicable, doit être accueillie ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à la condamnation du CHU de Nîmes à lui verser la somme de 528 825,49 euros toutes taxes comprises au titre du solde du marché en litige, augmentée d'intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points à compter du 25 février 2012 ;

Sur les dépens :

7. Considérant que la présente instance n'a pas occasionné de dépens ; que dès lors, les conclusions du CHU de Nîmes présentées au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Me A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soient mis à la charge du CHU de Nîmes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Me A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le CHU de Nîmes et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Me A..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Zéphyrin, est rejetée.

Article 2 : La société Zéphyrin, versera une somme de 2 000 euros au centre hospitalier universitaire de Nîmes en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Nîmes au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Zéphyrin et au centre hospitalier universitaire de Nîmes.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017 où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- M. Gautron, conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2017.

2

N° 15MA04345


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04345
Date de la décision : 12/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Fin des contrats - Résiliation.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Pénalités de retard.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Allan GAUTRON
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : PRAGMA JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-12;15ma04345 ?
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