Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Compagnons paveurs SA a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de ses écritures, de fixer le montant du décompte général du lot n° 2 " Revêtements spéciaux " du marché relatif au réaménagement de la traversée et de la place du Quai de la commune de Saint-Gervais-sur-Mare à la somme de 1 120 399,72 euros toutes taxes comprises et de condamner la commune de Saint-Gervais-sur-Mare à lui verser la somme de 138 482,97 euros au titre du solde de ce marché, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2013, eux-mêmes capitalisés.
Par un jugement n° 1401472 du 22 mai 2015, le tribunal administratif de Montpellier a fixé le solde du marché à la somme de 17 685,59 euros hors taxes, en faveur de la commune, et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 22 décembre 2015, la société Les Compagnons paveurs et Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 ;
2°) de fixer le montant du décompte général définitif du marché à la somme de 1 116 403,78 euros toutes taxes comprises ;
3°) à titre principal, de condamner la commune de Saint-Gervais-sur-Mare à verser à la société Les Compagnons paveurs la somme 134 494,07 euros en règlement du solde de ce marché, assortie d'intérêts moratoires à compter du 31 décembre 2013, eux-mêmes capitalisés ;
4°) à titre subsidiaire, de la condamner à verser à la société la somme de 126 894,46 euros, assortie d'intérêts moratoires à compter du 31 décembre 2013, eux-mêmes capitalisés ;
5°) de rejeter l'ensemble des demandes de la commune ;
6°) de mettre à la charge de la commune une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la demande devant le tribunal administratif était recevable ;
- le marché prévoit pour l'ouvrage n° 2304 " escalier de la Place du Quai " un prix de 2 319,38 euros par mètre linéaire ;
- la société n'a jamais expressément renoncé à ce prix unitaire ;
- les premiers juges ont excédé leur office en recalculant la totalité de l'actualisation des prix du marché, alors que son décompte général n'étant pas discuté sur ce point ;
- c'est à bon droit qu'ils ont estimé qu'aucune pénalité de retard ne pouvait être infligée à la société au titre de la tranche ferme des travaux ;
- ils ont excédé leur office en ce qui concerne les pénalités de retard infligées au titre de la tranche conditionnelle n° 3 ;
- de telles pénalités n'étaient pas demandées, la concernant, pour la période du 15 novembre 2009 au 29 janvier 2010 relative à la première phase de fourniture et de pose du garde-corps ;
- les travaux correspondants ne relèvent pas de la tranche conditionnelle n° 3 mais d'une intervention isolée ;
- les pénalités de retard infligées ne sont pas justifiées ;
- les retards constatés sont exclusivement imputables au maître d'ouvrage ;
- ils ne sauraient excéder 38 jours ;
- les pénalités de retard doivent être calculées hors taxes ;
- le solde du marché doit être calculé au regard du montant du décompte général et non du montant initial du marché, celui-ci étant à prix unitaires ;
- la commune ne s'est acquittée de paiements qu'à hauteur de 981 909,71 euros toutes taxes comprises et non de 995 782,44 euros toutes taxes comprises comme elle le prétend.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2015, la commune de Saint-Gervais-sur-Mare, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à titre principal, à la condamnation de la société Les Compagnons paveurs à lui verser la somme de 49 978,69 euros au titre du solde du marché et à la réformation en conséquence du jugement attaqué, à titre subsidiaire, à sa condamnation à lui verser la somme de 17 685,59 euros au titre du solde du marché et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 décembre 2015, la clôture d'instruction a été prononcée à effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gautron,
- et les conclusions de M. Thiele, rapporteur public.
