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16/03/2017 | FRANCE | N°16MA00807

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 16MA00807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision prise le 10 juin 2013 par l'inspecteur du travail de la 19ème section du pôle travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'A

zur refusant l'autorisation de procéder à la rupture conventionnelle du con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision prise le 10 juin 2013 par l'inspecteur du travail de la 19ème section du pôle travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur refusant l'autorisation de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A..., salariée protégée.

Par un jugement n° 1401122 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, la société Distribution Casino France, représentée par la SCP Joseph Aguera et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 13 décembre 2013 du ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social ;

3°) d'enjoindre à l'autorité compétente d'autoriser la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A....

Elle soutient que :

- elle était en droit, en l'absence de comité d'établissement, de saisir directement l'inspecteur du travail du projet de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A... ;

- le comité social d'établissement mis en place par l'accord de groupe du 27 septembre 1993 a, en tout état de cause, été consulté sur le projet de rupture conventionnel du contrat de travail.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guidal, président,

- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.

1. Considérant que la société Distribution Casino France, qui a pour activité l'exploitation de supermarchés et d'hypermarchés, a sollicité l'autorisation de procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A..., salariée protégée ; que, par une décision du 10 juin 2013, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation sollicitée ; que la société Distribution Casino France relève appel du jugement du 1er décembre 2015, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 10 juin 2013 prise par l'inspecteur du travail ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail : " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties " ; que l'article L. 1237-15 du même code dispose que : " Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1237-15 du code du travail que les salariés investis de fonctions représentatives peuvent, le cas échéant, convenir en commun avec leur employeur de la rupture du contrat de travail qui les lie et soumettre la rupture conventionnelle ainsi obtenue à l'autorisation de l'inspecteur du travail ; qu'ils ne sauraient renoncer à la protection exceptionnelle d'ordre public instituée par le législateur pour protéger leur mandat ; qu'ainsi, en application des dispositions des articles L. 2421-2 et L. 2421-3 du code du travail, insérés à la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie de ce code et auxquels renvoie l'article L. 1237-15, tout projet de rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié élu délégué du personnel ou conseiller prud'homal est obligatoirement soumis à l'avis du comité d'entreprise, sauf dans le cas où il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'entreprise et où l'inspecteur du travail est alors saisi directement ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2322-1 du code du travail : " Un comité d'entreprise est constitué dans toutes les entreprises employant au moins cinquante salariés " et que selon l'article L. 2327-1 du même code : " Des comités d'établissement et un comité central d'entreprise sont constitués dans les entreprises comportant des établissements distincts " ; que l'article L. 2327-2 dudit code dispose que : " Le comité central d'entreprise exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement. / Il est informé et consulté sur tous les projets économiques et financiers importants concernant l'entreprise, notamment dans les cas définis aux articles L. 2323-21 et L. 2323-26 " ; que l'article L. 2327-7 précise que : " Dans chaque entreprise le nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées, conclu selon les conditions de l'article L. 2324-4-1. Lorsque cet accord ne peut être obtenu, l'autorité administrative dans le ressort duquel se trouve le siège de l'entreprise décide de ce nombre et de cette répartition (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 2327-3, pris pour l'application de ces dernières dispositions : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du siège de l'entreprise est compétent pour la détermination du nombre d'établissements distincts et la répartition des sièges entre les différents établissements et les différentes catégories prévue au deuxième alinéa de l'article L. 2327-7 " ; qu'enfin, selon l'article L. 2327-15 " Les comités d'établissement ont les mêmes attributions que les comités d'entreprise dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements " ;

5. Considérant qu'il ressort du rapprochement des dispositions précitées du code du travail relatives aux attributions respectives du comité central d'entreprise et du comité d'établissement que, dans les entreprises comportant des établissements distincts c'est normalement le comité d'établissement qui doit être consulté sur le projet de rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié protégé ; qu'il en va toutefois autrement dans le cas où le salarié protégé n'est pas rattaché à un établissement distinct ; qu'il appartient, dans ce cas particulier, à l'employeur de consulter le comité central d'entreprise et de le mettre à même d'émettre son avis, en toute connaissance de cause, sur le projet de rupture conventionnelle du contrat de travail du salarié protégé ; qu'à cette fin, il doit lui transmettre, notamment à l'occasion de la communication qui est faite aux membres du comité de l'ordre du jour de la réunion en cause, des informations précises et écrites sur l'identité du salarié concerné et sur l'intégralité des mandats détenus par ce dernier ; qu'il appartient à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de rupture conventionnelle du contrat de travail d'apprécier si l'avis du comité central d'entreprise a été régulièrement émis, et notamment si le comité a disposé des informations lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause ; qu'à défaut, elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, si par une décision du 4 juin 2013, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Rhône-Alpes, autorité territorialement compétente, a, en application des dispositions des articles précités L. 2327-7 et R. 2327-3 du code du travail, reconnu la qualité d'établissement distinct au siège social de la société Distribution Casino France, situé à Saint-Etienne (Loire) ainsi qu'à cent soixante seize hypermarchés et supermarchés Casino comportant un effectif d'au moins cinquante salariés, en revanche, cette même qualité n'a pas été reconnue au supermarché Casino de Trets (Bouches-du-Rhône) où Mme A... exerce les fonctions de responsable commerciale ; que l'intéressée n'étant pas rattachée à un établissement distinct doté d'un comité d'établissement, il résulte de ce qui a été énoncé au point précédent qu'il incombait à l'employeur de soumettre à l'avis du comité central d'entreprise le projet de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A..., déléguée du personnel et conseiller prud'homal ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle était en droit, en l'absence de comité d'établissement, de saisir directement l'inspecteur du travail de ce projet ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la société Distribution Casino France a constitué au supermarché Casino de Trets un " comité social d'établissement " dans le cadre d'un accord d'entreprise conclu le 27 septembre 1993 avec plusieurs organisations syndicales ; que si, aux termes de cet accord, ce comité, composé des délégués du personnel, est informé des questions intéressant la marche générale de l'établissement et en particulier des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, il ne dispose d'aucune des attributions légales détenues par le comité central d'entreprise ou le comité d'établissement ; que, par suite, si la société a saisi le " comité social d'établissement " du projet de rupture conventionnelle du contrat de travail de Mme A..., cette consultation, qui n'a pas de portée équivalente à celle prévue par les articles L. 2421-2 et L. 2421-3 du code du travail, ne peut, en tout état de cause, pallier celle du comité central d'entreprise, requise en l'espèce comme il a été dit au point 6 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'inspecteur du travail était légalement fondé à refuser l'autorisation sollicitée au motif que l'employeur ne pouvait valablement, au regard des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail, consulter le " comité social d'établissement " en lieu et place d'un comité de rattachement ; que, par voie de conséquence, c'est à bon droit que le ministre du travail, de l'emploi de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 10 juin 2013 prise par l'inspecteur du travail ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

10. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la société Distribution Casino France, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 28 février 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

2

N° 16MA00807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00807
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : JOSEPH AGUERA et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-03-16;16ma00807 ?
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