Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...et Mme E... F...-A..., son épouse, ont demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.
Par un jugement n° 1305089 du 17 février 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2015 et un mémoire enregistré le 20 novembre 2015, M. et Mme A..., représentés respectivement par Me D... puis par le cabinet Watson Farley etWilliam LLP agissant pas MeB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2015 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) à défaut, de prononcer la compensation entre les droits et pénalités auxquels ils sont assujettis et le montant du dégrèvement auquel ils peuvent prétendre à la suite de l'annulation de l'acte d'apport du 13 juin 2008 par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 13 mars 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la possibilité pour le contribuable de corriger une erreur matérielle et de l'existence d'un abus de droit rampant ;
- l'acte d'apport du 13 juin 2008 ayant été annulé pour vice du consentement par un arrêt de la cour d'appel de Douai du 13 mars 2013, le fait générateur de la plus-value imposée se trouve anéanti nonobstant les principes d'indépendance du droit fiscal et d'annualité de l'impôt ;
- ils sont en droit de réclamer la restitution de l'imposition, conformément à la doctrine administrative publiée au BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10, n° 70, ce qu'ils ont fait dans le cadre d'une demande de compensation ;
- le calcul de la soulte versée à M. A... lors de l'apport de ses titres de la SARL Domoti à la SC Banon est entaché d'une erreur matérielle qu'ils doivent pouvoir rectifier ;
- l'administration fiscale a mis en oeuvre de façon implicite la procédure d'abus de droit en les privant des garanties qui y sont attachées ;
- ils ont été taxés sur l'intégralité de la plus-value alors que l'opération n'est à l'origine d'aucun flux financier en dehors de la soulte de 359 520 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 septembre 2015, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 17 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008 à raison de l'imposition d'une plus-value réalisée par M. A... à l'occasion de l'apport de titres de la SARL Domoti à la SC Banon ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir qu'ils pourraient, dans le cadre d'un litige fiscal et sur le fondement de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, modifier les termes d'un contrat de droit privé, qu'au demeurant, l'existence d'une erreur matérielle n'était pas établie et que, dès lors, le moyen tiré de ce que les requérants auraient eu la possibilité de corriger l'erreur matérielle qu'ils invoquaient ne pouvait qu'être écarté, le tribunal a nécessairement répondu au moyen tiré de la possibilité pour les contribuables de corriger une telle erreur matérielle ; qu'ainsi, le jugement a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de la lecture du jugement que le tribunal a expressément statué sur le moyen tiré par M. et Mme A... de ce que l'administration fiscale aurait mis en oeuvre de façon implicite la procédure d'abus de droit en les privant des garanties qui y sont attachées ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC , les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus) de valeurs mobilières, de droits sociaux (soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus) de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 et 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008. (soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus) " et qu'aux termes de l'article 150-0 B du même code dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés. / Ces dispositions s'appliquent aux opérations d'échange ou d'apport de titres mentionnées au premier alinéa réalisées en France / Les échanges avec soulte demeurent... " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte sous seing privé du 30 juin 2008, M. et Mme A... ont apporté soixante-quinze parts de la SARL Domoti qu'ils possédaient à la SC Banon pour une valeur nominale de 15 000 euros soit 200 euros par part ; qu'au jour de l'apport, la valeur unitaire des parts a été évaluée à 53 332 euros, l'apport total de M. et Mme A... s'élevant à 3 999 900 euros ; que cet apport a été rémunéré par l'émission de mille vingt parts nouvelles de la SC Banon, d'une valeur nominale de 300 euros, soit 306 000 euros et par le paiement d'une soulte de 359 520 euros ; que la différence a été comptabilisée sous forme d'une prime d'émission, inscrite au passif du bilan de la SC Banon ; que l'acte du 30 juin 2008, dans sa sixième résolution, stipulait que les associés entendaient bénéficier du sursis d'imposition de la plus-value, dans les conditions prévues à l'article 150-0 B du code général des impôts ; que pour remettre en cause le bénéfice du sursis d'imposition, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que la condition du sursis relative au montant de la soulte versée n'était pas remplie, dès lors que le montant de celle-ci excédait 10 % de la valeur nominale des titres ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. / L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité (soumis aux dispositions de l'article 150-0 A lorsque le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus) " ;
