Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Solar Côte d'Azur a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 avril 2009 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a mise en demeure de mettre fin à la mise à disposition aux fins d'habitation de deux garages situés au rez-de-chaussée de l'immeuble sis 4 avenue des Eucalyptus à Nice, ainsi que la décision implicite par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux contre cet arrêté.
Par un jugement n° 0904095 du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 12MA02316 du 25 avril 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours formé par la SCI Solar Côte d'Azur contre de ce jugement.
Par une décision n° 381772 du 11 décembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la SCI Solar Côte d'Azur, annulé l'arrêt rendu par la Cour et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juin 2012 et le 14 janvier 2016, la SCI Solar Côte d'Azur, représentée par Me A..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 avril 2012 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 22 avril 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les locaux en cause, qui n'ont jamais été utilisés comme garage, ne sont pas impropres par nature à l'habitation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur de fait s'agissant de la superficie de ces locaux ;
- ces locaux satisfont à la définition de logement décent posée par le décret du 30 janvier 2002 ;
- les griefs tirés de la vétusté des locaux et de la non-conformité de l'installation électrique sont infondés, de même que celui tiré de l'absence de luminosité, de l'humidité des lieux et du risque d'intoxication au monoxyde de carbone.
Par un mémoire, enregistré le 30 juillet 2012, le ministre de l'égalité des territoires et du logement a présenté des observations.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 septembre 2012 et le 20 janvier 2016, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête.
il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Salvage, rapporteur public.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI Solar Côte d'Azur a acquis, le 17 mars 1987, deux garages situés au rez-de-chaussée d'un immeuble situé 4 avenue des Eucalyptus à Nice qu'elle a transformés en locaux à usage d'habitation avant de les proposer à la location ; que par arrêté du 22 avril 2009, le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure la SCI Solar Côte d'Azur de mettre fin, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, à la mise à disposition aux fins d'habitation de ces deux garages ; que, par un courrier du 2 juin 2009, la SCI Solar Côte d'Azur a formé contre cet arrêté un recours hiérarchique devant le ministre de la santé et des sports ; que, par un jugement du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2009 précité ainsi que de la décision ayant implicitement rejeté son recours hiérarchique ; que, par un arrêt du 25 avril 2014, la cour de céans a rejeté l'appel formé contre ce jugement ; que, par une décision du 11 décembre 2015, le Conseil d'Etat a, sur recours de la SCI Solar Côte d'Azur, annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour au motif que celle-ci avait commis une erreur de droit en jugeant qu'une mise en demeure prononcée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique a le caractère d'une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir et dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, alors que le recours dirigé contre une telle mise en demeure étant un recours en pleine juridiction, il appartient au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle il statue ;
Sur la recevabilité des productions de la SCI Solar Côte d'Azur enregistrées le 19 janvier 2016, le 2 juin 2016, le 6 juin 2016, le 7 juin 2016, le 16 juin 2016, le 27 juin 2016, le 28 juin 2016, le 4 juillet 2016, le 20 juillet 2016 et le 22 juillet 2016 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. /Lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au troisième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées à l'article R. 612-1 " ; qu'aux termes de l'article R. 751-5 du même code : " La notification de la décision mentionne que copie de la décision doit être jointe à la requête d'appel ou au pourvoi en cassation. /Lorsque la décision rendue relève de la cour administrative d'appel et, sauf lorsqu'une disposition particulière a prévu une dispense de ministère d'avocat en appel, la notification mentionne que l'appel ne peut être présenté que par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 " ;
3. Considérant que les productions de la SCI Solar Côte d'Azur enregistrées au greffe de la Cour le 19 janvier 2016, le 2 juin 2016, le 6 juin 2016, le 7 juin 2016, le 16 juin 2016, le 27 juin 2016, le 28 juin 2016, le 4 juillet 2016, le 20 juillet 2016 et le 22 juillet 2016, qui ont été présentées sans le ministère d'un avocat bien que la société ait été informée de l'obligation de recourir à ce ministère par la lettre lui notifiant le jugement attaqué du 10 avril 2012, doivent être écartées des débats ;
Sur la légalité de l'arrêté du 22 avril 2009 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le préfet met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. (...) " ; que le recours dirigé contre une telle mise en demeure étant un recours en pleine juridiction, il appartient par suite au juge saisi d'un tel recours de se prononcer sur le caractère impropre à l'habitation des locaux en cause en tenant compte de la situation existant à la date à laquelle il statue ;
