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23/12/2016 | FRANCE | N°16MA00672

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2016, 16MA00672


Vu la procédure suivante :

Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 25 novembre 2015 par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement, d'autre part, l'arrêté du 13 janvier 2016, par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales a décidé de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 1600141 du 14 janvier 2016, le magistrat désigné du tri

bunal administratif de Montpellier, statuant en application des dispositions du paragraph...

Vu la procédure suivante :

Mme D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 25 novembre 2015 par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement, d'autre part, l'arrêté du 13 janvier 2016, par lequel la préfète des Pyrénées-Orientales a décidé de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 1600141 du 14 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier, statuant en application des dispositions du paragraphe III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles R. 776-14 à R. 776-28 du code de justice administrative, a fait droit à cette demande seulement en tant que l'arrêté du 25 novembre 2015 porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi, et a également annulé l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 février 2016 et le 29 novembre 2016, la préfète des Pyrénées-Orientales, représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 14 janvier 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le fait que Mme B... ait été victime de violences conjugales en Albanie, puis en Grèce, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle soit éloignée à destination de ces pays ;

- l'intéressée ne satisfait pas aux conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour aux ascendants d'un ressortissant communautaire ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français était justifiée par le fait que sa demande d'asile avait été rejetée ;

- elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence était justifiée par le risque de fuite de l'intéressée ;

- elle pouvait légalement fixer l'Albanie comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

- le jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé sa décision du 13 juin 2016 portant obligation de quitter le territoire français n'est pas définitif de sorte que son présent recours, dirigé contre le jugement du 14 janvier 2016 ayant annulé son arrêté du 25 novembre 2015, conserve un objet.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 juillet 2016 et le 28 novembre 2016, Mme B..., représentée par Me C..., conclut dans le dernier état de ses écritures, à titre principal au non-lieu à statuer, à titre subsidiaire au rejet de la requête, et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, sous réserve que son conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision préfectorale du 13 juin 2016 portant obligation de quitter le territoire français qui s'est substituée à celle du 25 novembre 2015, de sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer ;

- la préfète a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 et l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968 ;

- elle a méconnu l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la préfète ne pouvait légalement fixer l'Albanie ou la Grèce comme pays de renvoi.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 ;

- le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Coutier, premier conseiller.

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité albanaise, est entrée en France le 8 mars 2013, accompagnée de son jeune fils ; que la demande d'asile qu'elle a présentée a été rejetée par une décision du 1er juillet 2014 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que le recours formé par l'intéressée contre cette décision a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 mars 2015 ; que par arrêté du 25 novembre 2015, la préfète des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé un pays de destination pour l'exécution de la mesure d'éloignement ; que cette même autorité a décidé, par arrêté du 13 janvier 2016, l'assignation à résidence de l'intéressée ; que la préfète des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 14 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 25 novembre 2015 seulement en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi, ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence ;

Sur l'exception de non-lieu soulevée par Mme B... :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 13 juin 2016, la préfète des Pyrénées-Orientales a de nouveau fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français, en fixant, cette fois, la Grèce comme pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement ; que si, par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté, la préfète a, dans le délai de recours contentieux, relevé appel de ce jugement, qui n'est dès lors pas définitif ; qu'en conséquence, et alors, au demeurant, que l'arrêté du 25 novembre 2015 qui a été annulé par le jugement critiqué par le présent recours a reçu un début d'exécution par la voie de l'assignation à résidence prononcée le 13 janvier 2016 par l'autorité préfectorale à l'encontre de Mme B..., l'édiction de cet arrêté du 13 juin 2016 ne prive pas d'objet ledit recours ;

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

3. Considérant que si Mme B..., mariée le 4 juin 2007 avec un compatriote possédant également la nationalité grecque, fait valoir qu'elle a été victime de violences exercées par son époux et d'une séquestration et d'une tentative de meurtre de son père, ses allégations, d'ailleurs parfois contradictoires avec ses déclarations à l'OFPRA, ne sont pas corroborées par les pièces du dossier ; que notamment, si elle soutient avoir dû avorter le 10 décembre 2008 à la suite de violences physiques, il n'est fait aucune mention de cet épisode dans le compte rendu d'audition établi par l'officier de protection de l'OFPRA duquel il ressort, en revanche, que les relations entre les deux époux étaient très épisodiques, le mari de Mme B... vivant habituellement en Grèce, et " convenables " selon les dires de l'intéressée jusqu'en 2010 ; qu'elles ne se sont dégradées, selon ses propres indications, que lors de deux visites effectuées, de manière d'ailleurs très espacée, en août de la même année puis en août 2012 ; que l'attestation établie le 12 janvier 2016 par un psychologue assurant le suivi de l'enfant de Mme B..., mentionnant que celui-ci présente des troubles post traumatique liés aux violences familiales dont il a été témoin ne saurait, à lui seul, suffire à établir l'existence des menaces alléguées en cas de retour en Albanie ; que la réalité des dangers auxquels l'intimée serait exposée du fait des réactions violentes de son père n'est pas davantage établie ; qu'en l'absence de tout élément s'opposant à ce que Mme B... emmène avec elle son enfant mineur en cas de retour dans son pays d'origine, où en Grèce, pays dans lequel elle est légalement admissible, le préfet n'a pas entaché son arrêté du 25 novembre 2015 faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français et fixant notamment l'Albanie comme pays de renvoi, d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la préfète des Pyrénées-Orientales est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 14 janvier 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision d'éloignement ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le pays de renvoi et l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence, au motif que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B..., devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour ;

