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13/04/2017 | FRANCE | N°14MA01717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 13 avril 2017, 14MA01717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...H...et M. A...B..., agissant en leur nom personnel et au nom de leurs trois enfants, Kévin, Anthony et E...B..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à leur payer la somme de 1 694 959,97 euros en réparation des préjudices subis par Kévin, la somme de 100 440,66 euros à chacun des parents, la somme de 100 000 euros pour chacun des deux frères de Kévin et d'ordonner une expertise sur certains chefs de préjudices. La cai

sse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a demandé la condamnation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme J...H...et M. A...B..., agissant en leur nom personnel et au nom de leurs trois enfants, Kévin, Anthony et E...B..., ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à leur payer la somme de 1 694 959,97 euros en réparation des préjudices subis par Kévin, la somme de 100 440,66 euros à chacun des parents, la somme de 100 000 euros pour chacun des deux frères de Kévin et d'ordonner une expertise sur certains chefs de préjudices. La caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a demandé la condamnation du centre hospitalier universitaire à lui verser la somme de 65 987,87 euros au titre de ses débours.

Par un jugement n° 1205065 du 18 février 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier à payer à M. C...B...la somme de 446 917,61 euros, à Mme H...et M. A...B...la somme de 21 308,46 euros chacun, à E...et Anthony B...la somme de 7 000 euros chacun et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault la somme de 45 852,63 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2014 et un mémoire enregistré le 23 mai 2014, le centre hospitalier universitaire de Montpellier, représenté par MeK..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2014 ;

2°) à titre principal, de rejeter les demandes présentées par Mme H...et M. B...et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise portant sur la prise en charge de KévinB.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le second rapport d'expertise est insuffisant pour retenir un retard de diagnostic ;

- les médecins libéraux, auxquels l'expert n'impute aucune faute, ont eu à connaître un tableau clinique similaire au sien ;

- il n'a commis aucune faute dans la prise en charge de Kévin B...le 8 mai 2001 ;

- ce dernier n'a perdu aucune chance de se soustraire au dommage ;

- à titre subsidiaire, la perte de chance ne saurait excéder 45 %.

Par des mémoires, enregistrés les 7 août 2014, 26 mai 2016 et 28 juin 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 45 852,63 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier universitaire de Montpellier au titre de ses débours ;

3°) de porter à la somme de 439 172,32 euros le montant de l'indemnité due, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2013 s'agissant des débours provisoires et du 26 mai 2016 s'agissant des débours définitifs et de la capitalisation des intérêts, ainsi que d'une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 047 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle est fondée, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à demander au tiers responsable le remboursement des dépenses qu'elle a engagées.

Par des mémoires, enregistrés les 3 février 2015, 23 février 2015, 23 juillet 2015, 3 août 2016 et 13 septembre 2016, MmeH..., en qualité de tutrice de son fils KévinB..., Mme H... et M. A...B..., agissant tant en leur nom personnel qu'au nom de leur fils mineur E...B..., et M. G...B..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier universitaire de Montpellier ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 446 917,61 euros l'indemnité due en réparation des préjudices de KévinB..., à la somme de 21 308,46 euros chacun celle due en réparation des préjudices de Mme H...et de M. B...et à la somme de 7 000 euros chacun l'indemnité à verser à E...et AnthonyB... ;

3°) de porter à la somme de 6 736 526,60 euros l'indemnité à verser à Mme H...en qualité de tutrice de son fils Kévin, à la somme de 24 812,95 euros chacun celle due en réparation des préjudices patrimoniaux subis par Mme H...et par M. B...et à la somme de 100 000 euros chacun l'indemnité à verser au titre des préjudices moraux subis par les parents et par les deux frères de Kévin ;

4°) d'ordonner une expertise portant sur l'aménagement du domicile et les besoins futurs en tierce personne ;

5°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à leur verser la somme de 200 000 euros à titre de provision sur les sommes qui leur sont dues pour l'assistance par tierce personne ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a indemnisé le préjudice professionnel de Kévin à titre définitif, alors que seule une réparation provisionnelle en avait été demandée ;

- le retard à poser le diagnostic de méningite est fautif ;

- la perte de chance de se soustraire au dommage est totale ;

- les préjudices ont été sous-évalués.

