La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | FRANCE | N°15MA03755

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 15 décembre 2016, 15MA03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Tropicana a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400470 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête

et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2015 et le 18 février 2016, la SARL Le Tropicana, repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Le Tropicana a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005, 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1400470 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2015 et le 18 février 2016, la SARL Le Tropicana, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 juillet 2015 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen par lequel elle contestait les pénalités mises à sa charge ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas soumis au débat oral et contradictoire les éléments ayant fondé les impositions ;

- l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les impositions des années 2002 et 2003 étaient prescrites ;

- les impositions des années 2002 à 2005 et 2008 et 2009 ont été établies sur le fondement de pièces, ultérieurement annulées, d'une procédure pénale ;

- le rejet de sa comptabilité n'est pas justifié ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée ;

- l'administration n'a pas tenu compte de ses conditions d'exploitation ;

- les pénalités pour manoeuvres frauduleuses ne sont ni motivées ni justifiées.

Par des mémoires en défense enregistrés le 14 janvier 2016 et le 18 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements prononcés et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Tropicana ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ouillon,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Le Tropicana, qui exploite un bar-restaurant, relève appel du jugement du 16 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des contributions additionnelles à cet impôt et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2002 à 2005 à la suite d'un contrôle sur pièces et des exercices clos en 2008 et 2009 à la suite de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 2 mars 2016 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques de Corse et du département de Corse-du-Sud a prononcé, par application du I de l'article 1756 du code général des impôts et à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, le dégrèvement des intérêts de retard dont les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt établies au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005, 2008 et 2009 avaient été assorties, pour un montant total de 59 051 euros ; que les conclusions de la requête de la SARL Le Tropicana sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour confirmer le bien-fondé du rejet de la comptabilité de la société, le tribunal a relevé que " l'existence même d'une comptabilité alternative tenue dans des cahiers et carnets par le père des associés de la société requérante, dont l'existence a été révélée notamment par une perquisition du 25 mai 2010, régulière, était de nature à ôter à la comptabilité " de la société toute valeur probante et a considéré que cette comptabilité occulte retraçait l'activité de la requérante et que son existence justifiait le rejet de la comptabilité présentée ; que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par la SARL Le Tropicana au soutien de ce moyen, a suffisamment motivé son jugement ;

5. Considérant, en second lieu, que la SARL Le Tropicana contestait dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 3 juin 2015 le bien-fondé de l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ; que le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; que le jugement est irrégulier sur ce point et doit être annulé dans cette mesure ; qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Bastia par la société requérante à fin de décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de sa requête ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ; qu'en revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs ;

7. Considérant que les propositions de rectification du 15 décembre 2011 et du 25 avril 2012 mentionnent les impôts concernés, les années d'imposition, le montant des rectifications opérées et leur fondement juridique ; qu'elles exposent de manière précise les calculs opérés pour déterminer le montant des insuffisances de chiffre d'affaires et les résultats imposables ainsi que les motifs retenus pour refuser la déduction de certaines charges ; que ces motifs étaient suffisamment précis pour permettre à la société de formuler ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait ; que la circonstance que les propositions de rectification ont fait mention de pièces d'une procédure pénale, dont l'administration a pris connaissance dans l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire ultérieurement annulées par le juge judiciaire, est sans incidence sur le caractère suffisant de leur motivation ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que si, eu égard aux garanties dont le livre des procédures fiscales entoure la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration est tenue, lorsque, faisant usage de son droit de communication, elle consulte au cours d'une vérification tout ou partie de la comptabilité tenue par l'entreprise vérifiée mais se trouvant chez un tiers, de soumettre l'examen des pièces obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable, il n'en est pas de même lorsque lui sont communiqués des documents ne présentant pas le caractère de pièces comptables de l'entreprise vérifiée ;

9. Considérant que le vérificateur a obtenu en cours de contrôle auprès de l'autorité judiciaire la communication des pièces de l'instruction pénale dont M. A... C..., père des deux associés de la société, faisait l'objet et notamment les documents, saisis par les services de police lors d'une perquisition au domicile de ce dernier, qui comprenaient des cahiers récapitulant les recettes journalières et mensuelles ainsi que les charges d'exploitation du fonds de commerce exploité par la requérante ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 15 décembre 2011 que le vérificateur a réalisé plusieurs interventions au sein du cabinet comptable de la requérante où cette dernière avait demandé que le contrôle se poursuive, au cours desquelles les échanges avec les mandataires de la société ont porté sur les éléments recueillis par le service dans l'exercice de son droit de communication et particulièrement sur les informations contenues dans la comptabilité occulte de la requérante dont l'existence a justifié le rejet de sa comptabilité ; qu'il ressort des mentions non contredites de la proposition de rectification que le service avait adressé à la société requérante, en cours de contrôle, des copies de certaines des pièces saisies et, plus particulièrement, des cahiers retraçant les recettes et les dépenses de l'exploitation ; que la SARL Le Tropicana n'établit pas qu'au cours de ces rencontres, le vérificateur se serait refusé à tout échange de vue sur les éléments ayant permis la détermination des impositions supplémentaires ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière en l'absence de débat oral et contradictoire sur les éléments recueillis dans le cadre du droit de communication ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée ;

