Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline, rapporteur ;
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;
- les observations de Me B... représentant la SCI La Lauzière et celles de M. A... représentant la commune de Marseille.
Des notes en délibéré ont été présentées pour la SCI La Lauzière les 24 et 30 mai 2017 dans l'instance n° 16MA03019 et le 30 mai 2017 dans l'instance n° 16MA03016.
1. Considérant que les requêtes n° 16MA03016 et n° 16MA03019 présentées par la SCI La Lauzière sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt ;
2. Considérant que, par un jugement du 20 novembre 2003 devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé la décision du 20 janvier 2000 par laquelle le maire de Marseille a exercé le droit de préemption de la commune sur un ensemble immobilier situé 233 chemin de la Commanderie mis en vente par la société Supa et, d'autre part, enjoint à la commune de Marseille de proposer à la SCI La Lauzière d'acquérir le bien illégalement préempté ; que le Conseil d'Etat a attribué le 15 décembre 2015 au tribunal administratif de Marseille la demande présentée devant lui par la SCI La Lauzière le 16 mars 2015 et tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Marseille, sous astreinte, de prendre les mesures d'exécution du jugement du 20 novembre 2003, et notamment de lui proposer d'acquérir l'ensemble immobilier à un prix évitant tout enrichissement sans cause, de prendre en compte dans ce prix la dégradation de l'immeuble depuis la date de la préemption, et de justifier sous astreinte de 10 000 euros par jour soit s'être rendue propriétaire de l'ensemble immobilier, soit avoir valablement saisi l'autorité judiciaire ; que le tribunal administratif de Marseille, après avoir ouvert une procédure juridictionnelle d'exécution en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative, a rejeté cette demande de la SCI La Lauzière par un jugement du 26 mai 2016 ; que celle-ci en relève appel, et forme par ailleurs devant la Cour une demande tendant au sursis à exécution de ce jugement en application de l'article R. 811-7 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2016 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / Le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut renvoyer la demande d'exécution au Conseil d'Etat " ;
4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que, si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambiguïté, en préciser la portée ; que, le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée ; qu'en particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être ;
6. Considérant que, par un jugement du 20 novembre 2003, devenu définitif faute que les parties en aient relevé appel, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du maire de Marseille du 20 janvier 2000 portant préemption d'un ensemble immobilier appartenant à la société Supa et, après avoir constaté que le bien était toujours dans le patrimoine de la commune, a enjoint à cette dernière, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'une part, de s'abstenir de revendre le bien à un tiers et, d'autre part, de proposer à la SCI La Lauzière, acquéreur évincé, d'acquérir le bien à un prix visant à rétablir autant que possible et sans enrichissement sans cause de l'une quelconque des parties les conditions de la transaction à laquelle l'exercice du droit de préemption a fait obstacle ; que par un jugement du 26 juin 2008 devenu définitif après épuisement des voies de recours, ce même tribunal saisi par la SCI La Lauzière sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative a réitéré l'injonction faite à la commune de Marseille en précisant que la proposition du bien devait être faite au prix indiqué dans la déclaration d'intention d'aliéner ;
7. Considérant que les injonctions ainsi prononcées à l'encontre de la commune de Marseille pour l'exécution du jugement d'annulation de la décision de préemption sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'elles sont suffisamment précises et ne se trouvent entachées d'aucune obscurité ou ambiguïté nécessitant d'en préciser la portée ; qu'il n'y avait dès lors pas lieu, en tout état de cause et à supposer que la SCI La Lauzière ait entendu présenter à nouveau des conclusions en ce sens dans sa demande du 16 mars 2015, d'enjoindre à nouveau à la commune de Marseille de lui proposer l'acquisition du bien au prix ainsi précisé ; que, par ailleurs, la requérante ne peut valablement demander " à titre subsidiaire " que l'injonction prononcée à l'encontre de la commune soit modifiée en ce qui concerne le prix de cession pour tenir compte d'un coût de remise en état allégué résultant de la dégradation de l'ensemble immobilier, alors qu'elle n'en démontre en toute hypothèse ni la réalité ni l'imputabilité au comportement de la commune postérieur à la préemption ; que les conclusions tendant au prononcé de nouvelles injonctions présentées par la SCI La Lauzière tant devant les premiers juges que devant la Cour ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;
8. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que l'injonction prononcée par le jugement du 20 novembre 2003 et précisée le 26 juin 2008, tendant à ce que la commune de Marseille propose l'acquisition du bien illégalement préempté à la SCI La Lauzière n'avait toujours pas été exécutée par la commune lorsque la SCI a formé une nouvelle demande d'exécution le 26 mars 2015, et ne l'est pas davantage à la date du présent arrêt ; que la demande d'astreinte de la SCI La Lauzière fondée sur l'inexécution de ces décisions n'est donc pas privée d'objet ; qu'il y a, par suite, toujours lieu d'y statuer ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution, lequel ne saurait remettre en cause les mesures décidées par le dispositif du jugement initial, de se prononcer à nouveau sur la qualité de propriétaire de la commune de Marseille, ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans la décision du 29 juin 2011 susvisée ; que, pour les mêmes raisons, la qualité d'acquéreur évincé de la SCI La Lauzière ne peut davantage être contestée, en tout état de cause, devant le juge de l'exécution ;
10. Considérant que la commune de Marseille, pour établir qu'elle n'est pas en mesure d'exécuter le jugement initial, ne peut utilement se borner à invoquer la circonstance au demeurant non démontrée qu'elle ne serait jamais devenue propriétaire de l'ensemble immobilier en litige, alors que, ce faisant, elle remet nécessairement en cause le bien-fondé de la mesure d'exécution définitivement prononcée par le tribunal administratif ainsi que le motif qui en constitue le soutien nécessaire ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la commune ait pris, durant la période de treize années écoulées depuis le jugement dont elle n'avait pas relevé appel, une quelconque mesure au titre des diligences lui incombant pour permettre l'exécution de celui-ci ; qu'alors même qu'elle s'est abstenue de réitérer par acte authentique la vente issue de la préemption et d'en verser le prix au vendeur après avoir initialement procédé à la consignation de la somme correspondante, elle ne démontre pas que l'exécution du jugement du 20 novembre 2003 se heurterait à une impossibilité définitive en fait ou en droit, et qu'aucune diligence ne serait plus susceptible d'être accomplie afin qu'elle propose l'acquisition du bien à la SCI La Lauzière ; qu'enfin, si la commune a assigné la société Groupe Louxor Valenpré, venant au droit du vendeur initial, devant le tribunal de grande instance de Marseille le 5 octobre 2015, postérieurement à la nouvelle demande d'exécution présentée par la SCI La Lauzière, afin de faire constater la nullité de la vente issue de la préemption du 20 janvier 2000, l'engagement d'une telle action ayant pour objet de priver d'effet utile l'injonction prononcée à son encontre par le tribunal administratif, ne peut, en tout état de cause et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être regardée comme une diligence accomplie en vue de permettre l'exécution de celle-ci ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Marseille ne justifie pas avoir accompli les diligences utiles qui lui incombaient en vue de l'exécution du jugement du 20 novembre 2003 du tribunal administratif de Marseille, précisé par le jugement du même tribunal du 26 juin 2008, lui enjoignant de proposer l'acquisition de l'ensemble immobilier du 233 chemin de la Commanderie à la SCI la Lauzière, et n'établit pas davantage qu'aucune diligence ne pouvait plus l'être ; que la requérante est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande formée en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative et tendant au prononcé d'une astreinte pour l'exécution du jugement du 20 novembre 2003 ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement contesté, celui-ci doit être annulé ;
qu'il y a lieu, de prononcer contre la commune de Marseille, à défaut pour elle de justifier avoir exécuté le jugement du 20 novembre 2003 dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la date à laquelle elle y aura procédé ; que les parties devront informer la cour administrative d'appel de Marseille de l'effectivité de l'exécution du jugement dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 26 mai 2016 :
12. Considérant que la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la SCI La Lauzière tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mai 2016, les conclusions présentées par cette dernière tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce même jugement sont privées d'objet ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Marseille le versement à la SCI La Lauzière une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 16MA03016 de la SCI La Lauzière tendant au sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0703237 du 26 mai 2016.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 0703237 du 26 mai 2016 est annulé.
Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Marseille, si elle ne justifie pas avoir, dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, exécuté l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2003 tel que précisé par le jugement du 26 juin 2008, et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour, à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : Les parties communiqueront à la Cour la copie des actes justifiant de l'exécution du jugement précité dans un délai maximum de quatre mois à compter de la date de la notification du présent arrêt.
Article 5 : La commune de Marseille versera à la SCI La Lauzière une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présenté par la SCI La Lauzière est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Lauzière et à la commune de Marseille.
Copie en sera adressée à la société Groupe Louxor Valenpré venant aux droits de la société SUPA.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2017 où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2017.
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Nos 16MA03016 -16MA03019