Par des mémoires, enregistrés les 8 octobre 2014, 13 juillet 2015, 10 juin 2016, 22 août 2016 et 16 septembre 2016, le centre hospitalier universitaire persiste dans ses écritures et demande à la Cour à titre subsidiaire d'ordonner une expertise portant sur les préjudices de KévinB.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

Il soutient en outre que :

- la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas recevable à demander le remboursement de dépenses antérieures au jugement ;

- l'organisme de sécurité sociale ne justifie pas que ses débours seraient tous en lien avec la faute ;

- le tribunal administratif a alloué une indemnisation suffisante aux consortsB... ;

- ces derniers ne peuvent demander une indemnisation au titre des frais d'assistance par une tierce personne que pour les frais échus postérieurs au 18 février 2014 et sur justificatifs ;

- les frais futurs d'assistance par une tierce personne devront être indemnisés au moyen d'une rente à verser au prorata du nombre de nuits passées au domicile familial ;

- la demande relative aux frais de déplacement est irrecevable car présentée pour la première fois en appel et n'est pas suffisamment justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeI... représentant le centre hospitalier universitaire de

Montpellier et de Me F...substituant Me D...représentant Mme H...et

M.B.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

1. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Montpellier demande à la Cour, à titre principal, d'annuler le jugement du 18 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à payer en réparation des préjudices de Kévin B...la somme de 446 917,61 euros, à Mme H...et M. A...B...la somme de 21 308,46 euros chacun, à E...et Anthony B...la somme de 7 000 euros chacun et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault la somme de 45 852,63 euros et, à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise portant sur la prise en charge et les préjudices subis par KévinB... ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les consorts H...-B... avaient demandé au tribunal administratif d'indemniser le préjudice professionnel de leur fils Kévin à titre provisionnel par la somme de 200 000 euros en faisant notamment valoir que l'expert en avait préconisé le réexamen dans un délai de trois ans ; que les premiers juges ne pouvaient indemniser ce préjudice à titre définitif sans avoir au préalable invité les requérants à chiffrer le montant de leurs prétentions à ce titre ; qu'il suit de là, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen de régularité soulevé par le centre hospitalier universitaire, que les consorts H...-B... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué a été pris sur une procédure irrégulière ; que par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 février 2014 et de se prononcer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par les consorts H...-B... ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des deux rapports de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Montpellier, que lors de son arrivée au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Montpellier le 8 mai 2001 à 15 heures, Kévin, qui, accompagné de sa mère, avait consulté un médecin généraliste le 5 mai et un pédiatre le 8 mai au matin, souffrait depuis le 3 mai de céphalées fébriles, résistant aux antibiotiques et aux antipyrétiques ; que la persistance de telles céphalées durant plus de quatre jours chez un enfant constitue un signe alarmant qui doit conduire au moins à une hospitalisation et à la réalisation d'examens paracliniques ; qu'il résulte de l'instruction qu'aucun examen neurologique n'a été pratiqué sur Kévin le 8 mai, hormis un contrôle de la raideur méningée, laquelle ne constitue pas un signe de la méningo-encéphalite herpétique, et que le praticien l'a autorisé à rentrer chez lui, avec la prescription d'antipyrétiques et le conseil de consulter un médecin en cas de persistance de la fièvre au 10 mai ; que dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise, demandée par le centre hospitalier universitaire de Montpellier, relative aux conditions dans lesquelles le patient a alors été pris en charge, l'établissement de santé a, compte tenu des signes présentés par Kévin, commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne mettant pas l'enfant sous observation dès le 8 mai et en ne pratiquant pas d'examens complémentaires, tels une tomodensitométrie, qui aurait pu permettre, selon l'expert, de détecter une atteinte neurologique avant l'hémiparésie que l'enfant a présentée dans la nuit du 9 au 10 mai 2001 ; que cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'établissement de soins ;

