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23/12/2016 | FRANCE | N°15MA04427

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 23 décembre 2016, 15MA04427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 avril 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et, d'autre part, l'arrêté du même préfet en date du 23 avril 2015 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1502424 du 27 avril 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... C....

Procédure deva

nt la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015, M. A... C..., représenté par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 21 avril 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et, d'autre part, l'arrêté du même préfet en date du 23 avril 2015 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1502424 du 27 avril 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2015, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 avril 2015 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir :

- l'arrêté préfectoral du 21 avril 2015 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi,

- l'arrêté préfectoral du 23 avril 2015 ordonnant son placement en rétention administrative ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de trente jours et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé dans le délai de huit jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 2 000 euros à Me B....

Il soutient que :

- le rejet de sa demande de première instance comme irrecevable a méconnu le droit au recours effectif prévu à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a été privé des garanties prévues par l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que les voies et délais de recours, irrégulièrement notifiés, ne lui sont pas opposables ;

- le droit d'être entendu préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, prévu à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu du fait du caractère incomplet du procès-verbal transmis au préfet ;

- pour le même motif, l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a également été méconnu ;

- la mesure d'éloignement est insuffisamment motivée en fait au regard des exigences de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- sa situation n'a pas été examinée de façon réelle et complète ;

- le préfet ayant refusé d'examiner sa demande d'asile et de statuer sur sa demande d'admission au séjour à ce titre, l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit ;

- cette décision est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le refus d'accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que l'administration a méconnu son pouvoir d'appréciation ainsi que le principe de proportionnalité ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du risque de fuite ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- au regard des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention des Nations Unies relative à la prévention de la torture ;

- la décision portant placement en rétention administrative est entachée du même vice de procédure et de violation des droits de la défense que l'obligation de quitter le territoire français ;

- il a été interpellé lors d'un contrôle méconnaissant l'article 72-8 du code de procédure pénale ;

- le placement en rétention administrative méconnaît le principe de proportionnalité et comporte et une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 février 2016, le préfet des Hautes-Alpes conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision portant placement en rétention administrative et au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention administrative sont devenues sans objet ;

- le moyen, soulevé à l'encontre de la décision de placement en rétention administrative, tiré de l'irrégularité des conditions d'interpellation est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par M. A... C...ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision du 21 avril 2015 désignant le pays de renvoi, qui sont nouvelles en appel.

M. A... C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.

1. Considérant que, par jugement du 27 avril 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. A... C..., de nationalité érythréenne, tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2015 par lequel le préfet des Hautes-Alpes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et de l'arrêté du même préfet en date du 23 avril 2015 ordonnant son placement en rétention administrative ; que M. A... C...relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 avril 2015 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixation du pays de renvoi :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant " ; que selon L. 512-2 du même code : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ; que l'article R. 776-5 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté, dispose que : " (...) Lorsque le délai est de quarante-huit heures, le second alinéa de l'article R. 411-1 n'est pas applicable et l'expiration du délai n'interdit pas au requérant de soulever des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent. / Le requérant qui, dans le délai de quarante-huit heures, a demandé l'annulation de l'une des décisions qui lui ont été notifiées simultanément peut, jusqu'à la clôture de l'instruction, former des conclusions dirigées contre toute autre de ces décisions " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte tant des mentions de l'article 3 de l'arrêté préfectoral en litige que de celles de l'imprimé de notification de cet arrêté, signé par l'intéressé, qui ne sont pas sérieusement contestées, que l'ensemble des obligations mises à la charge de l'administration par les dispositions de l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été respectées, et que M. A... C...a en particulier été informé, dans une langue qu'il comprend, de ce qu'il pouvait contacter son consulat ou demander qu'un avocat lui soit désigné ;

5. Considérant, en second lieu, que l'arrêté contesté indique qu'il peut " faire l'objet d'un recours contentieux en annulation, dans un délai de quarante-huit heures, devant la juridiction administrative par un écrit, si possible dactylographié, contenant l'exposé des faits et des arguments juridiques précis que vous invoquez. Il y a lieu de joindre au recours une copie de la décision contestée. Ce recours doit être enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille (...) " ; que ces mentions, qui sont dépourvues d'ambiguïté, ne sont pas erronées dès lors que les dispositions de l'article L. 776-5 du code de justice administrative ne dérogent ni au délai de quarante-huit heures pour déposer une demande d'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, ni à l'exigence de production de la décision attaquée prévue à l'article R. 412-1 du code de justice administrative, ni à l'applicabilité du premier alinéa de l'article R. 411-1 du même code imposant que la requête comporte l'exposé des faits et moyens soumis au juge, alors même que des moyens nouveaux, quelle que soit la cause juridique à laquelle ils se rattachent, peuvent être soulevés après l'expiration du délai de recours ou que des conclusions peuvent être dirigées contre une autre décision notifiée simultanément jusqu'à la clôture de l'instruction ; que, par suite, M. A... C...ne peut se prévaloir de l'inopposabilité des voies et délais de recours ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été notifié à M. A... C...le 21 avril 2015 à 23 heures 45 alors que la demande de première instance n'a été enregistrée que le 25 avril 2015 à 9 h 08, soit après l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, l'appelant, qui n'a pas été privé du droit à un recours effectif prévu à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme irrecevable ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 23 avril 2015 portant placement en rétention administrative :

En ce qui concerne les conclusions du préfet à fin de non-lieu à statuer :

7. Considérant que si la rétention administrative de M. A... C...a pris fin du fait du refus de prolongation par un arrêt de la cour d'appel du 30 avril 2015, les conclusions à fin d'annulation pour excès de pouvoir dirigées contre l'arrêté du 23 avril 2015 conservent leur objet ; qu'il y a donc lieu d'y statuer ;

En ce qui concerne la légalité :

8. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la décision portant placement en rétention administrative, qui fait suite à une procédure distincte de celle de la mesure d'éloignement et repose sur un nouveau contrôle d'identité, est entachée du même vice de procédure et de violation des droits de la défense que l'obligation de quitter le territoire français est dépourvu des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... C...ne saurait utilement invoquer devant la juridiction administrative les conditions de son interpellation, qui méconnaitraient les dispositions de l'article 72-8 du code de procédure pénale ;

10. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; que l'article L. 561-2 du même code dispose : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ;

11. Considérant que M. A... C...n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français sans délai du 21 avril 2015 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il était dépourvu de document d'identité et de domicile sur le territoire français lors de son interpellation ; que, dans ces conditions, il ne pouvait être regardé comme disposant de garanties effectives de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, alors même qu'il aurait fait part lors de son audition par les services de police de sa volonté de demander l'asile en France ; que, par suite, en décidant de le placer en rétention administrative plutôt que de l'assigner à résidence, le préfet n'a pas méconnu le " principe de proportionnalité " ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 décembre 2016.

N° 15MA04427 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04427
Date de la décision : 23/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-23;15ma04427 ?
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