La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2016 | FRANCE | N°15MA03547

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2016, 15MA03547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 avril 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503447 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, Mme B...,

représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 avril 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1503447 du 6 juillet 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de MmeB....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 juillet 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 22 avril 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée et repose sur un examen sommaire de sa situation personnelle ;

- le préfet aurait dû se prononcer sur les circonstances humanitaires exceptionnelles ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;

- le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- il a commis une erreur de droit en appréciant sa situation au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la condition de résidence habituelle en France posée à l'article 6-7 de l'accord franco-algérien est remplie ;

- le 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien a été méconnu et le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laso ;

- les observations de Me D...du cabinet Goldmann représentant MmeB....

1. Considérant que, le 4 octobre 2013, Mme B..., de nationalité algérienne, a sollicité du préfet des Bouches-du-Rhône son admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; que, par un arrêté en date du 22 avril 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... relève appel du jugement du 6 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision contestée vise les textes dont elle fait application ainsi que l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé ; qu'elle rappelle également les conditions de l'entrée et du maintien irrégulier de Mme B... sur le territoire français ; qu'en outre, elle mentionne notamment que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée ne peut pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'enfin, elle indique que la requérante n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, dès lors, suffisamment motivée ; que, contrairement à ce que soutient Mme B..., cette motivation établit que le préfet s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B... n'établit pas avoir porté à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'au demeurant le directeur général de l'agence régionale de la santé n'a pas émis d'avis ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait dû se prononcer sur ce point ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'espèce, le préfet s'est fondé sur l'avis émis le 15 décembre 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, versé au dossier, selon lequel notamment l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne peut pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par l'avis de ce médecin ni, en tout état de cause, qu'il aurait examiné la situation de Mme B... au regard des seules dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que lorsqu'il suit l'avis émis par le médecin de l'agence régionale le préfet n'a pas à apporter la preuve que le défaut de prise en charge médicale ne peut pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fixe les dispositions de procédure relatives à la délivrance de titres de séjour aux étrangers malades, lesquelles s'appliquent aux ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...)./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé " ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont l'étranger est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale, quelle est la durée prévisible du traitement, et pouvant indiquer, le cas échéant, si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

6. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations précitées du 7) de

l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que le ressortissant algérien fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

7. Considérant, d'une part, que si Mme B... justifie qu'elle souffre d'une dépression majeure et d'un stress post-traumatique et qu'elle doit suivre un traitement comprenant un hypnotique, un régulateur de l'humeur et un anxiolytique, aucun des rapports et certificats médicaux produits par la requérante ne se prononcent sur l'absence de traitement disponible en Algérie non plus que sur l'impossibilité pour l'intéressée de bénéficier d'un suivi médical approprié dans ce pays ; que si les deux rapports du docteur Brongniart, médecin agréé, établis le 1er avril 2014 et le 23 mars 2015, et le certificat du docteur Simeray, tous deux psychiatres, établi le 26 mai 2015, soit postérieurement à la décision attaquée, mentionnent que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressée aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ces documents ne se prononcent pas davantage sur l'absence, en Algérie, du traitement exigé par l'état de santé de l'intéressée et ne sont donc pas de nature à infirmer l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé sur la disponibilité dans le pays d'origine du traitement approprié à son état de santé ; que, d'autre part, si Mme B... soutient que les médicaments qu'elle doit prendre ne sont pas disponibles en Algérie et qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes pour accéder à un tel traitement, ne pouvant être prise en charge par le système de sécurité sociale algérien dès lors que le bénéfice de celui-ci est subordonné à l'exercice d'une activité professionnelle, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir, notamment sur le coût de ce traitement et sur les ressources dont elle dispose dans son pays d'origine alors, au demeurant, qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est à la retraite après avoir exercé une activité de professeur et qu'elle est divorcée et mère de trois enfants majeurs ; qu'ainsi, Mme B... ne justifie pas qu'elle ne pourra pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de rechercher si l'intéressée résidait habituellement en France au sens du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas méconnu ces stipulations a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que, pour les mêmes raisons, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;

8. Considérant, en dernier lieu, que le préfet doit consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser un titre de séjour à un étranger, qui, notamment, remplit effectivement les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article 6 de l'accord franco-algérien et non aux étrangers qui se prévalent de ces stipulations ; que, pour les motifs exposés précédemment, Mme B... n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un tel titre de séjour ; que par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour préalablement à sa décision, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision refusant de délivrer un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de cette décision doit être écarté ;

10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 8, le préfet n'a pas entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur la vie personnelle de Mme B... ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;

12. Considérant qu'en se bornant à soutenir que, dans les années 1990, elle a été victime du terrorisme en raison de sa profession et de son mode de vie et qu'un retour en Algérie l'exposerait à un traitement psychologique inhumain du fait de l'évolution de sa pathologie alors qu'elle ne produit aucun document ou justificatif et qu'elle n'a quitté son pays qu'en 2013, Mme B... n'établit pas la réalité des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence ;

14. Considérant, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme B... la somme qu'elle réclame sur ce fondement ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2016 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Laso, président-assesseur,

- M. Lafay, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2016.

2

15MA03547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03547
Date de la décision : 22/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: M. Jean-Michel LASO
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SELARL GOLDMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-22;15ma03547 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award