4. Considérant, en second lieu, que lorsqu'un dommage trouve sa cause dans plusieurs fautes qui, commises par des personnes différentes ayant agi de façon indépendante, portaient chacune en elle normalement ce dommage au moment où elles se sont produites, la victime peut rechercher la réparation de son préjudice en demandant la condamnation de l'une de ces personnes ou de celles-ci conjointement, sans préjudice des actions récursoires que les coauteurs du dommage pourraient former entre eux ; que le centre hospitalier universitaire de Montpellier ne peut donc utilement se prévaloir de la faute qu'aurait commise le médecin libéral ayant examiné Kévin le 8 mai 2001 au matin ;

Sur la perte de chance :

5. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'administration du traitement de la méningo-encéphalite herpétique dans les 48 heures suivant l'arrivée à l'hôpital n'empêche pas dans 30 % des cas une évolution défavorable avec décès ou séquelles neurologiques ; qu'en l'espèce, le traitement n'a été donné à l'enfant qu'au plus tôt dans l'après-midi du 10 mai à la suite de l'obtention des résultats de l'imagerie et de la ponction lombaire effectuées dans la matinée ; que les examens nécessaires auraient dû être réalisés et le traitement administré le 8 ou le 9 mai ; que dans ces conditions, il convient de fixer le taux de perte de chance pour Kévin d'avoir pu se soustraire au dommage à 70 % ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et de Kévin B...:

7. Considérant, en premier lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, qui avait demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier universitaire à lui verser une somme de 65 987,87 euros au titre des débours exposés jusqu'au 28 novembre 2011, n'est pas recevable, ainsi que le soutient l'établissement public de soins, à demander pour la première fois en appel le remboursement des débours supportés depuis le mois de novembre 2011 jusqu'au jugement du 18 février 2014, soit jusqu'à la date du 1er janvier 2014 pour tenir compte des contraintes inhérentes à la gestion de prestations alors en cours ; que l'organisme social justifie, par un état détaillé de frais et une attestation d'un médecin conseil, que les frais d'un montant de 65 987,87 euros dont elle a demandé à être indemnisée devant les premiers juges, sont imputables à la faute commise par l'établissement hospitalier ; que, eu égard au taux de perte de chance applicable, il y a lieu de mettre le versement de la somme de 46 192 euros à la charge du centre hospitalier universitaire ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que la caisse primaire d'assurance maladie justifie, par les pièces produites devant la Cour, de dépenses d'hospitalisation et de frais médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage, consécutifs à la faute commise par l'établissement de santé, pour la période courant du 1er janvier 2014 à la date de l'arrêt, pour un montant de 47 724,47 euros, soit la somme de 33 408 euros après application du taux de perte de chance ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de Kévin B...a nécessité l'assistance de ses parents, sur la base de 10 heures par jour, durant les périodes pendant lesquelles il n'était ni hospitalisé ni accueilli en milieu paramédical ou en institution, soit pour une période justifiée, de mai 2001 à 2016, de 1 965 jours ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail ; que, toutefois, s'agissant d'une aide n'ayant pas donné lieu au paiement de salaires, il n'y a lieu de prendre en compte ni une majoration pour travail de dimanche et jours fériés ni les congés payés ; que, sur la base d'un taux horaire moyen de 11 euros, déterminé comme il vient d'être indiqué, il sera alloué à Mme H..., après application du taux de perte de chance, une somme de 151 305 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que le handicap de Kévin a nécessité l'achat d'un tricycle à propulsion et d'une orthèse plantaire pour un montant de 1 129,61 euros, soit 793 euros après perte de chance ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que Kévin B...n'était pas entré dans la vie active lorsque les dommages dont il demande la réparation sont apparus ; qu'il n'est donc pas fondé à faire état de pertes de revenus professionnels ; que dans les circonstances de l'espèce, la faute commise par l'établissement de soins a pour la victime une incidence scolaire et professionnelle qu'il y a lieu de réparer par la somme de 70 000 euros après application du taux de perte de chance ;