1. Considérant que, par acte d'engagement du 29 novembre 2007, la commune de Saint-Gervais-sur-Mare a attribué le lot n° 2 " Revêtements spéciaux " du marché relatif au réaménagement de la traversée et de la place du Quai à la société Les Compagnons paveurs ; que ce marché public de travaux comprenait une tranche ferme devant être réalisée dans un délai de trois mois et trois tranches conditionnelles devant l'être dans un délai de deux mois, toutes affermies ; que les travaux, dont le démarrage avait été prescrit au 17 mars 2008, n'ont été achevés, à la suite notamment de plusieurs interruptions décidées par le maître d'ouvrage, que le 31 juillet 2013 ; que, le 31 décembre suivant, la société Les Compagnons paveurs a adressé à la maîtrise d'oeuvre son projet de décompte final, assorti d'un mémoire en réclamation portant sur le paiement d'une plus-value et l'actualisation des prix du marché, pour un montant total de 124 617,14 euros toutes taxes comprises ; qu'un décompte général lui a été notifié le 17 mars 2014, faisant droit à sa réclamation à hauteur de 53 167,94 euros hors taxes et retenant des pénalités de retard pour un montant total de 49 385,88 euros ; que la société a présenté un nouveau mémoire en réclamation à l'encontre de ce décompte le 19 mars suivant, revendiquant un solde en sa faveur de 112 453,23 euros hors taxes ; que, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 mars 2014, la société Les Compagnons paveurs a été placée en liquidation judiciaire et Me A... désigné mandataire liquidateur ; que la société Les Compagnons paveurs et Me A..., ès qualités, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015, par lequel celui-ci a fixé le solde du marché à la somme de 17 685,59 euros hors taxes en faveur de la commune et rejeté le surplus des conclusions des parties ; que, par la voie de l'appel incident, celle-ci demande que le solde du marché en sa faveur soit porté, à titre principal, à la somme de 49 978,69 euros et à titre subsidiaire, à la somme de 17 685,59 euros ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le prix de l'ouvrage n° 2304 :
2. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige : " Les pièces constitutives du marché sont les suivantes, par ordre de priorité : (...) 1 - Acte d'engagement (AE) et ses annexes éventuelles (...) 2 - Le présent cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et ses annexes éventuelles (...) 3 - Le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) (...) 4 - Le bordereau des prix (BP) / 5 - Le détail quantitatif estimatif (DQE) n'ayant pas valeur contractuelle. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de 2.1 " Montant du marché " de l'acte d'engagement : " (...) Les prix sont définis dans le bordereau des prix unitaires annexé au présent acte d'engagement. / L'évaluation de l'ensemble des travaux, telle qu'elle résulte du détail estimatif est : (...) Solution de base TC3 hors TVA : 267 188,89 euros (...) " ; que le bordereau des prix applicables au marché en litige prévoit, pour l'ouvrage n° 2403, un " prix unitaire " de 2 319,38 euros hors taxes qui " rémunère : / au mètre linéaire, la fourniture et la pose de marche[s] d'escalier monolithes en pierre. " et comprend notamment " la fourniture et la pose de marches massives (...) de dimension 40 à 45 cm x 12 à 17 cm x longueur variable selon emmarchements (éléments environ 0,80 m) (...) " ; qu'enfin, le détail quantitatif estimatif de ce marché mentionne, pour l'ensemble de ses tranches, s'agissant du même ouvrage, un prix forfaitaire du même montant ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la comparaison entre le détail quantitatif estimatif du marché en litige et les stipulations précitées de l'article 2.1 de l'acte d'engagement, que le montant total de la tranche conditionnelle n° 3 du marché, fixé par lesdites stipulations à la somme de 267 188,89 euros hors taxes, l'a été compte tenu d'un prix fixé forfaitairement à la somme de 2 319,38 euros hors taxes pour l'ouvrage n° 2304, sur la base du détail quantitatif estimatif (DQE) annexé ; que, toutefois, ni ce DQE, ni, par suite, le montant estimatif de la tranche conditionnelle n° 3 figurant dans l'acte d'engagement, n'ont, en vertu des stipulations également précitées de l'article 2 du CCAP de ce marché, valeur contractuelle ; que si, dans deux factures adressées au maître d'ouvrage les 27 janvier et 15 mars 2012, la société Les Compagnons paveurs a retenu, pour cet ouvrage, un prix forfaitaire de 2 319,38 euros hors taxes, ces seules factures ne peuvent être regardées comme traduisant la volonté commune des parties de conclure un avenant au marché sur ce point ; que dans ces conditions, les requérants sont fondés à se prévaloir des stipulations précités du bordereau de prix assignant à l'ouvrage n° 2304 un prix unitaire fixé à la somme de 2 319,38 euros hors taxes par mètre linéaire ;