11. Considérant qu'il est constant que l'administration avait transmis à la requérante, au cours des opérations de vérification de comptabilité, les procès-verbaux d'audition de sa gérante et de M. C... ainsi que les cahiers constituant sa comptabilité occulte, éléments qui avaient été obtenus dans le cadre du droit de communication exercé auprès de l'autorité judiciaire, comme il ressort des mentions de la proposition de rectification du 15 décembre 2011 ; que, par ailleurs, en annexe à sa réponse du 13 février 2012 aux observations présentées par la SARL Le Tropicana, l'administration a transmis à cette dernière, qui en avait fait la demande, une copie du procès-verbal de la perquisition du domicile de M. C... au cours de laquelle les éléments constituant la comptabilité occulte avaient été saisis ; que la requérante n'apporte aucune précision sur les renseignements et documents obtenus de tiers par l'administration sur lesquels celle-ci se serait fondée pour établir les impositions supplémentaires afférentes aux exercices clos en 2008 et 2009 et qui ne lui auraient pas été communiqués malgré sa demande ; que, par ailleurs, la SARL Le Tropicana n'établit pas avoir demandé la communication des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir les impositions en litige afférentes aux exercices clos de 2002 à 2005 faisant l'objet de la proposition de rectification du 25 avril 2012 dès lors que sa demande présentée le 1er mars 2011, au cours de la vérification de comptabilité dont elle faisait l'objet au titre des exercices clos en 2008 et 2009, ne portait que sur les documents que l'administration entendait utiliser pour rectifier les résultats de ces deux exercices ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les impositions relatives aux exercices clos de 2002 à 2005 :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales, alors en vigueur : " Même si les délais de reprise prévus à l'article L. 169 sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ;

13. Considérant que les dispositions du livre des procédures fiscales instituant, au bénéfice des services fiscaux, un droit de communication auprès des autorités judiciaires ne sauraient permettre à ces services de se prévaloir, pour fonder l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge compétent ;

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 18 décembre 2013, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a annulé la garde à vue de M. A... C...et a ordonné le retrait du dossier des procès-verbaux de son audition qui étaient au nombre des pièces consultées par l'administration ayant permis de révéler les omissions ou insuffisances d'imposition reprochées à la SARL Le Tropicana ; que si l'administration ne peut plus ainsi se prévaloir, pour établir les impositions en litige, du contenu de ces procès-verbaux, il résulte de l'instruction qu'elle s'est essentiellement fondée, pour déterminer le montant des insuffisances de bénéfices, sur l'exploitation des autres pièces de l'instruction, qui n'ont pas été annulées et ont, d'ailleurs, justifié le rejet de la demande d'annulation de la mise en examen de M. C... et, plus particulièrement, sur les éléments de la comptabilité occulte de la SARL Le Tropicana ; que, par suite, la seule annulation de certaines pièces de la procédure pénale dont M. C... faisait l'objet ne fait pas obstacle à ce que l'administration puisse se prévaloir des dispositions de l'article L. 170 du livre des procédures fiscales pour établir les impositions auxquelles la SARL Le Tropicana a été assujettie et qu'elle conteste ;

15. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la proposition de rectification du 25 avril 2012, qui lui a été régulièrement notifiée, a interrompu la prescription du droit de reprise de dix années ouvert à l'administration au titre des exercices clos en 2002 et 2003 ;

16. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que le service a déterminé le chiffre d'affaires et les résultats imposables de la SARL Le Tropicana au titre des exercices clos de 2002 à 2005 à partir des tableaux récapitulatifs du chiffre d'affaires et des dépenses, qui retraçaient les résultats de l'exploitation de la société, saisis au domicile de M. C... ; qu'il ressort des mentions du procès-verbal de la perquisition de ce domicile au cours de laquelle ces tableaux ont été saisis et notamment des informations données par M. C... aux enquêteurs, que ces derniers correspondaient à la comptabilité de la SARL Le Tropicana et retraçaient les résultats de son exploitation ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a retenu les informations mentionnées dans ces tableaux qui couvraient les exercices en litige pour déterminer les recettes réalisées par la requérante ;

17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour établir le montant des résultats imposables, l'administration a admis en déduction des recettes ainsi déterminées, le montant des dépenses mentionnées dans la comptabilité occulte à l'exclusion de celles qui n'ont pu être identifiées comme engagées pour les besoins de l'exploitation ; que si la SARL Le Tropicana demande que soient admises en déduction les dépenses engagées pour le compte de la SCI Cocoon, qui était propriétaire de la maison où était domicilié... ; que la requérante n'apporte aucun autre élément permettant d'établir que le montant des charges prises en compte par l'administration serait insuffisant ;