12. Considérant, en sixième et dernier lieu, que la réalité d'un besoin futur d'assistance d'une tierce personne est établie par l'état de santé de la victime ; que toutefois, l'état du dossier ne permet pas à la Cour d'apprécier l'étendue de ce besoin alors, au demeurant, que le sapiteur neurologue ayant assisté l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Montpellier, a estimé nécessaire, dans son rapport du 24 août 2012, qu'il soit procédé à un nouvel examen neurologique trois ans plus tard, afin d'évaluer l'évolution ultérieure de l'intéressé, qui était alors âgé de dix-neuf ans ; que la Cour n'est davantage en mesure de se prononcer, ni sur la nécessité d'une adaptation du logement ou d'un véhicule, le sapiteur ayant renvoyé sur ce point également à une expertise, ni sur la nature et l'importance des dépenses de santé futures ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête du centre hospitalier universitaire de Montpellier, d'ordonner une expertise sur ces points ; qu'il n'y a pas lieu, en l'état du dossier, compte-tenu de l'accueil à plein temps de Kévin jusqu'en septembre 2017 au centre de La Teppe et de l'incertitude quant aux modalités de sa prise en charge ultérieure, de condamner le centre hospitalier universitaire de Montpellier à verser d'ores et déjà une provision quant aux besoins futurs du jeune homme en assistance d'une tierce personne ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Montpellier doit être condamné à verser la somme de 79 600 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et la somme de 222 098 euros à Mme H...en sa qualité de tutrice de son fils Kévin en réparation des préjudices patrimoniaux de ce dernier ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux de Kévin B...:

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Kévin B...a souffert d'une période de déficit fonctionnel temporaire total de 473 jours d'hospitalisation et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 75 % pendant dix années dont il y a lieu de retrancher la durée de déficit fonctionnel temporaire total ; que les troubles dans les conditions d'existence subis par la victime durant cette période justifient que la somme de 42 000 euros lui soit allouée en réparation, après application du taux de perte de chance ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que Kévin B...a enduré des souffrances, évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7, qu'il reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent fixé à 55 % et qu'il subit un préjudice esthétique évalué à 5,5 sur 7 qu'il y a lieu d'évaluer respectivement, après application du taux de perte de chance, aux sommes de 17 500 euros, de 133 000 euros et de 12 600 euros ; que le préjudice d'établissement, d'agrément et sexuel qu'il éprouve peut être estimé à la somme de 126 000 euros après application de la perte de chance ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 14 et 15 que le centre hospitalier universitaire doit être condamné à payer à MmeH..., en réparation des préjudices extra-patrimoniaux subis par son fils, la somme de 331 100 euros ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux des parents de Kévin B...:

17. Considérant, en premier lieu, que Mme H...et M. B...justifient avoir exposé des frais de déplacement pour se rendre aux opérations d'expertise pour un montant de 884,32 euros, les frais de l'expertise ordonnée par la juridiction judiciaire pour un montant de 2 500 euros, des frais d'huissier de justice pour un montant de 503,07 euros et de certificat de demande de tutelle pour un montant de 160 euros, soit un montant total de 4 047,39 euros ; qu'ils ont ainsi droit à la somme de 2 834 euros à ce titre, soit 1 417 euros chacun ;