5. Considérant, en second lieu, que si la commune soutient que la société Les Compagnons paveurs n'aurait pas, comme le prétendent les requérants, réalisé 18 mètres linéaires de marches au titre de l'ouvrage litigieux, l'unique photographie qu'elle produit à l'appui de ces allégations sur ce point, laquelle notamment ne représente pas cet ouvrage dans sa totalité, n'est pas, à elle seule, suffisamment probante pour faire regarder la contestation de la commune comme sérieuse ; que dès lors, le prix de l'ouvrage n° 2304 doit être fixé, en application des stipulations précitées du bordereau de prix, à 41 748,84 euros hors taxes ; que les requérants sont, ainsi, fondés à réclamer le paiement d'une somme supplémentaire de 39 429,36 euros hors taxes à ce titre ;
En ce qui concerne l'actualisation du prix du marché :
6. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, sans pour autant y être tenues, les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs ; que l'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales ; qu'il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire ; qu'après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général ; qu'il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché en litige, approuvé par le décret susvisé du 21 janvier 1976 : " (...) Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. / Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. / Si les réserves sont partielles, l'entrepreneur est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte sur lesquels ces réserves ne portent pas. " ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la comparaison entre le décompte général adressé par le maître d'ouvrage à la société Les Compagnons paveurs, le 3 mars 2014, et le décompte général modifié que lui a retourné la société, le 19 du même mois, assorti de réserves et d'un mémoire en réclamation, que s'agissant de l'actualisation des prix du marché, le différend entre les parties portait exclusivement sur la seconde phase de la tranche conditionnelle n° 3, pour un montant de 39 429,46 euros hors taxes réclamé par la société en sus des 12 103,94 euros hors taxes accordés par le maître d'ouvrage, au seul titre de la prise en compte du prix final de l'ouvrage n° 2304 ; que ni les stipulations précitées de l'article 13.44 du CCAG applicable, ni celles propres au marché en litige, ne dérogent aux principes rappelés au point 5 ; qu'ainsi, le décompte général du marché doit être regardé comme définitif en ce qui concerne l'actualisation des prix de la tranche ferme, des tranches conditionnelles n° 1 et n° 2 et de la première phase de la tranche conditionnelle n° 3, pour un montant total de 41 064 euros hors taxes, ainsi qu'en ce qui concerne l'actualisation de celui de la seconde phase de cette dernière, à la seule exception de son montant ; que par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, à la demande de la commune de Saint-Gervais, procédé à une réévaluation de l'actualisation de l'ensemble des tranches du marché ;
9. Considérant, en second lieu, que les parties sont convenues, au sein du décompte général du marché, qui doit également être regardé comme définitif sur ce point, compte tenu de ce qui précède, d'un taux d'actualisation de 0,2094 pour la tranche conditionnelle n° 3 ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les requérantes sont alors fondés à réclamer le paiement d'une somme supplémentaire de 8 256,53 euros hors taxes au titre de l'actualisation du prix de la seconde phase de la tranche conditionnelle n° 3, laquelle doit ainsi être portée à 20 360,47 euros hors taxes ;
En ce qui concerne les pénalités de retard :
10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le différend entre les parties porte, en ce qui concerne les pénalités de retard infligées à la société Les Compagnons paveur, tant sur celles relatives à la tranche ferme du marché en litige, que sur celles relatives à la tranche conditionnelle n° 3 ; que, s'agissant de cette dernière, le montant de ces pénalités a été calculé par le maître d'ouvrage à raison de l'ensemble des retards ayant affecté la réalisation des travaux correspondants, sans distinction entre les différentes phases concernées ; que, dans le cadre de sa propre réclamation formée, sur ce point, à l'encontre du décompte général du marché, la société n'a pas davantage distingué entre ces phases, contestant la totalité des pénalités de retard infligées au titre de cette tranche de travaux ; qu'ainsi, le décompte général du marché ne saurait être regardé comme partiellement définitif