Sur la légalité des décisions querellées :

S'agissant du droit au séjour susceptible de faire obstacle à la mesure d'éloignement contestée :

6. Considérant que Mme B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, auxquelles se sont substituées celles de l'article 10 du règlement UE n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, dès lors que son enfant, né en 2009, qui certes a la nationalité d'un Etat membre, n'est toutefois pas en âge d'être, ou d'avoir été, employé sur le territoire d'un autre État membre tel qu'exigé par ces dispositions ; qu'elle ne peut davantage se prévaloir des dispositions de l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil du 15 octobre 1968, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt C480/08 Teixeira rendu le 23 février 2010 par sa Grande Chambre, dès lors que son enfant ne poursuit pas des études ; qu'enfin elle ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'étant pas ascendant à charge de son enfant au sens de ces dispositions ;

7. Considérant que si Mme B..., pour soutenir que son enfant, de nationalité grecque et dont elle a la charge, ainsi qu'elle-même par voie de conséquence, auraient droit de séjourner en France, invoque les dispositions de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et celles de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, elle n'établit pas, en tout état de cause, qu'elle satisfait à la condition de ressources posée par ces dispositions ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, la décision du 25 novembre 2015 portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) /7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

10. Considérant que Mme B... ne démontre pas, par le seul fait qu'elle maîtriserait la langue française, qu'elle exercerait des activités bénévoles auprès de plusieurs associations d'aide aux étrangers et qu'elle s'investirait dans une association de lutte contre les violences faites aux femmes, une insertion particulière dans la société française, ni ne justifie l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, où elle n'a séjourné qu'un peu plus de deux ans et demi à la date de la décision attaquée ; que dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée, au regard des buts poursuivis par l'administration, porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; que cette décision ne méconnaît, par suite, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elle soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

12. Considérant que l'exécution de cette décision n'implique nullement une séparation de l'enfant d'avec sa mère ; que Mme B... n'établit pas que son enfant ne pourrait reprendre une scolarité en Albanie ou en Grèce et qu'il y bénéficierait du suivi psychologique nécessaire à son état ; que, par suite, l'intimée n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2015 en tant qu'il fixe le pays de renvoi :

13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. /Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, Mme B... n'établit pas l'existence des violences qu'elle dit avoir subies ; qu'elle ne démontre pas sérieusement qu'elle serait exposée à des risques pour sa vie en cas de retour en Albanie ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

15. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres: a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. " ; qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé "Droit de séjour de plus de trois mois" : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : (...) b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...) 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) " ; que ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes ; que l'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie ; que, dans pareille hypothèse, l'éloignement forcé du ressortissant de l'Etat tiers et de son enfant mineur ne pourrait, le cas échéant, être ordonné qu'à destination de l'Etat membre dont ce dernier possède la nationalité ou de tout Etat membre dans lequel ils seraient légalement admissibles ;

16. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, que Mme B... n'établit pas qu'elle satisfait à la condition de ressources posée par les dispositions précitées ; que, toutefois, l'exécution de la mesure d'éloignement à destination de l'Albanie, ou à destination de tout Etat tiers à l'Union européenne dans lequel elle serait admissible, aurait pour effet de priver son fils, de nationalité grecque, la jouissance effective des droits que lui confère ce statut au sein de l'un des Etats membre ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2015, seulement en tant qu'il désigne, pour l'exécution forcée de la mesure d'éloignement, tout Etat tiers à l'Union comme pays de renvoi ;

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) /6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré (...) ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

18. Considérant que Mme B... fait valoir qu'elle a indiqué l'adresse où elle était hébergée, qu'elle s'est présentée systématiquement à l'ensemble des convocations auxquelles elle était astreinte et qu'elle est en possession d'un passeport, de sorte qu'elle présentait des garanties de représentation bien plus importantes que la majorité des étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire qui ne disposent que d'une adresse de domiciliation ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, particulièrement du procès-verbal de son audition par les services de police, le 13 janvier 2015, ayant précédé l'édiction de la décision attaquée, que l'intéressée a déclaré ne pas avoir l'intention de déférer volontairement à l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite par arrêté préfectoral du 25 novembre 2015, alors que le délai pour quitter le territoire était expiré ; que, dans ces conditions, la préfète a pu légalement assigner à résidence Mme B... dans la perspective de l'exécution forcée de son éloignement ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la préfète des Pyrénées-Orientales est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé son arrêté du 25 novembre 2015 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et qu'il fixe le pays de renvoi, excepté, cependant, en tant qu'il désigne à cette fin tout Etat tiers à l'Union européenne, d'autre part, son arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de Mme B... la somme que la préfète des Pyrénées-Orientales demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par Mme B... soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 14 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a annulé, d'une part, la décision du 25 novembre 2015 de la préfète des Pyrénées-Orientales faisant obligation à Mme B... de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi, excepté en tant qu'elle désigne à cette fin tout Etat tiers à l'Union européenne, et d'autre part, l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation des décisions du 25 novembre 2015 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont rejetées, sauf en en tant que cette dernière décision désigne tout Etat tiers à l'Union européenne, de même que celles tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2016 portant assignation à résidence.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la préfète des Pyrénées-Orientales y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Me C... et à Mme D...B....

Copie en sera adressée à la préfète des Pyrénées orientales.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 décembre 2016.

N° 16MA00672 2

acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00672
Date de la décision : 23/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : SCP VIAL - PECH DE LACLAUSE - ESCALE - KNOEPFFLER

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-23;16ma00672 ?
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