5. Considérant que par l'arrêté attaqué, le préfet des Alpes-Maritimes a interdit la mise à disposition aux fins d'habitation des locaux en litige au motif, selon les énonciations même de cet arrêté, qu'ils " présentent un caractère par nature impropre à l'habitation du fait de leur nature et de leur configuration (garages au rez-de-chaussée de l'immeuble " Le Solaris ") " et que " les installations électriques ainsi que les chauffe-eau à gaz présentent un danger imminent pour la sécurité de l'occupant, en raison des risques d'électrocution dus au bricolage des installations et au risque d'intoxication au monoxyde de carbone " ;
6. Considérant, d'une part, que la seule circonstance selon laquelle les locaux en litige étaient, à l'origine, destinés à l'usage de garage ne saurait, par principe, les faire regarder comme étant par nature impropres à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique précité ; qu' au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 1, ces locaux, situés au rez-de-chaussée d'un immeuble, n'ont, jamais été utilisés comme garage depuis leur construction ; qu'il résulte en outre de l'instruction, particulièrement de l'examen du constat d'huissier du 5 novembre 2009 produit devant le tribunal administratif de Nice par la société requérante, que le logement correspondant au lot n° 24, d'une superficie de de 15 m², bénéficie d'un éclairement procuré par une large baie vitrée en façade, d'une porte d'entrée également vitrée ainsi que de deux vasistas, et que le second logement, correspondant à la réunion des lots n° 22 et n° 23, d'une superficie d'un peu plus de 21 m², est éclairé par deux baies vitrées coulissantes et une porte d'entrée entièrement vitrée ;
7. Considérant, d'autre part, que les désordres mentionnés dans l'arrêté attaqué tenant à la sécurité et à la santé des occupants des locaux en cause ne concernent pas la structure même de ces locaux et apparaissent en tout état de cause réversibles, de sorte que ces désordres ne sauraient leur conférer le caractère de locaux par nature impropres à l'habitation au sens de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique précité ; qu'il résulte en outre de l'examen des diagnostics de performance énergétique réalisés en octobre 2009 et du constat d'huissier du 5 novembre 2009 déjà mentionné, que la société requérante a produit devant le tribunal administratif de Nice, que les deux logements sont équipés de chauffe-eau électriques et qu'aucune absence de conformité des installations électriques n'est décelable ; que si l'administration oppose, dans ses écritures en défense, la superficie insuffisante de ces locaux, qu'elle soutient être de 6,7 m² pour l'un, de 5,9 m² pour l'autre, elle ne conteste pas les affirmations de la SCI Solar Côte d'Azur, corroborées par les documents précités, selon lesquelles, ainsi qu'il a été dit au point précédent, la superficie du logement correspondant au lot n° 24 est de 15 m² et celle de l'autre logement, correspondant aux lots n° 22 et n° 23 réunis, est d'un peu plus de 21 m² ; qu'enfin, si l'administration oppose encore, dans ses écritures, d'autres griefs tels que l'insuffisance des hauteurs sous-plafond, qui seraient " inférieures à 2,20 m " et ne serait ainsi pas conformes au règlement sanitaire départemental, ainsi que le fait qu'il règnerait dans ces locaux une humidité ambiante importante due à l'absence de ventilation permanente du logement, enfin que des traces d'infiltration d'eau en provenance des étages supérieurs ont été constatées dans une chambre, elle n'a produit, ni devant le tribunal administratif, ni devant la Cour, le rapport du service communal d'hygiène et de santé de la ville de Nice en date du 6 mars 2009 auquel elle se réfère ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, au demeurant, que ce rapport ait été communiqué à la société requérante ; que, dans ces conditions, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique que le préfet des Alpes-Maritimes a mis en demeure la société requérante de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation de ces locaux ;
8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date du présent arrêt, les locaux en cause auraient subi des transformations de nature à les faire regarder comme impropres par nature à l'habitation, la circonstance selon laquelle ces locaux ont subi des dégradations, postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, étant sans influence sur une telle qualification ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Solar Côte d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Solar Côte d'Azur et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement susvisé du 10 avril 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : L'arrêté susvisé du 22 avril 2009 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à la SCI Solar Côte d'Azur une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Solar Côte d'Azur, à la ministre des affaires sociales et de la santé et au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 décembre 2016.
N°15MA047952
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