en ce qui les concerne ; que par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges, en procédant à une évaluation des pénalités au titre de l'ensemble de la tranche conditionnelle n° 3, auraient excédé leur office ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 19.1 " Délais d'exécution du CCAG applicable au marché en litige : " 19.11. Le délai d'exécution des travaux fixé par le marché s'applique à l'achèvement de tous les travaux prévus incombant à l'entrepreneur y compris, sauf stipulation différente du marché, le repliement des installations de chantier et la remise en état des terrains et des lieux. / Sauf stipulation différente du marché, le délai part de la date de la notification du marché. Cette notification vaut alors ordre de commencer les travaux. / En dehors des cas de tranches conditionnelles et sauf stipulation différente du marché, lorsque celui-ci prévoit que le délai d'exécution court à partir d'une date à fixer par ordre de service, l'entrepreneur ne peut élever aucune réclamation si la date ainsi fixée n'est pas postérieure de plus de six mois à celle de la notification du marché. / Sauf stipulation différente du marché, le délai d'exécution comprend, si elle existe, la période de préparation définie au 1 de l'article 28. / 19.12. Les dispositions du 11 du présent article s'appliquent aux délais, distincts du délai d'exécution de l'ensemble des travaux, qui peuvent être fixés par le marché pour l'exécution de certaines tranches de travaux, ou de certains ouvrages, parties d'ouvrages, ou ensembles de prestations. / 19.13. Si le marché fixe, au lieu d'un délai d'exécution, une date limite pour l'achèvement des travaux, cette date n'a de valeur contractuelle que si le marché fixe en même temps une date limite pour le commencement des travaux. En ce cas, la date fixée par ordre de service pour commencer les travaux doit être antérieure à cette date limite. " ; qu'aux termes de son article 19.2 " Prolongation des délais d'exécution " : " (...) 19.23. En dehors des cas prévus aux 21 et 22 du présent article, la prolongation du délai d'exécution ne peut résulter que d'un avenant. " ; qu'aux termes de son article 19.3 " Prolongation ou report des délais en matière de tranches conditionnelles " : " Lorsque le délai imparti par le C.C.A.P. pour la notification de l'ordre de service d'exécuter une tranche conditionnelle est défini par rapport à l'origine du délai d'exécution d'une autre tranche, il est, en cas de prolongation dudit délai d'exécution, ou de retard du fait de l'entrepreneur constaté dans cette exécution, prolongé d'une durée égale à celle de cette prolongation ou de ce retard. (...) " ; qu'en vertu de l'article 3 " Délais " de l'acte d'engagement, auquel renvoie l'article 4.1 " Délai d'exécution des travaux " du CCAP du marché en litige, le délai d'exécution de sa tranche ferme était fixé à trois mois et celui de ses trois tranches conditionnelles à deux mois chacune, dans chaque cas " à compter de la date fixée par l'ordre de service prescrivant de les commencer " ; qu'enfin, aux termes de l'article 4.2 " Prolongation du délai d'exécution " du CCAP de ce marché : " Les stipulations du CCAG sont seules applicables. (...) " ;
12. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4.3.1 du même CCAP : " Lorsque la réception est prononcée, tout retard par rapport à la date fixée pour le parachèvement de l'ouvrage est sanctionnée par une pénalité. Cette pénalité est de : - 1/3000 (un par trois mille) du montant du marché par jour calendaire jusqu'au 15ième jour, - 1/1000 (un par mille) du montant du marché par jour calendaire ensuite. / Par montant du marché, on entend le montant de l'acte unique d'engagement. " ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que des pénalités de retard peuvent être infligées, pour chaque tranche du marché en litige, pour chaque jour de retard pris par son titulaire par rapport au délai fixé par l'acte d'engagement, décompté à partir de la date fixée, pour le démarrage ou, le cas échéant, la reprise des travaux, par un ordre de service ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le montant de ces pénalités doit être calculé, en vertu des stipulations précitées de l'article 4.3.1 du CCAP, par rapport au prix fixé par l'acte d'engagement et non par rapport au montant des travaux réalisés ;
