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21/04/2017 | FRANCE | N°16MA00363

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 avril 2017, 16MA00363


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 3 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et, d'autre part, la décision du 30 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a confirmé cette décision.

Par un jugement n° 1406860 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er févrie

r 2016, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...épouse E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 3 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et, d'autre part, la décision du 30 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail a confirmé cette décision.

Par un jugement n° 1406860 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er février 2016, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 3 février 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ainsi que la décision du 30 juillet 2014 par laquelle le ministre en charge du travail a confirmé cette décision ;

3°) de mettre à la charge de tous contestants la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de qualification juridique et d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2016, la SAS ISS Propreté, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que Mme E... lui verse une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.

1. Considérant que Mme E... est salariée de la SAS ISS Propreté depuis le 1er février 2010 et y exerce en qualité d'agent de service-chef d'équipe, à temps partiel à hauteur de quinze heures hebdomadaires ; qu'informée par la société GSF et par la société Onet Propreté Services qu'elles employaient également l'intéressée, la SAS ISS Propreté, constatant que le cumul des trois emplois avait pour conséquence un dépassement de la durée hebdomadaire maximale du travail, a demandé à Mme E..., par lettres du 16 octobre 2013 et du 31 octobre 2013, de régulariser sa situation en lui faisant connaître lequel des emplois elle entendait abandonner afin de se mettre en conformité avec les prescriptions du code du travail relatives à la durée maximale du travail ; qu'estimant que ces mises en demeure étaient restées infructueuses, la SAS ISS Propreté a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme E..., qui était titulaire d'un mandat de représentante syndicale et était membre élue du comité d'entreprise ; que par décision du 3 février 2014, l'inspecteur du travail a délivré cette autorisation ; que saisi par l'intéressée d'un recours hiérarchique, le ministre en charge du travail a, par décision du 30 juillet 2014, confirmé cette décision ; que Mme E... relève appel du jugement du 1er décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 3 février 2014 :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme E... mentionne les dispositions du code du travail applicables à la situation de la requérante, particulièrement les articles L. 8261-1, L. 3121-35 et R. 8262-1 du code du travail relatifs à la durée maximale de travail autorisée ; que cette décision détaille la procédure interne mise en oeuvre par l'employeur, relate la teneur des échanges entre les parties durant la phase contradictoire de l'enquête, et indique précisément les faits reprochés à l'intéressée par son employeur, soit son abstention, malgré les mises en demeure qui lui avaient été faites, à régulariser sa situation s'agissant du dépassement de la durée maximale du travail résultant du cumul de temps de travail fixé par chacun de ses trois contrats de travail ; que la décision en cause se prononce également sur la gravité de ces faits, l'inspecteur du travail ayant indiqué qu'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'enfin, elle écarte tout lien entre l'intention de la SAS ISS Propreté de licencier Mme E... et le mandat syndical détenu ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, cette décision n'est pas stéréotypée et elle a été mise à même d'en comprendre les fondements ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision, tant au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, devenu article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, que de celles de l'article R. 2421-5 du code du travail ;

3. Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

4. Considérant, d'abord, que si pour contester la matérialité des faits s'agissant du dépassement de la durée maximale du travail, Mme E... affirme n'avoir jamais signé d'avenants avec la société GSF et la société Onet Propreté Services, il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la lettre du 20 novembre 2013 adressée à son employeur suite à l'entretien préalable au licenciement, qu'elle reconnaissait effectuer un nombre d'heures supérieur à la durée légale hebdomadaire de travail de quarante huit heures et affirmait son intention de se conformer à cette limite ; que par sa lettre du 30 décembre 2013 adressée à l'inspecteur du travail, l'intéressée admettait en outre avoir commis une faute, justifiant les faits par sa volonté de " travailler plus pour gagner plus " afin de subvenir aux besoins de sa famille ; que Mme E... n'établit pas, dans la présente instance, que l'exécution de l'un au moins de ses trois contrats de travail a été suspendue durant la période du 18 septembre 2013 au 16 octobre 2013, date à laquelle elle a été mise à pied par la SAS ISS Propreté ; que l'intéressée ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance selon laquelle, du fait de cette mise à pied, le dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail avait effectivement disparu à la date à laquelle la SAS ISS Propreté a sollicité l'autorisation de licenciement, soit le 2 décembre 2013 ; qu'est également sans incidence sur le litige la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle d'autres salariés se trouveraient dans la même situation ;

5. Considérant, ensuite, que si par sa lettre du 20 novembre 2013, Mme E... a indiqué à la SAS ISS Propreté son intention de se conformer à la durée légale hebdomadaire de travail maximale, elle n'établit pas avoir pris une quelconque initiative personnelle en ce sens ni ne justifie d'un acte express concernant l'un de ses deux autres contrats de travail de nature à démontrer cette mise en conformité au regard des dispositions des articles L. 8261-1 et L. 3121-35 du code du travail ; que cette abstention est constitutive d'une faute ; que ce comportement fautif est d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de l'intéressée ; qu'il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'une erreur de qualification juridique et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés ;

6. Considérant, enfin, qu'il ne ressort des pièces du dossier que la procédure de licenciement engagée par la SAS ISS Propreté à l'encontre de Mme E... soit en lien avec l'exercice du mandat syndical dont elle est titulaire ;

Sur la légalité de la décision du ministre en charge du travail du 30 juillet 2014 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. (...) " ;

8. Considérant que lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur la demande d'autorisation de licenciement formée par l'employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur ; que, par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués, au soutien des conclusions dirigées contre cette décision ; qu'ainsi, le moyen de Mme E..., tiré de ce que la décision du ministre rejetant son recours hiérarchique serait insuffisamment motivé, est, en tout état de cause, inopérant ;

9. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4 ci-dessus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la matérialité des faits reprochés ne serait pas établie ; que les moyens tirés de ce que la décision du 30 juillet 2014 serait entachée d'une erreur de qualification juridique et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SAS ISS Propreté qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par cette société au titre des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SAS ISS Propreté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...épouseE..., à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la SAS ISS Propreté.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 avril 2017.

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N° 16MA00363

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00363
Date de la décision : 21/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : VIGNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-21;16ma00363 ?
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