Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1500712 du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mai 2015, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 23 avril 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa demande d'admission au séjour dans le délai de deux mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en se substituant au préfet pour lui opposer des moyens de droit et de fait sans l'inviter au préalable à fournir des observations, le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit dans l'application de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du droit de l'Union européenne ;
- l'arrêté préfectoral est signé sous forme d'un tampon, ce qui l'a privée d'une garantie ;
- le préfet aurait dû au préalable consulter la commission du titre de séjour ;
- il a également commis une erreur manifeste d'appréciation quant à la nécessité d'un visa ;
- en lui opposant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que sa situation relève de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004, directement applicable dès lors qu'elle a été incomplètement transposée aux articles L. 121-3 et R. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour ce qui concerne le " partenaire enregistré ", le préfet a commis une erreur de droit ;
- le refus de séjour est entaché d'une erreur de qualification juridique sur la portée du pacte civil de solidarité ;
- le préfet a apprécié sa vie familiale de façon manifestement erronée ;
- elle remplit les conditions relatives à la délivrance d'un titre de séjour portant les mentions " membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne ", " vie privée et familiale " et " visiteur " ;
- elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application du droit de l'Union européenne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chanon, premier conseiller.
1. Considérant que, par jugement du 23 avril 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme C..., de nationalité russe, tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que Mme C... relève appel de ce jugement ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes l'article 2 de la directive du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres : " Aux fins de la présente directive, on entend par : 1) "citoyen de l'Union": toute personne ayant la nationalité d'un État membre ; 2) "membre de la famille": a) le conjoint ; b) le partenaire avec lequel le citoyen de l'Union a contracté un partenariat enregistré, sur la base de la législation d'un État membre, si, conformément à la législation de l'État membre d'accueil, les partenariats enregistrés sont équivalents au mariage, et dans le respect des conditions prévues par la législation pertinente de l'État membre d'accueil (...) " ; qu'aux termes de l'article 7 de cette directive : " Droit de séjour de plus de trois mois / 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'État membre d'accueil, ou / b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil (...). / 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la rédaction est issue de la loi du 24 juillet 2006 assurant la transposition de la directive du 29 avril 2004 : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne (...) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) 4° S'il est un (...) conjoint (...) accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° (...) de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans (...), il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union " (...) " ;
4. Considérant que tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ; que le pacte civil de solidarité doit être regardé, eu égard à ses effets dans un grand nombre de situations sociales juridiquement protégées, comme un " partenariat enregistré " équivalent au mariage au sens de la directive du 29 avril 2004 ; que, par suite, en omettant d'inclure les personnes ayant contracté un pacte civil de solidarité dans la définition des membres de la famille des ressortissants communautaires, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas compatibles avec les objectifs de cette directive ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de l'arrêté préfectoral en litige, qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, Mme C... a invoqué la conclusion, le 14 août 2014, d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant italien ; que, dès lors, en examinant la demande de titre de séjour de l'intéressée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives à la délivrance de la carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale, alors qu'il était en présence d'un membre de la famille d'un citoyen de l'Union européenne, le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision une erreur de droit ;
6. Considérant qu'il résulte ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que, par suite, le jugement du 23 avril 2015 et l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2015 doivent être annulés ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ; que l'article L. 911-3 du même code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet " ;
8. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes procède au réexamen de la demande d'amission au séjour de Mme C... ; que, par conséquent, il y a lieu de lui enjoindre de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'affaire, les conclusions tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu de faire application des dispositions de cet article et de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 avril 2015 et l'arrêté préfectoral du 13 janvier 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre une nouvelle décision sur la demande d'admission au séjour de Mme C... dans le délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 15MA02111
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