Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D..., agissant en qualité d'héritière de Mme C...A..., a demandé au tribunal administratif de Nice la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle Mme A... a été assujettie au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1202775 du 10 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 décembre 2014 et le 31 octobre 2016, Mme D..., représentée dans le dernier état de la procédure par la SELARL Cabinet Sollberger, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 octobre 2014 ;
2°) de la décharger de l'imposition litigieuse ;
3°) d'ordonner le remboursement de la somme de 245 167 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les aménagements réalisés par le preneur sont des travaux de nature locative et ne pouvaient donc être ajoutés aux revenus fonciers de Mme A... ;
- les bailleurs n'ont pas eu la disposition des aménagements réalisés par la locataire ;
- la société locataire a continué à pratiquer postérieurement à 2008 des amortissements sur les travaux réalisés ;
- elle est fondée à se prévaloir de l'interprétation donnée par l'administration de la loi fiscale dans l'instruction référencée 5D-2-07.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme D... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.
1. Considérant que Mme A... détenait 75 % de l'usufruit d'un immeuble situé à Menton destiné à l'exploitation hôtelière, dont sa fille Mme D... avait reçu 25 % en pleine propriété et 75 % en nue-propriété ; que cet immeuble a été donné en location à la SARL Hôtel Prince de Galles le 31 mars 1981 aux clauses et conditions d'un bail commercial conclu pour une durée de neuf ans et reconduit à deux reprises, jusqu'au 31 mars 2008 ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, dont Mme A... a fait l'objet au titre de l'années 2008, l'administration a notifié à Mme D..., en sa qualité d'héritière de Mme A... décédée le 10 novembre 2010, un redressement à l'impôt sur le revenu à raison de la réintégration dans les revenus fonciers de Mme A..., au prorata de ses droits d'usufruitière, du montant des travaux d'aménagement effectués dans les locaux loués par la société preneuse ; qu'en conséquence, Mme D... s'est vue assigner un complément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008 ; qu'elle relève appel du jugement du 10 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 29 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 145-9 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, relatif au bail commercial : " Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du présent chapitre ne cessent que par l'effet d'un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance. /A défaut de congé, le bail fait par écrit se poursuit par tacite reconduction au-delà du terme fixé par le contrat, conformément à l'article 1738 du code civil et sous les réserves prévues à l'alinéa précédent (...) " ; que selon l'article L. 145-11 du même code : " Le bailleur qui, sans être opposé au principe du renouvellement, désire obtenir une modification du prix du bail doit, dans le congé prévu à l'article L. 145-9 (...) faire connaître le loyer qu'il propose, faute de quoi le nouveau prix n'est dû qu'à compter de la demande qui en est faite ultérieurement suivant des modalités définies par décret en Conseil d'Etat " ;
4. Considérant que lorsqu'un contrat de bail prévoit, en faveur du bailleur, la remise gratuite en fin de bail des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer ayant le caractère d'un revenu foncier imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet avant l'arrivée du terme d'une résiliation ; qu'en revanche, tel n'est pas le cas des travaux réalisés par le preneur et revenant gratuitement au bailleur au terme du bail, lorsqu'ils correspondent à des aménagements relevant de la catégorie des travaux de nature locative ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le bail commercial consenti à la SARL Hôtel Prince de Galles, en dernier lieu par acte 27 juillet 1999, prévoyait que le preneur s'engageait à " laisser en fin de bail tous travaux d'amélioration ou de modification sans indemnité au bailleur " ; que, par acte du 28 septembre 2007, les bailleurs ont donné congé à la SARL Hôtel Prince de Galles avec effet à la date du 31 mars 2008, avec offre de renouvellement en contrepartie d'un nouveau loyer d'un montant annuel de 135 000 euros ; que la SARL Hôtel Prince de Galles a expressément accepté le principe du renouvellement du contrat, mais a refusé le montant du nouveau loyer réclamé par les bailleurs, fixé en dernier lieu à 97 218 euros par un jugement du 1er octobre 2014 du tribunal de grande instance de Nice, lequel a été confirmé par un arrêt du 21 janvier 2016 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
6. Considérant que l'expiration le 31 mars 2008 de la période de neuf ans initialement prévue dans l'acte du 27 juillet 1999 a constitué pour les parties la fin du bail, dont la survenance a eu pour effet de transférer aux bailleurs la propriété des aménagements réalisés par le preneur ; qu'il résulte toutefois, de l'instruction que les aménagement réalisés par la SARL Hôtel Prince de Galles, qui sont revenus aux propriétaires à l'expiration du bail, consistaient, d'une part, en la réalisation de travaux de modernisation de la cuisine de l'hôtel permettant d'y rationaliser le travail, en la pose d'un vélum sur la partie déjà exploitée du jardin, ainsi que la modification des portails n'ayant entraîné qu'une modification très limitée des lieux et d'autre part, en divers travaux d'entretien comportant notamment des reprises de peinture et des enduits de balcon, des ravalements de façade, la pose d'une enseigne, la mise en place d'une ventilation, le traitement de charpentes et la reprise d'un solin, ainsi que divers travaux de zinguerie et d'électricité ; que ces différents travaux et aménagements relevaient de la catégorie des travaux de nature locative, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt précité du 21 janvier 2016 ; qu'au demeurant, l'administration, sur qui pèse la charge de la preuve du bien-fondé de l'imposition dès lors que la procédure contradictoire a été suivie et que la rectification n'a pas été acceptée par la contribuable, ne conteste pas la nature locative de ces travaux ; que leur montant ne pouvait, par suite, être ajouté aux revenus fonciers perçus par Mme A... en 2008 ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir par ce moyen, soulevé pour la première fois en appel, que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 10 octobre 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'année 2008, correspondant à la réintégration dans les revenus fonciers de Mme A... de la somme de 538 642 euros représentant la quote-part de dépenses de travaux assignée à l'intéressée ;
Sur les conclusions de Mme D... tendant au remboursement des sommes acquittées au titre de l'imposition en litige :
8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable ; qu'en l'absence de litige né et actuel relatif à un refus de remboursement des sommes acquittées par Mme D... au titre de l'imposition en litige, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de procéder au remboursement de ces sommes sont sans objet et, par suite, irrecevables ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 10 octobre 2014 est annulé.
Article 2 : Mme D... est déchargée du supplément d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 2008.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mars 2017.
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N° 14MA05076
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