Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités hongroises en tant que celles-ci sont responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1504076 du 4 janvier 2016, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 janvier 2016, M. A..., représenté par Me Mouret, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 janvier 2016;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 1er décembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône d'examiner sa demande d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas déposé de première demande d'asile auprès de la Hongrie, et n'a fait l'objet que d'une mesure de prise d'empreintes, obligatoire en vertu du règlement UE 603/2013 ;
- le préfet doit justifier de la consultation du fichier institué par le règlement n° 2725/2011 du 11 décembre 2011 ;
- l'arrêté contesté porte une atteinte grave et disproportionnée au respect de sa dignité et de sa sécurité ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sa situation doit être examinée au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 de l'Union européenne ;
M. A... a été admis au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 mars 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 18 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Steinmetz-Schies.
1. Considérant que M. A..., ressortissant syrien, né le 10 octobre 1996, est entré sur le territoire français le 2 août 2015 ; qu'il a sollicité le 6 août 2015 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture du Vaucluse ; que, par une décision du 4 septembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône l'a informé que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ne serait pas saisi de cette demande dès lors que ses empreintes ont été relevées sur la borne Eurodac en Hongrie du 23 juillet au 30 juillet 2015 ; que le préfet des Bouches-du-Rhône a saisi les autorités hongroises le 16 septembre 2015 d'une demande de reprise en charge ; que par un accord implicite du 30 septembre 2015, les autorités hongroises ont accepté leur responsabilité et par arrêté du 1er décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé sa remise aux autorités hongroises ; que M. A... relève appel du jugement du 4 janvier 2016 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité de l'arrêté du 1er décembre 2015 :
2. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version issue de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; que le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que : " La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre " ; qu'aux termes de l'article 13 du règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices (...), que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 dudit règlement: " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 du règlement précité : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. (...) " ; qu'aux termes de l'article 22 du règlement précité : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 (...) équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ; qu'aux termes de l'article 23 du même règlement: " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. " ; qu'aux termes de l'article 25 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines. / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. " ;
3. Considérant que si M. A... soutient n'avoir jamais déposé de demande d'asile en Hongrie, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du courrier adressé le 20 août 2015 par la direction générale des étrangers en France au préfet des Bouches-du-Rhône, que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont révélé que les empreintes de M. A... ont été relevées à deux reprises, les 21 et 28 juillet 2015 par les autorités hongroises, lesquelles ont accepté tacitement le 30 septembre 2015 la demande de reprise en charge que leur avait adressée le préfet des Bouches-du-Rhône ;
4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement " ; qu'aux termes du 2ème alinéa du 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable " ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qu'une demande d'asile est en principe examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par le chapitre III de ce règlement, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que, selon le même règlement, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est écartée en cas de mise en oeuvre, soit de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre, soit de la clause humanitaire définie par le paragraphe 2 de ce même article 17 du règlement ; que le paragraphe 1 de cet article prévoit en effet qu'un Etat membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères fixés par le règlement, " décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée " ; que la mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ;
6. Considérant d'autre part, que si la Hongrie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ;
7. Considérant que, pour soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, M. A... se prévaut des rapports faits par Amnesty International sur la situation des demandeurs d'asile ; que toutefois, M. A... ne présente pas d'éléments suffisamment précis permettant d'établir que l'instruction de son dossier dans ce pays ne répondrait pas aux garanties exigées par le respect du droit d'asile, mais se borne à formuler des considérations d'ordre général sur l'état du système d'asile hongrois et les discriminations qui y séviraient ; que, par suite, le requérant n'établit pas que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire de compétence prévue à l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 ;
8. Considérant que si le requérant fait valoir qu'il est marié religieusement avec MlleC..., qui vit en France et bénéficie d'un titre de séjour, et qu'il a entrepris toutes les démarches pour que le mariage civil soit célébré par le maire de la commune de Vien, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est arrivé en France moins de quatre mois avant la décision contestée, et que l'ensemble de sa famille est restée en Turquie ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que M. A... n'est pas plus fondé à soutenir que le préfet a entaché son arrêté d'une appréciation manifestement erronée de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Mouret, avocat et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
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N° 16MA00108