14. Considérant, en troisième lieu, que, d'une part, il est constant que le démarrage des travaux prévus au titre de la tranche ferme des travaux prévus par le marché en litige a été fixé au 17 mars 2008 par un ordre de service n° 1 dont la société Les Compagnons paveurs a accusé réception le 7 précédent ; qu'en vertu des stipulations précitées de l'article 3 de l'acte d'engagement, ces travaux devaient, par suite, être réalisés le 17 juin 2008 au plus tard ; que, si la date d'achèvement des travaux ne coïncide pas nécessairement avec celle de leur réception, les requérants ne versent aux débats aucun élément de nature à établir que les travaux effectués par la société auraient été terminés antérieurement au 7 octobre 2008, date retenue par le maître d'ouvrage dans le procès-verbal de réception établi le même jour ; que par suite, ce dernier est seulement fondé à imputer à la société un retard de 112 jours et non 113 ; qu'en application des stipulations précitées de l'article 4.3.1 du CCAP, le montant des pénalités correspondantes doit être fixé à la somme de 1 575,29 euros pour les 15 premiers jours de retard et à celle de 30 560,60 euros pour les 97 jours de retard suivants, soit un total de 32 135,89 euros ;
15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2.52 du CCAG applicable au marché en litige : " Lorsque l'entrepreneur estime que la prescription d'un ordre de service appelle des réserves de sa part, il doit, sous peine de forclusion, les présenter par écrit au maître d'oeuvre dans un délai de quinze jours, décompté ainsi qu'il est précisé à l'article 5. / A l'exception des seuls cas que prévoient le 22 de l'article 15 et le 6 de L'article 46, L'entrepreneur se conforme strictement aux ordres de service qui lui sont notifiés, qu'ils aient ou non fait l'objet de réserves de sa part. " ; qu'aux termes de son article 50 " Règlement des différends et des litiges " : " 50.1. Intervention de la personne responsable du marché : / 50.11. Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. / 50.12. Après que ce mémoire a été transmis par le maître d'oeuvre, avec son avis, à la personne responsable du marché, celle-ci notifie ou fait notifier à l'entrepreneur sa proposition pour le règlement du différend, dans un délai de deux mois à compter de la date de réception par le maître d'oeuvre du mémoire de réclamation. / L'absence de proposition dans ce délai équivaut à un rejet de la demande de l'entrepreneur. / 50.2. Intervention du maître de l'ouvrage : / 50.21. Lorsque l'entrepreneur n'accepte pas la proposition de la personne responsable du marché ou le rejet implicite de sa demande. il doit, sous peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de la notification de cette proposition ou de l'expiration du délai de deux mois prévu au 12 du présent article, le faire connaître par écrit à la personne responsable du marché en lui faisant parvenir, le cas échéant aux fins de transmission au maître de l'ouvrage, un mémoire complémentaire développant les raisons de son refus. (...) 50.23. La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. (...) " ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le démarrage de la première phase des travaux relevant de la tranche conditionnelle n° 3 du marché en litige a été fixé au 15 novembre 2009, par un ordre service n° 5 du 10 du même mois, dont la société a accusé réception seulement le 26 suivant, sans qu'il soit établi ou même allégué qu'elle l'aurait reçu antérieurement ; que la réception de ces travaux a été prononcée, sans réserve, le 25 mars 2010 pour effet au 29 janvier précédent ; que, par un ordre de service n° 6 daté du 20 septembre 2009 et dont la société a accusé réception le 16 octobre suivant, la réalisation de la seconde phase de ces travaux a été ordonnée à partir du 7 novembre de la même année, avec un nouveau délai de réalisation de deux mois ; que cet ordre de service n'avait pas à être précédé d'un ordre de service ordonnant l'interruption des travaux, dès lors que ceux prévus par l'ordre de service n° 5 avaient été intégralement réalisés, ainsi qu'en atteste leur réception sans réserve ; qu'il résulte des mentions non contestées du projet de décompte général qu'en vertu d'ordres de service nos 7 à 10, l'interruption des travaux a été de nouveau ordonnée, du 16 décembre 2011 au 9 janvier 2012, puis du 17 février 2012 au 3 juin 2013 ; que l'ordre de service n° 10 daté du 29 avril 2013, dont la société a accusé réception le 27 mai suivant, ne prévoyait pas de report de la date d'achèvement des travaux au 9 août 2013 ; que s'il fait valoir que la société a émis des réserves à son encontre, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles auraient été notifiées au maître d'oeuvre ou contestées dans les conditions prévues, respectivement, par les stipulations précitées des articles 2.52 et 50 du CCAG ; que la réception de la tranche conditionnelle n° 3 a été prononcée le 24 septembre 2013, pour effet au 29 juillet précédent ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la première phase des travaux relevant de la tranche conditionnelle