7. Considérant qu'en constatant que le montant de la soulte excédait de 10 % la valeur nominale des titres échangés et que les conditions prévues par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts n'étaient, de ce fait, pas remplies, l'administration n'a procédé à aucune requalification de l'acte d'apport dont s'agit mais s'est bornée à tirer les conséquences fiscales de cet acte ; que les requérants ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l'administration fiscale aurait dû mettre en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ainsi que les garanties qui y sont attachées ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la remise en cause du sursis d'imposition :
8. Considérant, en premier lieu, que les requérants ne contestent pas qu'en vertu des stipulations du contrat d'apport, le montant de la soulte excédait 10 % de la valeur nominale des titres mais indiquent que ce montant résulte d'une erreur matérielle de calcul alors que la condition relative au montant de la soulte apparaît explicitement dans le contrat ; que, toutefois, la seule circonstance que les requérants ont entendu bénéficier du sursis d'imposition de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 150-0 B du code général des impôts, intention réitérée dans le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 juin 2008 de la SC Banon, ne démontre pas l'existence d'une erreur matérielle alors que le montant de la soulte à prendre en compte est expressément déterminé par les stipulations du contrat ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale s'est fondée sur les clauses du contrat d'apport pour apprécier les conditions d'application du sursis d'imposition de la plus-value prévues par l'article 150-0 B du code général des impôts ; qu'elle a pu à bon droit également taxer les contribuables à raison de l'intégralité de la plus-value dès lors que l'une des conditions d'application des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts n'était pas remplie ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants exposent qu'ils ont la possibilité de rectifier l'erreur matérielle contenue selon eux dans l'acte de droit privé sur le fondement de l'article L. 168 du livre des procédures fiscales, en tout état de cause, l'erreur matérielle alléguée ne résulte pas des éléments de l'instruction comme il vient d'être dit ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'un acte rectificatif pris à fin de satisfaire le critère de seuil ne saurait être opposable rétroactivement à l'administration fiscale ;
S'agissant de l'annulation judiciaire de l'acte d'apport :
11. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ;
12. Considérant que, même si, par un arrêt du 13 mars 2013, la cour d'appel de Douai a annulé le contrat d'apport conclu le 13 juin 2008 entre M. et Mme A... et la SC Banon, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les impositions procédant des rehaussements notifiés par l'administration fiscale seraient dépourvues rétroactivement de base légale dès lors que le principe d'annualité de l'impôt prévu à l'article 12 du code général des impôts justifie d'imposer les créances acquises en raison des conventions, même irrégulières, établies entre les parties, dont la nullité n'a été prononcée que postérieurement à l'année d'imposition concernée ;
13. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du n° 70 de l'instruction BOI-RPPM-PVBMI-30-10-10 : " La plus-value ayant normalement été soumise à l'impôt sur le revenu au titre de l'année de la conclusion de la transaction, si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés. La demande de dégrèvement de l'imposition initialement établie peut être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date de l'annulation, de la rescision ou de la résolution de la vente, et qui expire le 31 décembre de la deuxième année suivante " ;
14. Considérant que cette instruction se borne à permettre au contribuable, en cas de résolution du contrat, d'obtenir par voie de réclamation le dégrèvement de l'imposition initialement établie et ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application aux points précédents du présent arrêt ; que M. et Mme A... ne sont, par suite, pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur la demande de compensation présentée par M. et Mme A... :
15. Considérant qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt, saisi directement d'une telle demande, de prononcer la compensation entre les droits et pénalités auxquels M. et Mme A... ont été assujettis et le montant du dégrèvement auquel ils pourraient, le cas échéant, prétendre à la suite de l'annulation de l'acte d'apport du 13 juin 2008 par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 13 mars 2013 ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme E... F...-A... et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.
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N° 15MA01824