18. Considérant, en second lieu, que la personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle;

19. Considérant que si les conclusions tendant à être indemnisés des frais de déplacement qu'ils ont supportés, en raison de la faute commise par l'établissement de santé, pour conduire leur fils en centre d'accueil ou à son domicile, ont été présentées par Mme H... et M. B... pour la première fois en appel, elles se rattachent aux conséquences dommageables du fait générateur invoqué dans leur demande de première instance ; qu'elles sont dès lors recevables, dans la limite de l'indemnité globale chiffrée devant les premiers juges à la somme de 100 440,66 euros au titre de l'ensemble des préjudices subis par chacun des parents, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement ; que compte tenu du barème kilométrique publié par l'administration fiscale, de la puissance fiscale du véhicule de M. B..., de la distance entre le domicile de Mme H...et le centre d'accueil et des péages, les parents de Kévin sont fondés à réclamer que la somme de 5 006 euros, après application du taux de perte de chance, soit mise à la charge de l'établissement de santé pour des frais concernant les déplacements, qui ont été justifiés, qu'ils ont exposés de septembre 2013 à avril 2016, soit la somme de 2 503 euros chacun ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui a été indiqué aux points 17 et 19 que le centre hospitalier universitaire de Montpellier doit être condamné à payer la somme de 3 920 euros à chacun des parents de Kévin ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux des parents et des frères de Kévin B...:

21. Considérant, en premier lieu, que la faute commise par l'établissement public de soins est à l'origine d'un préjudice moral et d'accompagnement pour les parents de Kévin, qui justifie l'allocation de la somme de 21 000 euros à chacun d'eux, après application du taux de perte de chance ;

22. Considérant, en second lieu, que les deux frères de Kévin éprouvent, du fait de l'état de santé de celui-ci, un préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 7 000 euros chacun, après application du taux de perte de chance ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

23. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 46 192 euros, mentionnée au point 7, à compter du 30 janvier 2013 et de la somme de 33 408 euros, mentionnée au point 8, à compter du 26 mai 2016 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 7 août 2014 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 7 août 2014 pour la première somme et de rejeter cette demande en tant qu'elle porte sur la somme de 33 408 euros, dès lors qu'à la date du présent arrêt, il n'était pas dû une année d'intérêts ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 18 février 2014 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault la somme de 79 600 euros.

La somme de 46 192 euros portera intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2013. Les intérêts échus à la date du 7 août 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

La somme de 33 408 euros portera intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2016.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Montpellier est condamné à payer à Mme H... en sa qualité de tutrice de son fils Kévin B...la somme de 553 196 euros, à Mme H...et à M. B...la somme de 24 920 euros chacun et à MM. E... et G...B...la somme de 7 000 euros chacun.

Article 4 : Il sera, avant de statuer sur le surplus des conclusions à fin d'indemnisation, procédé à une expertise médicale contradictoire avec le centre hospitalier universitaire de Montpellier et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, avec mission pour l'expert de :

- préciser la nature et l'étendue de toutes les séquelles dont souffre actuellement Kévin B...;

- décrire l'étendue des besoins actuels et futurs de Kévin en assistance par une tierce personne ;

- indiquer les conditions notamment financières de l'hébergement à venir, ses modalités possibles ou telles qu'elles sont envisagées par les parents de Kévin et, à cet égard, décrire les gênes engendrées par l'inadaptation du logement familial, d'évaluer le coût d'adaptation dudit logement et en cas d'impossibilité d'adaptation, d'évaluer le coût d'une habitation similaire adaptée au handicap de la victime et d'évaluer le cas échéant les frais d'adaptation du véhicule ;

- décrire les besoins annuels en soins médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage de Kévin.

Article 5 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L'expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties intéressées dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Les conclusions présentées par Mme H...et M. B...à fin de provision sont rejetées.

Article 8 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 9: Le présent arrêt sera notifié à Mme J...H..., à M. A...B..., à M. G...B..., au centre hospitalier universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président,

- M. Laso, président-assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 avril 2017

2

N° 14MA01717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01717
Date de la décision : 13/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Karine DURAN-GOTTSCHALK
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SZWARC

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-13;14ma01717 ?
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