n° 3 a été achevée avec un retard de 3 jours par rapport au délai de deux mois prévu pour sa réalisation, lequel n'a pu courir qu'à compter de la réception de l'ordre de service n° 5 par la société ; que la seconde phase de ces travaux, dont le commencement avait été fixé au 7 novembre 2011, pour une durée de réalisation de deux mois, par l'ordre de service n° 6, a été achevée avec un retard cumulé de 74 jours, compte tenu des périodes d'interruption ordonnées ; qu'il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, ni d'aucune disposition légale ou réglementaire, que la société aurait dû bénéficier de délais d'exécution supplémentaires du seul fait de la survenue de ces périodes d'interruptions ; que, par ailleurs, elle allègue sans l'établir que le retard dont s'agit serait lui-même exclusivement imputable au maître d'ouvrage ; que dans ces conditions, ce dernier est fondé à infliger des pénalités correspondant à un retard total de 77 jours pour la tranche conditionnelle n° 3 ; qu'en application des stipulations précitées de l'article 4.3.1 du CCAP, le montant de ces pénalités doit être fixé à la somme de 1 335,94 euros pour les 15 premiers jours de retard et à la somme de 16 565,71 euros pour les 62 jours suivants, soit un total de 17 901,66 euros ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Gervais-sur-Mare était fondée à infliger à la société Les Compagnons paveurs des pénalités de retard pour un montant total de 50 037,54 euros ;
En ce qui concerne le solde du marché :
19. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des mentions non contestées du décompte général que le montant total des travaux réalisés par la société Les Compagnons paveurs s'élève à 832 594,05 euros hors taxes ; que ce montant doit être porté, compte tenu du prix de l'ouvrage n° 2304 tel qu'il a été fixé au point 5 du présent arrêt, ainsi que de l'actualisation des prix convenue par les parties pour sa tranche ferme, ses tranches conditionnelles n° 1 et n° 2 et la première phase de sa tranche conditionnelle n° 3, pour une somme totale de 41 064 euros hors taxes, d'une part et de l'actualisation du prix de la seconde phase de sa tranche conditionnelle n° 3 fixée par le présent arrêt à la somme de 20 360,47 euros hors taxes, d'autre part, à un total de 934 319,90 euros hors taxes ; qu'après déduction de celui des pénalités de retard que le maître d'ouvrage est en droit d'infliger à la société, ledit montant doit être réduit à 884 282,36 euros hors taxes, soit 1 057 601,70 toutes taxes comprises ; qu'enfin, il résulte de l'instruction, notamment de l'historique des paiements produit par la commune, non contesté sur ce point et confirmé par un courrier de la direction générale des finances publiques du 15 juillet 2015, que le même montant doit encore être réduit de 12 653,94 euros toutes taxes comprise, correspondant à une somme à régler directement à un sous-traitant ; qu'ainsi, le montant total dû à la société au titre du marché litigieux doit être fixé à 1 044 947,76 euros toutes taxes comprises ;
20. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la commune a payé à la société Les Compagnons paveurs une somme totale de 969 255,77 euros toutes taxes comprises, compte tenu, d'une part, des retenues de garanties opérées par elle pour un montant total de 13 872,73 euros toutes taxes comprises et d'autre part, du paiement direct de la somme précitée de 12 653,94 euros toutes taxes comprises auprès dudit sous-traitant ; que le solde du marché en litige doit ainsi être fixé à la somme de 75 691,99 euros toutes taxes comprises en faveur de la société Les Compagnons paveurs ;
En ce qui concerne les intérêts et les intérêts des intérêts :
21. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 98 du code des marchés publics dans sa version applicable au présent litige : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. (...) Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 21 février 2002 relatif à la mise en oeuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, pris pour son application : " I.-Le point de départ du délai global de paiement prévu aux articles 54 et 55 de la loi du 15 mai 2001 susvisée et à l'article 98 du code des marchés publics est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante ou, si le marché le prévoit, par le maître d'oeuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet. Le marché indique les conditions administratives et techniques auxquelles sont subordonnés les mandatements et le paiement. / Toutefois : (...) - pour les marchés de travaux, le point de départ du délai global de paiement du solde est la date de réception du décompte général et définitif par le maître de l'ouvrage ; (...) " ; qu'aux termes de son article 5 : " I.