En ce qui concerne les impositions relatives aux exercices clos en 2008 et 2009 :

18. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions de la proposition de rectification du 15 décembre 2011 que, pour écarter la comptabilité comme non probante au titre des exercices vérifiés, l'administration s'est fondée sur l'existence d'une comptabilité occulte qui avait été retrouvée au domicile de M. C... ; que compte tenu de l'existence de ces dissimulations de recettes et alors même que certaines pièces justificatives de charges auraient été saisies par l'autorité judiciaire, l'administration pouvait, pour ce seul motif, remettre en cause le caractère probant de la comptabilité de la requérante et la rejeter ;

19. Considérant, en second lieu, que si l'administration a pris en compte le contenu des procès-verbaux d'audition de M. C..., lors de sa garde à vue qui s'est déroulée le 24 et le 25 septembre 2011 et qui ont été ultérieurement annulés par le juge judiciaire, il résulte de l'instruction qu'elle s'est fondée principalement, pour reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices de la SARL Le Tropicana au titre des exercices clos en 2008 et 2009, sur les informations mentionnées dans les tableaux récapitulatifs de chiffre d'affaires retrouvés au domicile de M. C... ; que le contenu de ces tableaux a, d'ailleurs, été soumis au débat oral et contradictoire avec les représentants de la requérante lors de la vérification de comptabilité, comme indiqué au point 9 ; que l'exploitation de ces seuls éléments d'information qui, pour les motifs indiqués au point 16, retraçaient les recettes d'exploitation de la société, a permis à l'administration de déterminer le montant des recettes dissimulées par la requérante ; que cette dernière n'apporte aucun élément permettant d'établir que le montant des dépenses figurant dans cette comptabilité occulte, qui a été pris en compte pour la détermination des résultats imposables, serait insuffisant ; qu'en particulier, elle n'établit pas, comme indiqué au point 17, que les dépenses engagées pour le compte de la SCI Cocoon auraient été engagées pour les besoins de son exploitation ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des mentions de la proposition de rectification du 15 décembre 2011 que le service a admis en déduction des recettes dissimulées les charges engagées dans l'intérêt de l'exploitant pour leur montant toutes taxes comprises ; que, par suite, la méthode retenue par l'administration pour déterminer les minorations des résultats imposables au titre des exercices vérifiés n'était pas radicalement viciée ;

Sur l'application des pénalités :

20. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis " et qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) " ;

21. Considérant, d'une part, qu'il ressort des mentions des propositions de rectification du 15 décembre 2011 et du 25 avril 2012 que l'administration a suffisamment motivé l'application aux impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés des pénalités pour manoeuvres frauduleuses en faisant état, après avoir précisé le fondement légal, le taux de la pénalité et son montant, de l'importance du montant des minorations de recettes constatées sur les exercices vérifiés et de la tenue d'une comptabilité occulte ; que la seule circonstance que dans la proposition de rectification du 15 décembre 2011, à la suite d'une erreur matérielle, il était indiqué que ces pénalités étaient appliquées aux rectifications proposées en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'a pu induire en erreur la société requérante quant à l'identification des impôts qui faisaient l'objet des majorations dès lors que les éléments de fait et de droit justifiant l'application de celles-ci étaient mentionnés dans un paragraphe spécifique aux pénalités dont les suppléments d'impôt sur les sociétés étaient assortis et que les montants des impôts auxquels les pénalités étaient appliquées correspondaient aux seules impositions supplémentaires d'impôt sur les sociétés ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des pénalités doit être écarté ;

22. Considérant, d'autre part, que, comme il a été indiqué au point précédent, la SARL Le Tropicana a, en tenant une comptabilité occulte au cours des exercices en litige, délibérément dissimulé une partie de son chiffre d'affaires ainsi que des achats, pratiques qui permettaient de minorer le montant des recettes déclarées et de rendre plus difficiles les opérations de contrôle de l'administration ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce que soutient la requérante en tout état de cause, que l'administration n'aurait assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces mêmes minorations de chiffre d'affaires que des pénalités pour manquement délibéré ; que, dès lors, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de manoeuvres frauduleuses et a pu, à bon droit, mettre à la charge de la société la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions et pénalités restant en litige, d'une part, la SARL Le Tropicana n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie et, d'autre part, que la société n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assorties les impositions supplémentaires en litige ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : À concurrence de la somme de 59 051 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Le Tropicana tendant à la décharge des intérêts de retard ayant assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003, 2004, 2005, 2008 et 2009.

Article 2 : Le jugement n° 1400470 du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions de la SARL Le Tropicana tendant à la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses.

Article 3 : La demande de la SARL Le Tropicana présentée devant le tribunal administratif de Bastia tendant à la décharge des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Tropicana et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Ouillon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.

2

N° 15MA03755


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award