Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 2 septembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a informée qu'elle pourrait être reconduite à destination du pays de l'Union européenne dans lequel elle était détentrice d'un titre de séjour.
Par une ordonnance n° 1405189 du 10 mars 2015, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme D... épouseC....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 septembre 2015, Mme D... épouseC..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier du 10 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2014 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de trente jours et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, un récépissé de sa demande dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal administratif ne relevait pas de l'un des cas mentionnés au 7° de l'article R 222-1 du code de justice administrative dans lesquels les présidents de formation de jugement peuvent rejeter les requêtes par ordonnance ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée n'est entachée d'aucune irrégularité ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... épouse C...ne sont pas fondés.
Mme D... épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D... épouseC..., ressortissante marocaine, titulaire d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 18 janvier 2015, a sollicité le 5 août 2014 la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, par un arrêté du 2 septembre 2014, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour au motif qu'elle n'entrait pas dans les prévisions du 7° de l'article L 313-11 et de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que Mme D... épouse C...relève appel de l'ordonnance du 10 mars 2015, par laquelle la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé " ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande de Mme D... épouse C...dirigée contre l'arrêté litigieux du 2 septembre 2014, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a estimé que le moyen qu'elle présentait, tiré de ce qu'elle résidait en France depuis le mois d'août 2012, que toute sa famille était établie sur le territoire national, que sa fille y était scolarisée et parlait parfaitement le français et que son autre enfant était né à Perpignan, n'était pas assorti de précisions suffisantes permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qui était soumis au premier juge que Mme D... épouse C...développait au soutien de ce moyen des arguments de fait et de droit, puisqu'elle invoquait les dispositions du 7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant, et qu'elle produisait plusieurs documents à l'appui de ses allégations ; que, dès lors, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que l'ordonnance qu'elle attaque est irrégulière et à en demander l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme D... épouse C...devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la recevabilité des conclusions de première instance dirigées contre la décision qui aurait fait obligation à Mme D... épouse C...de quitter le territoire français :
5. Considérant que, dans sa demande présentée au tribunal administratif, Mme D... épouse C...demandait l'annulation de la décision qui lui aurait fait obligation de quitter le territoire français ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, après avoir rejeté la demande de titre de séjour présentée par l'intéressée, s'est borné à l'informer qu'elle pourrait être reconduite à destination du pays de l'Union européenne dans lequel elle était détentrice d'un titre de séjour dans le cas où elle serait interpellée ; que cette seule mention ne suffit pas, par elle-même, à faire regarder cet arrêté comme comportant une décision faisant à son destinataire obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, les conclusions de la demande de Mme D... épouse C...qui tendent à l'annulation de cette prétendue décision d'éloignement sont irrecevables ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus de séjour :
6. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté critiqué comporte les considérations de fait et de droit qui le fondent ; qu'il est ainsi régulièrement motivé ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;
8. Considérant que Mme D... épouse C...fait valoir qu'elle réside en France depuis 2012, que sa fille y est scolarisée et que l'un de ses enfants y est né ; que, toutefois, son époux est également en situation irrégulière en France et a fait l'objet d'un refus de séjour ; que l'intéressée ne démontre pas une intégration particulière à la société française ; que si sa fille est scolarisée en France, cette circonstance ne fait pas obstacle à la poursuite de la vie familiale soit dans le pays d'origine soit en Espagne où les deux parents disposent d'un tire de séjour les autorisant à travailler ; que, par ailleurs, la requérante n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc et en Espagne, pays où résident selon ses indications plusieurs de ses proches ; que, compte tenu de la situation personnelle de Mme D... épouseC..., le rejet de sa demande de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que, par suite, l'arrêté litigieux n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, il n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...) l'intérêt de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'époux de Mme D... épouse C...est également en situation irrégulière et que rien ne fait obstacle à ce que ses enfants et son mari repartent avec elle soit en Espagne soit au Maroc ; que, dès lors, Mme D... épouse C...n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de sa fille n'aurait pas été suffisamment pris en compte ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse C...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme D... épouse C...tendant à ce que la Cour enjoigne sous astreinte au préfet de lui délivrer une carte de séjour doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que l'Etat n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par Me B... sur leur fondement ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 10 mars 2015 de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par Mme D... épouse C...devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Chanon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2016.
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N° 15MA03976
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