-Le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement. / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. (...) Les intérêts moratoires ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. / II.-1° Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. (...) 3° Pour les organismes soumis au délai de paiement mentionné au 2° de l'article 98 du code des marchés publics, qu'il soit ou non indiqué dans le marché, le taux des intérêts moratoires est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. (...) " ; qu'aux termes de l'article 3.3.6 b) du CCAP du marché en litige : " (...) Les sommes dues seront mandatées dans un délai de 45 jours et payées dans un délai de 30 jours à compter de la date de réception des factures ou des demandes de paiement équivalentes. " ;
22. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le mémoire en réclamation formé par la société Les Compagnons paveurs à l'encontre du décompte général établi par la commune de Saint-Gervais-sur-Mare, daté du 19 mars 2014 ainsi qu'il a été dit, a été reçu le 21 suivant ; qu'ainsi, le délai global de paiement de 45 jours prévu par l'acte engagement a expiré le 5 mai 2014 ; que les intérêts moratoires ont, par suite, commencé à courir, conformément aux dispositions précitées du I de l'article 5 du décret du 21 février 2002, le 6 du même mois ; qu'en application des dispositions également précitées du 3° du II du même article, d'ailleurs reprises à l'article 5 de l'acte d'engagement, leur taux doit être fixé au taux de l'intérêt légal en vigueur à cette date augmenté de deux points, soit 2,04 % ; que les requérants ont droit, à compter de la même date, au paiement de ces intérêts moratoires sur la somme de 75 691,99 euros toutes taxes comprises restant à leur payer par la commune ;
23. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article qu'aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. " ;
24. Considérant que les requérants ont demandé pour la première fois l'anatocisme dans leur requête devant le tribunal administratif, enregistrée au greffe de ce dernier le 25 mars 2014; qu'à cette date, les intérêts moratoires ne couraient pas depuis plus d'un an ; que par suite, ils ont droit à la capitalisation des intérêts échus à compter seulement du 6 mai 2015, puis à chaque échéance annuelle ;
25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont seulement fondés à demander la fixation en leur faveur du solde du marché à la somme de 75 691,99 euros toutes taxes comprises, la condamnation de la commune à la leur verser, augmentée des intérêts moratoires capitalisés, ainsi que la réformation en conséquence du jugement attaqué ; que leurs conclusions tendant à sa condamnation à leur verser, à titre principal, la somme de 134 494,07 euros et à titre subsidiaire, la somme de 126 894,46 euros, en règlement du solde du marché doivent, par suite, être rejetées ; que les conclusions d'appel incident de la commune, tendant, à titre principal, à la condamnation de la société Les Compagnons paveurs à lui verser la somme de 49 978,69 euros au titre du solde du marché, ainsi qu'à la réformation en conséquence du jugement attaqué et à titre subsidiaire, à sa condamnation à lui verser la somme de 17 685,59 euros au même titre, doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
26. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-sur-Mare une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent, en revanche, à ce que la somme réclamée au même titre par la commune de Saint-Gervais-en-Mare soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ;
D É C I D E :
Article 1er : Le solde du marché conclu le 29 novembre 2007 entre la commune de Saint-Gervais-en-Mare et la société Les Compagnons paveurs est fixé à la somme de 75 691,99 euros toutes taxes comprises en faveur de la société.
Article 2 : La commune de Saint-Gervais-sur-Mare est condamnée à verser la somme de 75 691,99 euros toutes taxes comprises à la société Les Compagnons paveurs et Me A..., augmentée des intérêts moratoires à compter du 6 mai 2014, capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts le 6 mai 2015 puis à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 22 mai 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La commune de Saint-Gervais-sur-Mare versera une somme de 2 000 euros à la société Les Compagnons paveurs et à Me A..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Compagnons paveurs SA, à Me A..., en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société et à la commune de Saint-Gervais-sur-Mare.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2017 où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 29 mai 2017.
13
N° 15MA03032