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08/12/2016 | FRANCE | N°15MA04425

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2016, 15MA04425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par une ordonnance n° 1500968 du 24 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requ

ête enregistrée le 20 novembre 2015, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle sera éloignée.

Par une ordonnance n° 1500968 du 24 avril 2015, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 novembre 2015, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 24 avril 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2014 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et lui délivrer dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'ordonnance est irrégulière, le premier juge ayant estimé à tort que sa demande relevait des dispositions du 7° de l'article R 222-1 du code de justice administrative ;

- le refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa propre compétence ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa propre compétence ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune irrégularité ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. Guidal, président, a été entendu en son rapport au cours de l'audience publique.

1. Considérant que Mme A..., ressortissante nigériane entrée en France le 20 novembre 2013 selon ses déclarations, a sollicité le 17 février 2014 un titre de séjour au titre de l'asile ; que le 8 avril 2014, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile et le 6 novembre 2014, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rejeté le recours introduit à l'encontre de ce rejet ; que le 8 décembre 2014, le préfet de l'Hérault a pris à l'encontre de Mme A... une décision portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible ; que Mme A... relève appel de l'ordonnance du 24 avril 2015, par laquelle le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;

3. Considérant, d'une part, qu'à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement querellé, Mme A... soutenait notamment que le préfet avait méconnu l'étendue de sa propre compétence en s'étant cru tenu à tort par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA pour lui refuser le séjour ; que le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a écarté ce moyen au motif que ce moyen n'était assorti que " de fait manifestement insusceptible de venir à son soutien " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A... faisait valoir qu'il appartenait au préfet de s'assurer que le refus de séjour qu'il prenait ne l'exposait pas à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que l'appréciation portée par l'OFPRA et la CNDA au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 ne liait pas l'autorité administrative et était sans influence sur l'obligation qui étaient la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle disposait, que les mesures qu'elle prenait ne méconnaissaient pas les stipulations susmentionnées ; que, quel que soit le bien-fondé de cette argumentation, les faits ainsi invoqués ne pouvaient être regardés comme manifestement insusceptibles de venir au soutien du moyen soulevé ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour rejeter la demande de Mme A..., le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a également estimé que le moyen qu'elle présentait, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'était assorti d'aucun élément probant démontrant que la décision fixant le pays de destination aurait été pris en connaissance de ces stipulations ; qu'une telle motivation n'est pas au nombre de celles qui peuvent être adoptées par une ordonnance prise sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de Mme A... n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'irrégularité et doit être annulée ;

6. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2014 du préfet de l'Hérault :

En ce qui concerne le refus de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, que le refus de séjour contesté, qui comporte l'énoncé des éléments de droit et des circonstances de fait sur lesquels il se fonde est suffisamment motivé ;

8. Considérant, en second lieu, que la décision par laquelle le préfet se prononce sur le droit au séjour d'un étranger et lui fait obligation de quitter le territoire français à la suite d'une décision de l'OFPRA et de la CNDA lui refusant le droit au bénéfice du statut de réfugié et à la protection subsidiaire n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de fixer le pays de destination où l'intéressé devra être reconduit ; qu'est, dès lors, inopérant le moyen tiré par Mme A... de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence et ainsi commis une erreur de fait et une erreur de droit en s'abstenant d'examiner si le refus de séjour qui lui était opposé portait atteinte à son droit à la protection contre les peines ou traitements inhumains et dégradants prohibés par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient aux Etats membres de l'Union européenne, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ; que ce droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision fixant le pays de destination implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision d'éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il serait légalement admissible ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision fixant le pays de destination, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour et le pays de l'éloignement ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déposé une demande de titre de séjour au titre de l'asile le 17 février 2014 et qu'elle a été entendue à cette occasion sur sa situation personnelle ; qu'elle avait par ailleurs déjà fait l'objet, le 10 février précédent ainsi que le 17 février 2013, d'une décision du préfet de l'Hérault lui refusant le séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de tout pays dans lequel elle serait légalement admissible, procédure au cours de laquelle elle avait pu exposer tous les éléments utiles la concernant ; que, dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays à destination duquel elle serait éloignée est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que si le préfet de l'Hérault a relevé dans l'arrêté contesté que l'OFPRA et la CNDA avaient procédé à l'examen des risques de torture ou de soumission à des peines ou des peines ou traitements inhumains et dégradants auxquels serait exposée Mme A... au Nigeria avant de préciser que l'intéressée n'apportait aucun élément nouveau de nature à établir la réalité de ces risques, il ne ressort ni des termes de cet arrêté, ni des pièces du dossier qu'il aurait estimé que cette circonstance faisait obstacle à ce que les craintes dont se prévalait l'intéressée fassent l'objet d'un nouvel examen par ses services ; que, dès lors, le moyen tiré par Mme A... de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa propre compétence et ainsi commis une erreur de fait et une erreur de droit doit être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, que si Mme A... redoute des persécutions en cas de retour au Nigéria au regard de son statut de femme et de sa confession chrétienne, elle n'apporte aucune précision, ni aucune justification susceptible d'établir la réalité des risques auxquels elle serait personnellement exposée, dont ni l'OFPRA ni la CNDA n'ont au demeurant reconnu l'existence ; qu'ainsi, les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues par la décision contestée ; que pour les mêmes motifs cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2014 du préfet de l'Hérault ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme A... tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet un réexamen de sa demande et lui délivre dans l'attente de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que l'Etat n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 24 avril 2015 du président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- M. Chanon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.

N° 15MA04425 2

acr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04425
Date de la décision : 08/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-12-08;15ma04425 ?
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